
L’impact de l’environnement physique sur l’environnement pédagogique (l’apprentissage d’une langue étrangère)
Rana BAKHIT
Faculty of Education, Jinan University – Lebanon.
مداخلة منشورة في كتاب أعمال مؤتمر الأرغونوميا التربوية المنعقد في طرابلس لبنان مارس 2018، ص 105.«L’ergonomie scolaire et éducative se propose d’optimiser l’organisation de l’ensemble du processus éducatif pour qu’il soit adapté aux besoins des élèves »[1].
Au Liban les paramètres ergonomiques sont souvent négligés dans les salles de classe par méconnaissance notamment à l’école publique, pourtant une étude menée par l’université de Salford, au Royaume-Uni en 2012 a montré que l’ergonomie de la salle de classe a un impact non négligeable sur l’apprentissage des élèves.
Les résultats de cette recherche mettent en lumière que l’environnement pédagogique efficace est un environnement de travail dont l’ergonomie a été pensée. Des données fiables recueillies dans plusieurs recherches révèlent que les locaux éducatifs sont un facteur important et de l’assiduité et de la réussite des élèves. Murimba et al. indiquent que « l’éducation est un processus complexe sur lequel influent des facteurs situés à l’extérieur comme à l’intérieur des murs de la salle de classe» (1995).
En fait nous avons réduit notre recherche à l’impact de l’environnement physique sur l’apprentissage d’une langue étrangère ( la langue française) car au Liban la constitution a donné une place importante à cette langue dans le cadre de l’enseignement public en stipulant que : « l’enseignement des deux langues : l’arabe et le français sont obligatoires dans toutes les écoles nationales[2]».
Ainsi, il faut comprendre les attentes des élèves vis-à-vis du cadre spatial et temporel dans lequel s’effectue leur apprentissage (Lave et Wenger, 1991).
Inroduction
Du fait de son association traditionnelle à des activités de production, l’acception du terme « ergonomie » reste encore souvent assez floue. Le dictionnaire Larousse[3] en donne la définition générale suivante : étude de l’adaptation du travail et des machines aux possibilités de l’homme. Apparue en tant que telle avec la société industrielle, la notion d’ergonomie se rattache à la longue histoire de l’activité humaine : elle se définit avant tout comme l’intégration des technologies (au sens le plus large et le plus primitif du terme) au sein d’un espace définissant les relations qu’entretient l’homme avec la nature qui l’entoure et dont il fait partie intégrante.
L’ergonomie est simplement la recherche d’une meilleure adaptation possible entre une fonction, un matériel et son utilisateur.
Une meilleure adaptation du travail à l’homme aura pour résultat: Pour l’utilisateur – une plus grande efficacité de leurs conduites opératoires – leur satisfaction – leur confort – une meilleure santé et une meilleure qualité de vie Pour l’entreprise – l’amélioration de la productivité – la diminution des accidents du travail et une augmentation de la sécurité.
En éducation, l’ergonomie se présente comme une science dont la visée est de trouver les moyens d’améliorer cette fonction. La diversité des plans sur lesquels peuvent se situer ces moyens explique la variété des approches :
- une approche techniciste tentera d’améliorer l’outil lui-même pour le rendre plus apte à remplir sa fonction ;
- une approche sociologique interprétera les relations entre l’outil, ses usagers et leur environnement ;
- une approche psychologique cherchera à distinguer les interactions plus « intimes » entre ces mêmes partenaires…
- L’approche ergonomique :
À partir du moment où les tâches d’apprentissage se réalisent dans un univers technologique, le fameux triangle didactique (savoir, enseignant, enseigné) ne suffit pas à rendre compte des processus mentaux mis en œuvre dans l’apprentissage. Il faut lui substituer une modélisation en termes techniques et non plus seulement didactiques de l’apprentissage. Les stratégies d’apprentissage —ou leur absence — révèlent un processus d’instrumentation et un processus d’instrumentalisation du système technico-didactique (Rabardel, 1995 : Raby, 1994 & 1996). L’échange pédagogique traditionnel est alors remplacé par le modèle ergonomique et la démarche suivie consiste à partir de l’observation des comportements pour tenter de remonter vers les conduites cognitives.
enseignant communication verbale apprenant
|
devient :
Figure 1 : Le nouvel modèle ergonomique
- Approche ergonomique de la situation d’apprentissage traditionnelle
L’apprentissage des langues est assimilable à la situation industrielle au sens où il se fonde sur un processus de transformation, dans notre cas la transformation d’un être humain qui acquiert et assimile de nouveaux savoirs et savoir-faire. Comme tout modèle de production également, le processus d’apprentissage met en œuvre des acteurs (l’apprenant et l’enseignant) et vise un objet (la langue). Cette description élémentaire correspond au modèle triadique classique.
Figure 2 : la situation d’apprentissage traditionnelle
- Modèle quadripolaire : approches industrielle et didactique :
Dans le modèle didactique, le but n’est plus la réalisation d’un travail en commun, mais la facilitation du travail individuel de l’apprenant.
Une distinction s’effectue entre sujet et objet : l’objet du processus est la transformation de l’apprenant (son apprentissage de la langue) qui, dans le cadre de son interaction avec la langue présentée par l’intermédiaire des instruments pédagogiques, devient à la fois sujet et objet. Le but recherché est bien la réflexivité de l’action, comme le souligne la double flèche qui relie, dans la Fig. l’apprenant aux instruments. De son côté, l’enseignant apparaît comme l’un des sujets du processus, dans une mesure qui reste toutefois à préciser. Le pôle linguistique, à son tour, constitue l’autre point focal du processus.
Cette représentation encore brute du modèle ergonomique, enfin, illustre l’objectif humaniste, puisque le pôle technologique se situe clairement au croisement des Hommes (enseignant et apprenant) et de leur mode de communication (la langue).( Bertin, Jean-Claude : 2008)
Figure 3 : approches industrielle et didactique
- L’environemnt physique :
L’environnement physique joue un rôle vital dans la création et le maintien d’un degré de motivation élevé. Un environnement physique avec du bruit excessif, des locaux exigus, un mauvais éclairage, des équipements de travail désuets va affecter la motivation du personnel.
L’environnement pédagogique du XXIe siècle est perçu comme un cadre dans lequel les élèves s’adonnent à des activités d’apprentissage autonome ou collaboratif ; dans cette perspective, l’environnement physique est conçu de façon à pouvoir être régulièrement réorganisé en fonction des besoins pédagogiques (Partnership for 21st Century Skills, 2002). Ainsi les principes constructivistes du XXe siècle, en vertu desquels l’apprenant était actif et l’environnement pédagogique, passif, sont aujourd’hui caducs. La Théorie de la pratique repose sur le principe selon lequel l’environnement d’apprentissage est lui aussi actif (Dent-Read et Zukow-Goldring, 1997).
Dans la perspective constructiviste, les élèves apprennent à la lumière de leurs propres découvertes, tandis que les apprenants tels que les conçoit la Théorie de la pratique sont transformés et façonnés par les interactions avec leurs camarades, leurs enseignants et leurs environnements physiques.
Ce que les chercheurs ont montré :
- La disposition des meubles, des fournitures et des ressources matérielles dans une classe est l’un des facteurs les plus importants pour ce qui est de favoriser un comportement positif (Alberta Éducation, Direction de l’éducation française).
- Selon une récente étude de l’Université de Salford au Royaume-Uni, un aménagement des salles de classe plus flexible pourrait permettre d’améliorer le rendement des élèves de près de 25% (Huffington Post, 2013)
- Elles confirment que l’activité physique (marcher, bouger, s’étirer) améliore l’apprentissage chez les élèves et a un impact positif chez l’enseignant. ( Eric Jensen ,2000),
- L’environnement pédagogique et l’apprentissage
Les tenants de l’approche sociocognitive de la motivation distinguent habituellement chez les élèves deux types de buts : des buts d’apprentissage et des buts de performance. Le premier type de buts renvoie à l’importance que l’élève accorde à l’acquisition de connaissances et au développement de sa compétence.
Mais pourquoi les élèves adoptent-ils des buts d’apprentissage ou de performance ? Plusieurs auteurs (Ames et Archer, 1988 ; Anderman et Maehr, 1994 ; Corno et Rohrkemper, 1985 ; Maehr et Midgley, 1991 ; Meece, 1991 ; Nolen et Haladyna, 1990 ; Pintrich, 1989 ; Pintrich et Garcia, 1991 ; Pintrich, Marx et Boyle, 1993) croient que ces buts sont en grande partie déterminés par l’environnement pédagogique. Divers facteurs de l’environnement ont été mis en lumière ; parmi les plus importants, on retrouve la pertinence des tâches d’apprentissage, leur nouveauté et leur variété, la possibilité de faire des choix, le niveau de difficulté des tâches, la participation des élèves aux prises de décisions et, enfin, la reconnaissance des efforts des élè- ves. De façon plus générale, Ames et Archer (1988) ont montré que lorsque les élèves perçoivent que, dans la classe, l’accent est mis sur des buts d’apprentissage, ils utilisent des stratégies cognitives plus efficaces, ils préfèrent les tâches qui représentent pour eux un défi et ils manifestent une attitude plus positive à l’égard de la classe.
Sur un autre plan, de point de vue cognitif l’apprentissage est: la perception, l’organisation et le stockage des informations » (O’Neill, 1993 : 192). Sur le même plan Berbaum indique qu’:
Apprendre, c’est se construire une représentation de la réalité. Pour ce faire, il faut être confronté à cette réalité, il faut la rencontrer. Il n’est possible de se construire une nouvelle représentation que si existe la possibilité de greffer les nouvelles données sur celles qui étaient déjà présentes (1997: 59).
Nous touchons également à ce que Porcher dit: «Apprendre est un savoir-faire qui, soit s’hérite (se transmet par inculcation, c’est à dire enseignement familial diffus), soit s’acquiert» (2004: 60). Quant à Berbaum (1997: 59- 60), il signale que l’apprentissage nécessite le développement d’un ensemble d’attitude[4], le choix des situations, des manières de se confronter au contenu, de se donner un objectif, non seulement à court terme mais à long terme, prise de distance ou appropriation, et le traitement de l’information.
La figure ci-après prise du modèle du bon apprenant de Naiman et al. (1978), élaborée par Skehan (1989) et revu afin de le rendre plus compréhensible, organise la situation d’apprentissage en cinq groupes de variables : trois groupes de variables indépendantes («l’enseignant», «l’apprenant» et «le contexte») et deux groupes de variables dépendantes («l’apprentissage» et «le résultat»). Chaque groupe est ensuite décomposé en plusieurs paramètres. Les flèches indiquent les influences que les différents groupes de variables ont les uns sur les autres. Au début de l’apprentissage, il y a un état initial décrit par l’environnement pédagogique et un résultat est atteint après passage par un processus d’apprentissage.
Figure 1 : Le modèle du bon apprenant
Source: Naiman et al. (1978) et Skehan (1989)
Skehan (1989)[5] note que ce modèle, qui est plutôt une liste de paramètres affecte l’apprentissage d’une langue. Il met bien en évidence les différents paramètres d’un apprentissage réussi. Il se prête à la quantification des différents paramètres, car il permet de montrer dans quelle mesure une variable donnée a un effet sur une autre variable. De plus, il permet de conceptualiser les effets de l’interaction entre les différentes variables.
Enfin, plusieurs chercheurs insistent sur le fait qu’ «une langue vivante s’apprend mieux et plus rapidement par un bain linguistique : il est inutile de formuler des règles » (Glatigny, 1987 : 137). Et «une langue ne s’apprend que si l’on s’en sert» (Defays & Deltour, 2003: 23). De son côté Porcher indique que:
L’apprentissage des langues est aujourd’hui, compte tenu de l’internationalisation croissante des échanges, à visées utilitaristes. Les apprenants ne cherchent plus à « connaître » ou à « savoir » une langue, mais à pouvoir s’en servir pour les besoins de l’interlocution : comprendre et se faire comprendre, à l’oral et à l’écrit » (1999: 30).
La partie pratique :
- description de l’expérimentation
Dans cette partie, nous allons présenter la démarche suivie pour collecter les données. Nous tenons à indiquer la nature et la particularité de la population choisie.
Pour collecter les données, il nous suffit d’identifier le choix d’établissements scolaires, la population visée.
Nous avons choisi de limiter notre recherche aux écoles publiques de toutes les régions libanaises du Liban-nord. Notre choix d’un seule Muhafazat revient à l’idée suivante: La diversité sociale et confessionnelle des différents Caza est la même dans toutes les Muhafazats[6]: Notre choix donc, s’est porté sur des écoles représentatives de chaque district (Akkar, Minié, Tripoli, Zghorta, Batroun, Koura, et Bcharri) qui se situent au Liban-nord. Ci-après la carte géographique du Liban décomposée en sept Muhafazat.
Figure 5. Carte géographique représentant les Muhafazat du Liban-nord
Les écoles que nous avons prises comme échantillon pour notre étude, sont des écoles choisies par hasard dans les sept districts du Liban-nord comme le dénote la carte ci-dessous:
Figure 6: Carte géographique présentant les districts (Caza) du Liban-nord
Notre échantillon se fonde sur 929 apprenants ( classe EB4) . Le nombre effectif des apprenants testés demeure 851 ou 91,60 % de notre échantillon représentatif. En fait il y avait 78 absents dans toutes les écoles. À noter que nous sommes passés aux écoles à la fin
de l’année scolaire, et un grand nombre d’apprenants avait quitté l’école pour plusieurs raisons[7].
- L’instrument de recherche
L’instrument de recherche adopté dans cette étude est le questionnaire dirigé aux enseignants de la langue française, le test de positionnement linguistique et l’activité de production orale proposés aux apprenants.
- Résultats obtenus :
- L’environnement physique
Deux types d’écoles publiques prédominent l’enseignement primaire comme l’affiche le graphe ci-dessous : les établissements scolaires médiocres classés auprès de 34,3 % des enquêtés et les établissements scolaires moyens classés auprès des autres : 34,3 % des enquêtés. Or ce graphe montre un autre effectif qui s’ajoute aux deux derniers : 25,7 % des enquêtés indiquent que leurs établissements sont très médiocres. Ce qui indique que la majorité des écoles publiques sont de mauvaises infrastructures et négligées par l’État libanais. Pourtant des données fiables recueillies dans plusieurs recherches révèlent que les locaux éducatifs sont un facteur important et de l’assiduité et de la réussite des élèves. Murimba et al. indiquent que « l’éducation est un processus complexe sur lequel influent des facteurs situés à l’extérieur comme à l’intérieur des murs de la salle de classe» (1995). La classification des établissements est, entre autres basée sur la présence des matériels didactiques dans ces établissements, le nombre d’apprenants en classe, les fournitures scolaires, l’espace de la classe comme nous allons montrer dans les graphes suivantes.
Graphe1. La qualité des établissements scolaires
2.1. 1. La présence des matériels didactiques
Comme l’indique le graphe ci-dessous, 74,3 % des écoles publiques ne contiennent pas des matériels didactiques. Ce fait reflète la situation désastreuse qui se trouve à l’école publique. Alors que l’absence de ces matériels au sein des écoles influe négativement sur le processus d’enseignement/apprentissage de la langue étrangère (le français). Il faut à ce sujet signaler que l’évaluation ou la note finale de la langue française est divisée selon les nouveaux programmes de la façon suivante: la note finale est sur 20: 12 points sur l’écrit (production écrite, compréhension écrite et structure de la langue) et 8 points sur l’oral (compréhension orale et production orale). Or on se demande comment note-t-on l’oral si les écoles sont dépourvues de support et des documents sonores? La négligence des matériels didactiques de la part de ministère de l’éducation pose un vrai problème sur le plan communicatif, au niveau de l’écrit et de l’oral. Le graphe suivant appuie l’idée de cette négligence:
Graphe 2. La présence des matériels didactiques à l’école
2.1.2. La présence d’une salle de vidéo à l’école
En fait l’effectif des écoles dépourvues des salles de vidéo est bien considérable 82,9 %. Un effectif assez grand par rapport aux exigences posées par les nouveaux programmes de français.
Graphe 3. La présence d’une salle de vidéo à l’école
2.1. 3. Le nombre d’apprenants dans la classe
Le nombre des apprenants en classe influent directement sur le processus d’enseignement/apprentissage. Cette influence touche notamment les classes de langue étrangère puisque c’est une nouvelle langue qui n’est probablement pratiquée qu’en classe. D’où la nécessité de donner à l’apprenant la liberté et la capacité de s’exprimer sans aucune contrainte. Or le grand nombre d’effectifs en classe entrave cette liberté. En fait c’est le cas des écoles publiques qui sont 54,3 % à avoir des classes dont le nombre d’élèves dépasse la trentaine dans une même classe : entre 30-40 élèves.
Graphe 1. Le nombre d’apprenants dans la classe
Le graphe ci-après souligne que 28,6 % des classes sont petites, 40 % des classes sont moyennes et 31,4 % des classes sont grandes. D’ailleurs, les obstacles liés à la démarche d’une séance de français ne concernent pas le nombre d’apprenants seulement, l’espace de la classe joue également un rôle essentiel à cet égard. Nous sommes entrés dans des classes très petites, où l’enseignant n’a même pas l’opportunité de se déplacer entre les rangés des élèves. Il ne peut non plus travailler une activité d’expression orale (de dramatisation) comme il n’y a pas de place pour présenter une scène devant la classe. Il y a de plus des enseignants qui n’ont ni une chaise ni une table, par manque d’espace. En fait nous avons remarqué durant nos visites dans les écoles, des apprenants qui suivent des cours au balcon c’est à dire en dehors de la classe. Ces apprenants qui n’ont pas d’autres places que «le balcon» n’arrivent certainement pas à entendre l’enseignant pendant son explication de la leҫon!
Graphe 2. L’espace de la classe
2.1.5. La présence des chaises ou des bancs
Le nouveau problème qui s’ajoute à cet égard est lié au nombre excessif des apprenants dans des petites classes. Durant notre passation nous avons rencontré des apprenants qui «n’ont pas de la place» pour s’assoir! Ils restent alors debout ! Il y a même 4 ou 5 apprenants qui s’assoient sur le même banc. Cette situation entrave complétement le processus d’enseignement/apprentissage du français. Pourtant les nouveaux programmes ont suscité l’enseignant de langue a adopté des nouvelles méthodes tout en gérant une séance de français: travail de groupe, disposition des tables en forme U, atelier pédagogique,…Or l’effectif assez grand dans 74,3% des classes indiquée dans le graphe ci-dessus montre que celles –ci sont équipées par des bancs. Cet équipement est non adapté pour l’application des nouvelles méthodes qui tiennent à faciliter le déroulement d’une séance de français.
Graphe 3. La présence des chaises ou des bancs dans la classe
2.1. 6. Le bâtiment de l’école
Le bâtiment de l’école avec ses éléments: les salles, les toilettes, les infrastructures… construit un indicateur essentiel qui influe sur le processus d’enseignement/ apprentissage d’une langue étrangère; Cependant nous avons visité plusieurs bâtiments qui n’ont pas les caractéristiques d’établissements scolaires. D’ailleurs la plupart des écoles sont des maisons louées. Il y a même une école parmi celles-ci qui n’a pas de toilettes. Les apprenants sont obligés de sortir ailleurs (en dehors de l’école) lorsqu’ils veulent partir aux toilettes. Une deuxième école d’un équipement vétuste, dont les bancs sont casés, est divisée en trois «maisons», l’une se situe à distance de 10-15 min de marche à pied de l’autre. Les enseignants se plaignent de cette situation, ils affirment: «En hiver, nous sommes obligés de passer du premier établissement au deuxième, ensuite au troisième sous la pluie, nous perdons de 10-15 min pour arriver à nos classes, c’est une grande perte de temps!!»
Nous avons en outre passé dans des écoles où on a remplacé le rideau par une pièce déchirée, un autre établissement scolaire (qui était autrefois une maison) où un ancien évier se situe entre les classes!!! Les salles de cette école étaient peut-être des toilettes transformées en classes pour les apprenants. D’autres écoles sont menacées de démolition et de destruction soudaine. En fait les établissements visités ne donnent pas l’impression que nous sommes dans une école[8]. 68,6% des enseignants indiquent que leurs établissements scolaires sont médiocres. Ainsi nous pouvons affirmer que les écoles publiques souffrent d’un manque des moyens matériels et d’équipement, les bâtiments sont inadaptés pour assurer aux élèves un enseignement de bonne qualité et qui leur permet un bon apprentissage du français entre autres disciplines du programme.
Par ailleurs si 31,4 % d’enseignants considèrent que la situation matérielle de leurs écoles est «parfait», cela revient au fait que ces écoles ont été construit et entretenus par les efforts des citoyens de la localité et non pas par l’Etat. Plusieurs directeurs ont affirmé que la présence des matériels didactiques (salle de vidéo, radio-cd, rétroprojecteur…) ou la restauration de l’école qui a pour but d’avancer le processus d’enseignement/apprentissage de la langue française sont grâce à des comités religieux ou politiques. D’ailleurs un directeur affirme à cet égard: «nous achetons nous-même les registres de la présence des enseignants car le ministre de l’éducation ne les envoient pas!»
Graphe 7. Le bâtiment de l’école
- Le niveau de maîtrise du français des apprenants
Le graphe présenté ci-dessous, dénote le niveau de maîtrise de la langue française des apprenants de l’école publique au Liban. Nous pouvons constater l’effectif des apprenants qui ont un niveau médiocre en français est le plus important 54,3 %. D’ailleurs cet effectif confirme notre hypothèse concernant le niveau linguistique médiocre des apprenants de l’école publique. En outre l’effectif des apprenants qui sont très faible où nul en français est énorme 14%. La question qui se pose à cet égard: sur qui tombe la responsabilité de la faiblesse en langue française, alors que le Liban est un pays francophone ; la langue française a une place privilégiée dans le pays. C’est l’État qui nous semble la première responsable de ce fait, c’est l’État qui ne donne aucune importance à l’enseignement du français dans les écoles publiques. Par ailleurs ce problème est considérable si on le mesure à l’échelle nationale puisqu’il concerne plus que la moitié des apprenants qui vont quitter l’école dès les petites classes à cause de l’échec en français (comme la majorité des matières est enseignée en français)[9]. Ces jeunes enfants n’ont que la rue et le banditisme sous ses différentes formes. Cette situation conduit beaucoup de parents à fuir l’école publique vers l’école privée[10] pour inscrire leurs enfants malgré leur situation économique défavorisée comme le montre le tableau ci-dessous[11]:
|
|||||
L’établissement scolaire | |||||
<25 | [25-50[ | [50-75[ | |||
Niveau linguistique des apprenants | <25 | Dépouillé | 4 | 1 | 0 |
% avec l’établissement scolaire | 44.4% | 8.3% | .0% | ||
[25-50[ | Dépouillé | 4 | 7 | 8 | |
% avec l’établissement scolaire | 44.4% | 58.3% | 66.7% | ||
[50-75[ | Dépouillé | 0 | 4 | 4 | |
% avec l’établissement scolaire | .0% | 33.3% | 33.3% | ||
>=75 | Dépouillé | 1 | 0 | 0 | |
% avec l’établissement scolaire | 11.1% | .0% | .0% | ||
Total | Dépouillé | 9 | 12 | 12 | |
% avec l’établissement scolaire | 100.0% | 100.0% | 100.0% |
L’établissement scolaire | Total | |||
>=75 | ||||
Le niveau linguistique des apprenants | <25 | Dépouillé | 0 | 5 |
% l’établissement scolaire | .0% | 14.3% | ||
[25-50[ | Dépouillé | 0 | 19 | |
% avec l’établissement scolaire | .0% | 54.3% | ||
[50-75[ | Dépouillé | 2 | 10 | |
% avec l’établissement scolaire | 100.0% | 28.6% | ||
>=75 | Dépouillé | 0 | 1 | |
% avec l’établissement scolaire | .0% | 2.9% | ||
Total | Dépouillé | 2 | 35 | |
% avec l’établissement scolaire | 100.0% | 100.0% |
Test de K2 | |||
Value | df | Asymp. Sig. (2-sided) | |
Pearson Chi-Square | 18.871a | 9 | .026 |
Likelihood Ratio | 20.889 | 9 | .013 |
Linear-by-Linear Association | 5.177 | 1 | .023 |
N of Valid Cases | 35 |
Résultat du test: seuil de signification= 0.25. Il existe une relation considérablement significative entre l’environnement physique et le niveau linguistique médiocre en français des apprenants. En fait quand on parle de cette corrélation, on tient à identifier la disponibilité des matériels didactiques à l’école, le nombre d’apprenants adéquat en classe, l’équipement des bâtiments scolaires (chaise, espace..) qui vont probablement assurer une bonne ambiance au processus d’enseignement/apprentissage de la langue française.
Conclusion:
Nous avons réussi de montrer dans cette modeste étude qu’il existe une corrélation entre l’environnement physique et l’apprentissage d’une langue étrangère, notre hypothèse est bien confirmée d’après l’analyse des graphes dressés ci-dessus. Ainsi nous pouvons affirmer que l’impact de l’environnement physique sur l’apprentissage d’une langue étrangère est considéré. Cette environnement influe en général le processus d’enseignement-apprentissage.
L’ergonomie (ou Human Factors) est la discipline scientifique qui vise la compréhension fondamentale des interactions entre les humains et les autres composantes d’un système scolaire, en vue d’optimiser le bien-être des personnes et la performance globale des systèmes.
Ainsi il faut éviter de mettre les élèves en situation de souffrance, de leur donner encore du travail à faire sans espaces, sans outils, et sans liberté. Il faut adapter l’enseignant à une meilleur perception de l’efficacité de son travail et des ressentis qu’il exprime par rapport au plaisir d’enseigner.
References:
- L’ergonomie de la salle de classe ou de formation a-t-elle un impact sur l’apprentissage ? 11 juillet 2014
- La constitution libanaise, article 11.
- Murimba et al. (1995). The analystics of educational research data and policy developpement: an exemple fom Zembabwe. Vol 23(No. 4).
- Rabardel, (1995). Les homes et les technologies. Approche cognitive des instruments contemporains. Paris : Armand collin.
- Abay, F. Baille, J. (1994) « Cognitive issues in multimedia language teaching”. Asp. La revue du GERAS, 4. 19-41
- Bertin , J.C ( 2008). Eléments d’ergonomie didactique, Université Victor Segalen – Bordeaux II.
- Partnership for 21st Century Skills (2002), “Learning for the 21st century: A report and mile guide for 21st century skills”, 21stcenturyskills.org/images/stories/otherdocs/p21up_Report.pdf.
- Dent-Read, C. et P. Zukow-Goldring (1997), “Introduction: Ecological Realism, Dynamic Systems, and Epigenetic Systems Approaches to Development”, dans C. Dent-Read et P. Zukow-Goldring (éd.), Evolving Explanations of Development: Ecological Approaches to Organism-Environment Systems, American Psychological Association, Washington, DC, pp. 1-22.
- Eric Jensen (2000), in his article Moving with the Brain in Mind)
- Berbaum, J., 1997. Formes et dimensions de l’apprendre, colloque intitulé : l’apprentissage du français. Rouen, Mission d’aide aux dispositifs de lutte contre l’illettrisme MADLI – Danielle Colombel.
- Skehan, P. (1989). Individual differences in second language learning. London: Edward Arnold.
- Naiman, N., Frohlich, M., Stern, H.H., & Todesco, A (1995). The good language learner. Clevedon: Multilingual Matters.
- Deltou, S. et Defays, J.M., (2003). Le français langue étrangère et seconde, enseignement et apprentissage. Belgique: Mardaga.
- Porcher, L., (1995). Le français langue étrangère : émergence et enseignement d’une discipline. Paris: Hachette.
[1] L’ergonomie de la salle de classe ou de formation a-t-elle un impact sur l’apprentissage ? 11 juillet 2014
[2] La constitution libanaise, article 11.
[3] Larousse Référence Electronique, CD-ROM, 1994, v. 2.50.
[4] Une attitude positive à l’égard de la personne qui aide (camarade ou enseignant) ; attitude positive à l’égard de l’objet d’apprentissage, du contenu (l’intérêt) ; attitude positive à l’égard de l’environnement de l’enseignement et de l’apprentissage. C’est un ensemble d’attitudes qui s’expriment par une motivation, c’est à dire une mise en mouvement.
[5] Les quatre types de différence individuelle sont:
- les différences cognitives (style cognitif – dépendance/indépendance du champ, le fait de prendre des risques, analysant/globalisant ; style d’apprentissage – visuel, auditif, tactile ; intelligence ; aptitude),
- les différences affectives (motivation, personnalité – anxiété, confiance en soi attitude),
- les différences socio-culturelles (âge, sexe, éducation antérieure),
- les différences dans l’utilisation des stratégies d’apprentissage.
[6]Le mot arabe muhafazah (arabe: محافظة, au pluriel mohafazats arabe: محافظات), est une unité administrative habituellement traduite par subdivision ou gouvernorat en français.
[7]La faiblesse en français est une raison essentielle qui pousse les apprenants à quitter l’école notamment à la classe d’EB4.Ces derniers qui se trouvent incapables de continuer leurs études après qu’ils échouent plusieurs fois pendant la même année scolaire.
[8]Récemment un reportage télévisé dans un programme libanais en 21 janvier 2012 montre la situation désastreuse d’un échantillon d’écoles publiques menacées de la démolition soudaine sous les têtes de ses apprenants; ce reportage donne l’exemple de l’école de «zouk mosbeh» qui est en fait des hangars établis sous le nom d’une école. Cette école ou ces hangars dans laquelle les apprenants demeurent froids durant l’été et nageurs durant l’hiver, selon Charles Sfeir le membre du comité des parents. En outre le directeur d’unité d’ingénierie au ministère de l’éducation «Jamal Abdallah» affirme que l’école de «zouk mosbeh» est l’une de beaucoup d’exemples qui sont très loin d’être proche des caractéristiques de l’école. (http://www.akhbarlelnasher.com/node/22386)
[9] Le Ministère d’éducation indique que le pourcentage d’échec scolaire et des apprenants qui quittent l’école publique est 20 % au cycle primaire, 8% au cycle secondaire. Les statistiques du CRDP.
[10] Les parents qui quittent l’école publique vers l’école privée gratuite demeure devant une nouvelle situation généralement plus catastrophique que celle de l’école publique : outre le niveau faible en français, la réussite des apprenants est arbitraire basée sur des normes spécifiques à cette école nommée aussi commerciale.
[11] Le Ministère d’éducation et d’enseignement supérieur: projet du plan stratégique d’enseignement