
Revue JiL des droits de l`Homme, deuxième Numéro, page 106 Dr. Chemama Khireddine (faculté de droit et de sciences politiques de Batna, Algerie)
Pour télécharger la revue, veuillez cliquez sur la couverture
Introduction
Dès sa proclamation en 1972, le droit à un environnement sain fût contesté par une grande partie de la doctrine. Ceci était peut-être acceptable à cette époque. En effet, les textes, qui l’avaient consacré étaient des déclarations, dépourvues de toute force juridique contraignante. En l’occurrence, ledit droit fût énoncé de façon vague, son contenu semblait illimité, son débiteur était encore inconnu…
Cependant, est-il possible de refuser ce droit jusqu’à présent, malgré son acceptation par une autre partie de la doctrine, sa consécration par des conventions internationales et sa constitutionnalisation par les lois suprêmes de plusieurs Etats. (I)
Mieux encore, une jurisprudence assez riche et à tous les niveaux, est en train de prouver que le droit à un environnement sain est susceptible de faire l’objet d’une protection juridique, et qu’il mérite sa dénomination de droit (II).
En dernier lieu, il peut être important de signaler que le cadre de cette étude n’est pas le droit algérien, mais le droit international.
En effet, le droit à un environnement sain ne figure pas parmi les droits consacrés par la constitution algérienne. Et c’est pour cela, que le présent article tente de présenter cette contribution à tous ceux qui veulent défendre ou consacrer le droit à un environnement sain en Algérie.
I-Consécration textuelle d’un droit contesté par une partie de la doctrine
A partir de 1972, un nouveau droit apparait dans plusieurs textes, allant des déclarations et conventions internationales et régionales, aux lois constitutionnelles (A). Malgré cette consécration explicite, la doctrine demeure divisée sur sa dénomination de droit et sa susceptibilité de faire l’objet d’une protection juridique (B).
A- La consécration du droit à un environnement sain
Cette consécration est passée du niveau international (1) au régional (2), puis au national (3).
1- Au plan international
Le droit international a été le premier à consacrer le droit à un environnement sain. Ceci s’explique par au moins deux raisons : la terre est commune à toute l’humanité et la pollution méconnait les frontières.
C’est ce que le préambule de la Déclaration de Rio de Janeiro (Brésil, 1992), a bien résumé, en proclamant que ” La terre foyer de l’humanité constitue un tout marqué par l’interdépendance” .
Ainsi, la déclaration de Stockholm (Suède1972) proclame que : ” l’homme a un droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permet de vivre dans la dignité et le bien-être”.(5)
En 1992, c’est la Déclaration de Rio de Janeiro qui proclame de son côté, le droit de l’homme à un environnement sain.
Cependant, les déclarations n’ont aucune force juridique contraignante, malgré leur grande valeur morale, d’où la nécessité de proclamer le droit à un environnement sain par des conventions.
Ceci a déjà été fait depuis 1989 par la convention de l’Organisation internationale du travail relative aux sociétés primitives.
Notons au passage qu’en 1997, l’institut de droit international, loin de mettre en cause le droit à un environnement sain, il s’est penché sur le meilleur moyen de le réaliser.
Selon l’article 3 de la résolution de Strasbourg ” la réalisation effective du droit de vivre dans un environnement sain doit être intégrée dans les objectifs de développement durable”. (2)
La convention d’Aarhus (1998) a en plus de la consécration dudit droit, reconnu d’autres droits procéduraux nécessaires à sa sauvegarde, tels que l’accès à l’information, la participation du public au sein du processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement.
2- Au plan régional
La charte africaine des droits de l’homme et des peuples 1981 est la première convention régionale qui a consacré le droit à un environnement sain, non pas comme un droit individuel, mais comme un droit collectif. Ce droit a été attribué aux peuples (3).
De son côté, le deuxième protocole additionnel à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples a reconnu à toute femme le droit de vivre dans un environnement sain et viable (4).
En Amérique, le protocole additionnel à la convention américaine des droits de l’homme reconnait à toute personne le droit de vivre dans un environnement sain (5).
En Europe, la convention européenne et ses protocoles additionnels ne reconnaissent aucun droit à un environnement sain. Cependant, la Déclaration de Dublin relative aux impératifs de l’environnement (1990) rappelle que l’objectif de l’action communautaire est ” de garantir aux citoyens le droit à un environnement sain”.(6)
Notons ici que la déclaration précitée ne s’arrête pas à la reconnaissance, elle aspire à garantir ledit droit.
3- Au plan national
Le parcours qu’a connu le droit à un environnement sain à l’échelle international, a semble-t-il convaincu plusieurs législateurs à accueillir ce droit dans leurs législations nationales.
La constitution norvégienne prévoit que ” Toute personne a droit à un environnement salubre, ainsi qu’à un milieu naturel dont soit préservées la capacité de production et la diversité… pour sauvegarder leur droit… les citoyens doivent être informés sur l’état du milieu naturel, ainsi que sur les conséquences des interventions prévues et réalisées sur ledit milieu” (7)
En France, la charte française de l’environnement de 2004, devenue depuis 2005, partie intégrante de la constitution française (1958), stipule : ” Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé”. (8)
La constitution espagnole énonce que “Toute personne a le droit de jouir d’un environnement approprié pour développer sa personnalité et elle a le devoir de le conserve”(9)
D’autres pays ne reconnaissent aucun droit à un environnement sain, malgré leurs bonnes législation et politique environnementales. Pour l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ceci n’est pas suffisant. Elle a recommandé, depuis 2003 à tous les gouvernements européens de reconnaitre “un droit de l’homme à un environnement sain, viable et digne”, contenant “l’obligation objective pour l’Etat de protéger l’environnement dans sa législation nationale, de préférence au niveau constitutionnel” (10).
B-Position de la doctrine
Les développements qu’a connus le droit à un environnement sain, n’ont pas mis fin à la division de la doctrine entre adversaires (1) et défenseurs (2).
1- Adversaires du droit à un environnement sain
Une grande partie de la doctrine conteste jusqu’à nos jours, tous les droits des peuples, y compris le droit à un environnement sain. D’ailleurs, on le qualifie souvent de ‘’faux’’ ou de ‘’pseudo’’ droit de l’homme.
Ces adversaires pensent que le titulaire réel du droit à un environnement sain n’est pas l’homme, mais une collectivité difficile à identifier ; son débiteur est difficile à déterminer (est-ce chaque Etat ou la communauté internationale collectivement ? et son objet est lui aussi imprécis.(11)
M. Paul Tavernier ajoute une autre difficulté. Les sujets environnementaux sont dit-il, dispersés entre plusieurs conventions, et les règles qui conviennent à un secteur seront difficilement applicables à un autre (pollution maritime, pollution naturelle, déchets nucléaires, biodiversité…).(12)
En somme, le droit à un environnement sain ne peut faire l’objet d’une protection juridique, et il ne mérite donc pas sa dénomination de droit.
M. Mohamed Bedjaoui, sans mettre en cause le droit de l’environnement, voit que les instruments pertinents restent faibles, flous et ambigus ; il aurait souhaité, ajoute-t-il une distinction plus claire de l’obligation de prévention et du principe de précaution dans l’analyse des instruments juridiques en question (13).
2- défenseurs du droit à un environnement sain
Consciente de la “jeunesse” relative du droit de l’environnement en général, une autre partie de la doctrine préfère donner un peut plus de temps à ce dernier. Ceci pourrait commencer d’abord par la proclamation du droit, ce qui enclenchera par la suite la dynamique voulue.
Cette dernière pourrait transformer le droit vague en droit aux contours délimités; le droit abstrait en droits subjectifs, concrets et opposables aux Etats et aux personnes privées ; leur violation sera donc sanctionnée.
Le droit à l’information, qui est l’un des droits procéduraux nécessaires à la sauvegarde du droit à un environnement sain, est un exemple parmi d’autres.
Le code français de l’environnement prévoyait un droit à l’information pour ‘’chacun’’ et une association du ’’public’’ au processus d’élaboration des projets.
Dans la charte de l’environnement qui a consacré le droit à un environnement sain, ’’chacun’’ et le’’public ‘’ont été remplacés par ‘’toute personne’’. Cela concerne donc, les personnes aussi bien physiques que morales.
De l’autre coté, la division stricte entre le droit de l’environnement conçu comme une branche technique du droit et les droits de l’homme qui contiennent tous les droits fondamentaux, et qui servait de prétexte pour refuser le droit à un environnement sain, est en train de se dissiper.
En effet, depuis1999, la recommandation 1431 de l’Assemblée parlementaire, relative à l’action future du conseil de l’Europe en matière de protection de l’environnement, avait déjà proposé la liaison de ce sujet à la convention européenne des droits de l’homme. (15)
Mieux encore, la recommandation 1614 de l’Assemblée parlementaire, avait recommandé au comité des ministres, d’élaborer un protocole additionnel à la convention européenne des droits de l’homme, relatif à la reconnaissance de droits procéduraux individuels, destinés à renforcer la protection de l’environnement, tel qu’ils sont définis dans la convention d’Aarhus. (15)
En somme pour M. Alouane et M El Moussi, le droit international des droits de l’homme offre actuellement, une base juridique pour la défense des droits environnementaux. Lorsque, les Etats, n’assurent pas, à travers leurs législations des mécanismes clairs d’accès à la justice pour défendre leurs droits environnementaux, “ces Etats violeraient le droit d’accès à la justice, reconnu par les conventions des droits de l’homme” (17)
II- Le rôle de la jurisprudence dans la mise en œuvre du droit à un environnement sain
Malgré, tous les progrès, la jurisprudence reste la pierre angulaire dans la concrétisation de ce droit qualifié souvent, de droit abstrait et aux contours flous.
En effet, et quelque soit la position d’une partie de la doctrine, il est très difficile de nier l’apport d’une jurisprudence assez riche au plan international (A) régional (B) et local (C).
A- Au plan international
Quoique moins abondante que la jurisprudence régionale, l’apport de l’arbitrage (1), la cour internationale de justice (2) et peut-être même, la cour pénale internationale (3) ne peut-être négligé .
1- L’arbitrage international
La fondrie de Trail, illustre le premier contentieux international provoqué par un cas de pollution, les émissions de fumées nocives de cette fonderie de plomb, située en territoire canadien, dévastaient les récoltes d’agriculteurs américains, établis de l’autre côté de la frontière ; les arbitres saisis par les deux parties ont admis la responsabilité du Canada ; depuis, cette sentence est considérée comme constituant l’ébauche d’une règle de droit coutumier international, concernant la responsabilité de l’Etat, en cas de dommages causés à l’environnement d’autres Etats. (18)
En 1986, la question a été évoquée après l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Mais l’Union Soviétique a refusé toute responsabilité.
L’affaire du hangar Sandoz aurait pu connaitre le même sort si la Suisse n’avait pas privilégié les négociations aux procédures judicaires.
L’incendie du Hangar Sandoz (Bâle 1986) avait causé le déversement de substances toxiques dans le Rhin.
Les autorités suisses n’avaient pas pris toutes les mesures de sécurité nécessaires pour prévenir l’accident. En effet, elles n’avaient ni exercé une supervision suffisante sur l’entreprise Sandoz, ni alerté les pays de l’aval en temps opportun ; cependant, tous les litiges privés ont été réglés à l’amiable, à cause de la très grande indemnisation offerte par Sandoz.(19)
2- La Cour international de justice
Cet organe onusien a constitué en son sein, depuis 1993 une chambre spéciale compétente en matière d’environnement. Mais cette dernière n’a jamais été saisie jusqu’à présent.
Toutefois, quelques affaires présentant des aspects environnementaux ont été soumises à la Cour plénière.
La première a été à titre consultatif, concernant la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaire. A cette occasion, la Cour avait rappelé que “L’environnement n’est pas une abstraction, mais bien l’espace ou vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et de leur santé ; le deuxième était un litige international, et à l’occasion duquel, la Cour avait rendu un arrêt très significatif, puisque il avait posé clairement la responsabilité des Etats en matière de prévention des pollutions.
3- La cour pénale internationale
Dans l’avenir, la jurisprudence internationale relative à l’environnement pourrait s’enrichir d’avantage grâce à la contribution de la cour pénale internationale. Aucune affaire ne lui a été soumise jusqu’à nos jours. Mais rien n’empêche tous ceux qui ont la capacité juridique de la saisir de le faire.
L’article 8 du statut de Rome (1998) énonce dans son paragraphe 4/B parmi les crimes de guerre, le fait de causer “des dommages étendus , durables et graves à l’environnement naturel”.
B – Au plan régional
Si toutes les conventions régionales des droits de l’l’homme, se sont dotées d’une cour, afin de mettre en œuvre lesdits droits, les cours européennes semblent être les plus dynamiques. Malgré l’absence d’un droit autonome à un environnement sain, ce dernier est défendu, que se soit par la cour de justice des communautés européennes (1) ou la cour européenne des droits de l’homme (2).
1– La contribution de la cour de justice des communautés européennes (CJCE)
La CJCE a précisé à plusieurs reprises les obligations qui incombent aux Etats européens dans le domaine de l’environnement. Ces devoirs renforcent le droit de chacun à un environnement sain. En l’occurrence, elle s’est prononcée aussi sur les organisations non gouvernementales et leurs droits à agir.
a – L’obligation d’information :
La CJCE a condamné la France, parce que cette dernière n’avait pas transposé la directive du 7 juin 1990. C’est ainsi, que la France avait promulgué l’ordonnance n° 321 (12 avril 2000) qui a introduit dans le code de l’environnement un nouveau chapitre relatif à la liberté d’information en matière d’environnement.(22)
b – L’obligation de prévention :
Les Etats doivent aussi mettre en œuvre les mesures préventives préconisées par les directives communautaires. La CJCE a condamné la France pour la pollution des eaux par les nitrates (23)
c – L’obligation des juridictions nationales de défendre les droits environnementaux :
Selon la CJCE, il est possible de déduire de quelques directives relatives à l’environnement, l’existence de droits qui doivent être protégés par les juridictions nationales des pays membres.
C’est ce qui a été confirmé à deux reprises par la cour ,à propos des directives européennes en matière de normes de qualité de l’air et de l’eau.(24)
d – Pas d’intérêt à agir pour les organisations non gouvernementales (ONG) :
Malgré le rôle très actif des (ONG), la CJCE a estimé que Greenpeace ne justifie pas d’un intérêt à agir pour invoquer le non respect par un Etat membre d’une décision adressée à celui – ci en matière d’environnement.(25)
2- La contribution de la cour européenne des droits de l’homme (CEDH)
Pour la CEDH, la responsabilité des Etats peut être engagée dans les cas suivants :
a- Manquer à l’obligation d’information :
La CEDH a préconisé que les autorités publiques (Etat, municipalités) ont des obligations positives à l’égard des administrés, notamment celle de les informer des risques encourus (26)
La Cour avait déjà rappelé dans une autre affaire, que le droit à l’information est composé du droit d’accès à l’information, mais également de l’obligation positive de collecter les informations. (27)
En outre, et en raison de l’effet horizontal de la convention européenne des droits de l’homme, l’Etat peut être déclaré responsable, même si la nuisance a été causée par un tiers .L’Etat doit “prendre toutes les mesures nécessaires pour informer les populations concernées des risques qu’ils encourent en demeurant à proximité d’une usine chimique” (28)
b- Manquer à l’obligation de prévention :
Parmi les obligations positives des autorités publiques à l’égard des administrés, figure aussi l’obligation de prévenir les atteintes aux personnes et aux biens. (29)
c- L’ingérence dans les droits garantis par la convention européenne :
En l’absence d’un droit autonome à un environnement sain, la CEDH s’est appuyée sur une interprétation extensive des droits garantis par celle-ci pour défendre ledit droit.
L’article 8 a été le plus utilisé. Ce dernier garantit “le droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile”.
En 1994, la cour avait admis que “il va pourtant de soi, que des atteintes graves à l’environnement peuvent affecter le bien être d’une personne et la priver de la jouissance de son domicile, de manière à nuire à sa vie privée et familiale, sans pour autant mettre en grave danger la santé de l’intéressée ” (30).Cette atteinte doit donc, être grave et avoir des répercussions directes sur les droits conventionnels.
Dans une autre affaire, l’interprétation extensive du droit à la vie privée était très visible. Pour la cour, “des atteintes au droit au respect du domicile ne visent pas seulement les atteintes matérielles ou corporelles, telle que l’entrée, dans le domicile d’une personne non autorisée, mais aussi les bruits, les émissions, les odeurs, et d’autres ingérences”. (31)
Toujours, et en l’absence d’un protocole additionnel spécifique, la cour a ajouté à l’article 8 , l’article 2 sur le droit à la vie.
Ainsi, dans l’affaire Oneryildiz contre la Turquie, la Grande chambre avait sanctionné l’Etat turque à cause de sa patience face au risque d’une déchetterie qui avait explosé, causant la mort de plusieurs personnes(32).
A l’occasion, la cour avait rappelé que l’obligation positive des Etats de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction, “doit être interprétée comme valant dans le contexte de toute activité publique ou non, susceptible de mettre en jeu le droit à la vie” . (33)
C-Au plan national
Un regard général sur la juridiction française par exemple, permet de distinguer trois positions : celle du juge administratif (1), celle du juge civil (2), et celle du juge pénal.(3)
1-position du juge administratif
Les nuisances environnementales sont souvent réparées en se basant sur un régime de responsabilité sans faute. Ce principe fut établi par le conseil d’Etat depuis 1931 à propos d’une affaire qui avait opposé le propriétaire d’une maison à une commune, en effet les feuilles des plants qui ornaient une place publique, s’accumulaient sur le toit du requérant ,la responsabilité de la commune fut établie, malgré l’absence de toute faute ; exceptionnellement, la responsabilité peut être établie sur l’existence d’une faute, le Conseil d’Etat avait estimé que l’environnement , la vue et l’ensoleillement de la maison des requérants, se sont trouvés gravement affectés par la construction irrégulière d’un bâtiment , l’administration a donc commis une faute de nature à engager sa responsabilité. (34)
2-Position du juge civil
En droit privé aussi, la règle générale est la responsabilité sans faute. La Cour de cassation a admis que les troubles de voisinages pourraient être condamnées indépendamment de toute faute ; toutefois, le juge civil sanctionne exceptionnellement, toute intention malveillante de nuire à autrui, telle que la plantation de fougères devant la fenêtre d’un voisin dans la seule intention de lui nuire. (35)
3-Position du juge pénal
La cour d’appel de Montpellier avait condamné deux individus à six mois de prison et une amende de 50000 francs français pour dégradation du bien d’autrui en réunion, avec effraction et récidive ; les prévenus qui avaient détruit des plants de riz génétiquement modifiés, avaient invoqué l’état de nécessité, ce qui a été rejeté par la Cour ,dès lors que ceux-là disposaient, dit-elle de nombreux moyens d’expression dans une société démocratique, autre que la destruction des biens d’autrui garantis par l’article premier (invoqué par les requérants) du Protocole additionnel de 1952. En cassation, les plaignants estimaient que si l’article premier garantit le droit à la propriété, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme garantit le droit à la vie privée et familiale, qui comprend le droit de toute personne de vivre dans un environnement sain, cet argument fut rejeté par la Cour, qui a estimé que les dispositions conventionnelles précitées ne pourraient justifier le délit reproché. (36)
Conclusion et recommandations
Il est certain que le droit à un environnement sain pourrait rencontrer plusieurs obstacles juridiques sur la voie de sa concrétisation effective. Plusieurs questions restent posées à propos, par exemple du droit à agir, du préjudice…… Cependant, une question primordiale mérite d’être posée. A-t-on réglé tous les problèmes juridiques liés aux droits les plus classiques ? Le droit à la vie n’affronte-t-il pas jusqu’à présent le droit de l’embryon à la vie ? Le droit au respect de la vie privée, ne fait-il pas face au défi de la nanotechnologie ?
En conséquence, nous proposons les recommandations suivantes :
1-la nécessité d’accorder à ce droit assez « jeune » plus de temps et plus de réflexion juridique, à tous les niveaux.
b- La nécessité de se rappeler le lien direct entre la notion de développement durable, qui fait l’unanimité de tout le monde et le droit à un environnement sain. Le développement durable veut que l’homme soit l’acteur principal, et dans le même temps le bénéficiaire de tout développement. Il ne peut l’être que si l’environnement dont dépendent sa vie et sa santé est sain.
Notes
(1) Article 1er
(2) Article 3
(3) Article 24
(4) Article 18
(5) Article 11
(6) Muriel MERINO, « Protection de l’individu contre les nuisances environnementales….de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme au système juridictionnel national de protection », in Revue trimestrielle des droits de l’homme, n° 65, 2006, p.56
(7) Article 106
(8) Article1er
(9) Article 45/1
(10) Recommandation 1614, adoptée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe lors de sa 24eme session , 27 juin 2003.
(11) Pour plus de détails, voir Daniel LOCHAK, Les droits de l’homme, La découverte, Paris , 2002, p. 47.
(12) Mohamed Youcef ALOUANE, Mohamed Khalil EL MOUSSI, Le droit international des droits de l’homme, 2eme partie, Les droits protégés, (version arabe), Maison de culture pour la publication et la distribution, Amman, 2007, p.425.
(13) Mohamed BEDJAOUI, L’humanité en quête de paix et de développement, cours général de droit international, commenté par Jean-Pierre COT, in Annuaire français de droit international, CNRS, Paris, 2008, p. 751
(14) Daniel LOCHAK, op.cit, pp. 47-48.
(15) Recommandation 1614…op.cit.
(16) Ibid
(17) Mohamed Youcef ALOUANE, Mohamed Khalil EL MOUSSI, op.cit , pp. 446-447.
(18) Sentences arbitrales des 16 avril 1938 et 11 mars 1941, note David RUZIE, Droit international public, Dalloz, Paris ,18eme édition ,2006, p.236
(19) Philippe CULET, Le droit international de l’environnement dans la jurisprudence suisse, International Environnemental Law Research Center, 1999,disponible sur le site internet http:// www.ielrc.org/content/w9903.pdf.
(20) Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, Avis consultatif du 8 juillet 1996, note Patrick DAILLER , Alain PELLET, Droit international public, LGDJ, Paris, 7eme édition, 2002, p.1306.
(21) Affaire Gabcikovo-Nagymaros, arrêt du 25 septembre 1997, RGDIP 1998, note Bernard DROBENKO, L’essentiel du droit de l’eau , Gualino, Paris, 2008, p.107.
(22) CJCE, 26 juin 2003, aff 230/00, Commission contre République Française, Rec-2003, note Amandine CAPITANI, «Le droit à l’information et le droit à la participation en matière environnementale, une avancée constitutionnelle ? »,in www.cairn.info/publications-de-Capitani-Amandine–31344.htm
(23) CJCE,12 juin 2003, aff c, 130/01, note Bernard DROBENKO, op.cit, p.107.
(24) CJCE, 30 mai 1991, Commission c/Allemagne, aff c-361/88/16 ; 17 octobre 1991, Commission c/ Allemagne, aff c-58/89/14, note Muriel MERINO, op.cit, p.56
(25) CJCE, 2 avril 1998, Greenpeace et a c/ commission, aff c-321/95, note Patrick DAILLER, Alain PELLET, op.cit,p.1281
(26) CEDH, plen, 30 novembre 2004, Oneryildiz c/Turquie , aff n° 48939/99, note Bernard DROBENKO, op.cit, p.107.
(27) CEDH, 19 fevrier 1999, affaire Guerra et autres c/Italie, note Amandine CAPITANI, op.cit
(28) Cité par Muriel MERINO, op.cit, p.70.
(29) Affaire Oneryildiz c/ Turquie, note Bernard DROBENKO, op.cit, p.107.
(30) CEDH, 9 decembre 1994, arrêt Lopez Ostra c/ Espagne, note Jean-Christophe MARTIN, « La contribution de la Cour européenne des droits de l’homme au développement du droit à l’environnement », in Le role du juge dans le développement du droit de l’environnement, Bruylant, Bruxelles, 2008, p.178.
(31) CEDH, 19 novembre 2004, aff Moreno Gomez c/ Espagne, note ibid.
(32) Affaire Oneryildiz/ Turquie, note Muriel MERINO, op.cit, p. 63.
(33) Ibid
(34) C.E, Sect. 24 juillet 1931, Commune de Vic-Fezansac, C.E, 10 janvier 1973, Epoux Derbey, note Muriel
(35)
(36)
(37) MERINO, idem, p.65.
(38) C. Cass. Civ. 3,4 fevrier 1971 ; C. Cass. Civ. 1., 20 janvier 1964, note idem, pp-65-70
(39) C. Cass. Crim, 19 novembre 2002, note idem, pp. 75-76.