
La famille et le trouble du spectre de l’autisme Etude descriptive
الأسرة واضطراب طيف التوحد: دراسة وصفية
Jabraoui Hicham/ Doctorant chercheur, Université Sidi Mohamed Ben Abdallah, Fès, Maroc
جبراوي هشام/طالب دكتوراه جامعة سدي محمد بن عبد الله، فاس، المغرب
مقال نشر في مجلة جيل العلوم الانسانية والاجتماعية العدد 61 الصفحة 153.
ملخص:
يتعلق موضوع هذه الدراسة بمسألة الجو العام السائد في الأسر التي يعاني أحد أطفالها من التوحد؛ بحيث تساءلت عن نوع تجربة العيش في بيئة تتميز بوجود طفل مصاب بالتوحد، كما تساءلت هل يعد هذا الاضطراب مصدرا لأزمة عائلية؟ لقد افترضت هذه الدراسة أن مرض التوحد يسبب اختلالات وتغيرات في الحياة الأسرية. واستخدمت من أجل الوصول إلى أهدافها استبيان أعد لهذا الغرض. وتؤكد نتائج الدراسة صحة الفرضيات التي انطلقت منها.
الكلمات المفتاحية: التوحد، اضطراب طيف التوحد، الأسرة، الأزمة العائلية.Abstract:
The subject we are dealing with is generally about the atmosphere and the experience of the family in which a child suffers from autism. We are wondering about does living in a family environment marked by the presence of an autistic child constitute a source of family crisis? We have assumed that autism causes disruption and changes in family life. We used a questionnaire to reach our goals. The results confirm the initial hypotheses.
Keywords: Autism; Autism spectrum disorder; family crisis; family; changes.
Résumé :
Le sujet que nous traitons porte d’une façon générale sur l’ambiance et le vécu de la famille dont un enfant souffre de l’autisme. Nous nous interrogeons sur le fait de vivre dans un milieu familial marqué par la présence d’un enfant autiste, constitue-t-il une source de crise familiale ? Nous avons supposé que l’autisme engendre des perturbations et des changements dans la vie familiale. Nous avons utilisé un questionnaire afin d’atteindre nos objectifs. Les résultats affirment les hypothèses de départ.
Mots clés : Autisme ; Trouble de spectre de l’autisme ; la famille ; Crise familiale ; Changements.
Introduction
Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) est un trouble lourd, entraîne beaucoup de difficultés dans la vie quotidienne des familles de l’enfant atteint. Il a des conséquences importantes pour les membres de la famille, et ce tant sur le plan affectif que sur le plan social. Nous pensons que ce trouble pose de manière radicale le problème des rapports entre la personne et son entourage, entre l’individu et sa famille, entre le sujet et son contexte social. Il nous parait très important de commencer par ce constat afin de montrer que la famille est au centre de la problématique de l’autisme.
Notant que les familles sont souvent au début, isolées et dans la détresse la plus totale, ne sachant ni de quoi souffrent leurs enfants, ni à qui elles doivent les confier. Ainsi, ce travaille porte spécifiquement sur la crise que peut traverser la famille de l’autiste, nous insisterons sur la crise familiale qui peut être déclenchée par la présence de l’autiste, en cherchant quel est l’impact de cette présence sur le vécu familial, sur la stabilité et/ou l’instabilité du système familial, ainsi que sur la perturbation de la vie de la famille.
L’autisme : Aujourd’hui, il y a un consensus qui considère le TSA comme étant d’origine multifactorielle, en dépassant la conception ancienne de l’origine unique de l’autisme. Cette nouvelle conception nous renvoie à une réflexion où l’autisme ne peut être réduit à quelques anomalies et que l’interprétation des données neuro-bio-chimiques devrait être faite en regard également d’une approche psychologique. Mais pour le fondement de cet écrit, et afin d’élaborer une conception de ce trouble, nous nous appuierons notamment sur la classification « DSM V ». Ainsi, l’autisme est un trouble neurodéveloppemental, qui atteint plusieurs fonctions ou domaines d’activité essentiels, notamment : des déficits persistants au niveau de la communication et de l’interaction sociale, avec à la présence des comportements répétitifs et des intérêts restreints[1].
La famille: C’est un groupe parent(s) – enfant(s)unis par des liens multiples pour se soutenir moralement, matériellement et réciproquement au cours d’une vie, à travers les générations, favorisant ainsi leur développement social, psychique et physique[2]. Selon Minuchin, la famille est une structure bien définie avec des rôles, des fonctions et une répartition des pouvoirs[3]. Et elle remplit au moins deux types de tâches[4]; des tâches externes de socialisation ou de transmission de la culture et des tâches internes de protection et de réponse aux besoins de ses membres.
La crise familiale : Nous entendons par la crise familiale, l’ensemble des situations qui sont engendrées par la présence d’un enfant autiste au sein de la famille et qui sont marquées par l’incertitude, les interrogations sur l’état de l’enfant et sur son avenir et qui provoque plusieurs démarches en vue de trouver l’équilibre de leur système familial.
La Problématique
Le sujet que nous avons choisi de traiter porte d’une façon générale sur l’ambiance et le vécu de la famille dont un enfant souffre de l’autisme. La problématique de ce travail sera présentée à travers l’interrogation suivante : Le fait de vivre dans un milieu familial marqué par la présence d’un enfant autiste constitue-t-il une source de crise familiale ?
Hypothèse de recherche :
On suppose que l’enfant autiste constitue une source de crise familiale, mais pour orienter efficacement notre recherche, nous avons émis les hypothèses suivantes :
– On suppose que le fait d’avoir un enfant atteint d’autisme engendre des perturbations dans la vie familiale ;
– On suppose que le fait d’avoir un enfant atteint d’autisme engendre des changements dans les liens familiaux et sociaux.
Technique de travail : (Le questionnaire)
En effet, pour atteindre nos objectifs, nous avons choisi d’utiliser la technique du questionnaire dans l’enquête auprès d’une population des familles dont un enfant est autiste. Le choix d’un questionnaire mixte comportant des questions ouvertes et d’autres fermées avec des questions aux modalités prédéfinies, est justifié par le caractère quantitatif de cette partie de la recherche qui décrira les conditions de vie, les comportements et les changements familiaux.
Ce questionnaire comporte 42 items couvrant 3 thèmes. Il y a d’abord des questions d’identification, ensuite des questions concernant l’avant du diagnostic et la pré-annonce qui sont : les questions N°: 3 ; 4 ; 5 ; 6 ; 7 ; 8 ; 9.Puis il y a des questions relatives au moment de l’annonce du diagnostic. Elles portent les numéros : 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16.Et enfin il y a un bloc de questions (de17 à 42) qui permet de traiter les conséquences de l’existence d’un enfant autiste dans la famille sur les activités et la vie familiale (Annexe-A).
Description de la population étudiée :
L’étude est menée auprès de 30 familles dont un enfant est atteint de l’autisme ; notons dès le départ que le principal critère est celui du fait d’avoir au sein de la famille une personne autiste.
Les enfants autistes de cette enquête sont âgés entre de 2 ans et 8 mois à 14 ans avec une moyenne d’âge de 8 ans et 4mois. Sur 30 enfants, nous avons 21 garçons et 9 filles ce qui signifie que le sexe ratio met en évidence une prédominance des garçons environ de 70% des cas, c’est-à-dire que la distribution de sexe est 2,33 fois plus fréquente chez les garçons que chez les filles.
Résultats
Tableau 1 : impact sur les activités quotidiennes :
Activités quotidiennes | Jamais | Peu | Souvent | Très souvent | Toujours | Total | |
Sortir le jour | Effectifs | 0 | 10 | 9 | 6 | 5 | 30 |
Taux | 0 | 33,33 | 30 | 20 | 16,67 | 100% | |
Sortir le soir | Effectifs | 10 | 17 | 2 | 1 | 0 | 30 |
Taux | 33,33 | 56,67 | 6,67 | 33,33 | 00 | 100% | |
Partir en vacances | Effectifs | 2 | 15 | 10 | 3 | 0 | 30 |
Taux | 6 ,67 | 50 | 33,33 | 30 | 00 | 100% | |
Se priver pour l’enfant, financièrement. | Effectifs | 7 | 6 | 8 | 4 | 5 | 30 |
Taux | 23,33 | 20 | 26,67 | 13,33 | 16,67 | 100% | |
Perturbation des moments de repas | Effectifs | 3 | 6 | 3 | 12 | 6 | 30 |
Taux | 10 | 20 | 10 | 40 | 20 | 100% | |
Sommeil interrompu | Effectifs | 3 | 3 | 6 | 15 | 3 | 30 |
Taux | 10 | 10 | 20 | 50 | 10 | 100% | |
Difficulté à accomplir les tâches à cause de sommeil interrompu | Effectifs | 6 | 6 | 8 | 9 | 1 | 30 |
Taux | 20 | 20 | 26,67 | 30 | 3,33 | 100% |
Ce tableau traite l’impact de l’enfant autiste sur le vécu familial. Ainsi, en ce qui concerne les sorties du jour, nous avons trouvé que 33.33% des familles sortent peu, 30% des familles sortent souvent, 20% sortent très souvent et 16.67% des cas sortent toujours. Concernant la question N°18 relative à « sortir le soir », nous avons trouvé que 33.33 % des cas ont répondu par « jamais », 56.67 % des familles ont répondu par « peu », et seulement 3.33% des cas ont répondu par « très souvent ». À travers les réponses à la question des vacances, nous avons trouvé que 6.67% des familles ne partent jamais en vacances, et 50% des familles partent rarement en vacance.
A propos de la question financière (question N°38), nous avons trouvé que 23.33 % des cas ne se sont jamais privés pour satisfaire les besoins de l’enfant autiste, et que plus de 56% des cas se privent au moins souvent afin de satisfaire les besoins de l’enfant, c’est-à-dire que la majorité de la population étudiée place l’enfant autiste au centre de son occupation, en essayant de le faire évoluer quel que soit les moyens que cela leur coûte.
Concernant la question N°41 sur les moments du repas, nous avons trouvé que 10% des cas ont répondu à la question de la perturbation des repas par « jamais », et environ 70% des cas ont des difficultés à gérer ce moment. Ainsi, nous constatons que la perturbation du moment du repas par l’enfant autiste est assez fréquente dans la vie des familles et que la gestion de ces moments reste très difficile pour la majorité des familles.
Parmi les difficultés rencontrées par les familles, nous pouvons citer le problème du sommeil chez l’enfant autiste. A ce propos, nous avons trouvé que 10% des familles avaient répondu par “jamais” à la question N°20: « Votre sommeil est-il interrompu ?», mais la majorité des familles étudiées, environ 80% des cas, notent que leur sommeil est au moins « souvent interrompu » par l’enfant autiste. Ce qui signifie que les troubles du sommeil chez l’enfant peuvent perturber la qualité du sommeil chez les autres membres de la famille, et aussi au sein de la vie familiale au sens large.
Ainsi, ils peuvent également engendrer pour la famille des difficultés à accomplir des tâches habituelles, puisque nous avons trouvé, concernant la question N°21 « Vous avez du mal à accomplir vos activités quotidiennes habituelles en raison de ces interruptions de sommeil? » que 20% des cas ont répondu par “Jamais”, et plus de 60% des cas ont souvent des difficultés à accomplir leurs tâches quotidiennes.
Tableau 2 : Etat psychique et physique des parents.
Jamais | Peu | Souvent | Très souvent | Toujours | Total | ||
La culpabilité | Effectifs | 8 | 6 | 7 | 7 | 2 | 30 |
Taux | 26,67 | 20 | 23,33 | 23,33 | 6,67 | 100% | |
Insatisfaction et impuissance devant l’enfant autiste. | Effectifs | 1 | 8 | 8 | 10 | 3 | 30 |
Taux | 3,33 | 26,67 | 26,67 | 33,33 | 10 | 100% | |
Satisfaction du rôle des parents devant l’enfant | Effectifs | 1 | 14 | 11 | 4 | 0 | 30 |
Taux | 3,33 | 46,67 | 36,67 | 13,33 | 00 | 100% | |
Avoir la fatigue physique et le surmenage | Effectifs | 2 | 6 | 9 | 11 | 2 | 30 |
Taux | 6,67 | 20 | 30 | 36,66 | 6,67 | 100% | |
Sentir la fatigue morale et état dépressif | Effectifs | 2 | 5 | 8 | 12 | 3 | 30 |
Taux | 6,67 | 16,66 | 26,67 | 40 | 10 | 100% | |
Avoir l’anxiété et stress | Effectifs | 1 | 5 | 4 | 12 | 8 | 30 |
Taux | 3,33 | 16,67 | 13,33 | 40 | 26,67 | 100% |
Dans le tableau 2 : Nous avons d’abord traité la culpabilité, en posant la question N°30 « Eprouver la culpabilité d’avoir un enfant autiste dans la famille ». Ainsi, nous avons trouvé que 26.67 % des cas ont répondu par “Jamais”, et que plus de 53 % des cas ont souvent ce sentiment. Dans ce sens, nous avons essayé d’aborder la question du sentiment de l’insatisfaction et de l’impuissance devant l’enfant autiste. Soulignons que nous avons trouvé que seulement 3.33 % des cas ont répondu à la question N°40 par “Jamais”, mais la majorité de l’échantillon, environ 70%, a eu le sentiment de l’insatisfaction ou bien de l’impuissance devant l’enfant autiste.
Par contre, nous avons pu relever, à partir de la question N°39 sur le sentiment de satisfaction, devant le rôle et les actes que les parents accomplissent pour l’enfant autiste, que 3.33% ont répondu par “Jamais” à la question, et que 50% des cas ont eu le sentiment de satisfaction et environ la moitié des enquêtés n’ont ce sentiment que rarement.
Nous avons trouvé (au tableau 2) que plus de73% des cas ont ressenti au moins souvent la fatigue physique et l’état de surmenage. Et environ 76.66% des cas, ont eu souvent la fatigue morale et l’état dépressif. Enfin, nous avons trouvé que la majorité des familles, environs 80%des cas de notre échantillon, ont eu souvent de l’angoisse et / ou du stress.
Les changements dans la sphère professionnelle :
A propos des problèmes des parents dans le travail, nous notons d’abord que 10 parmi 30 cas n’ont pas répondu à cette question (question N°34). 45% des cas ont répondu par “jamais”, et environ 45% des cas ont eu souvent des difficultés ou des problèmes dans leur travail (tableau 3).
Cette difficulté va être confirmée également par les réponses à la question N°35 « Avoir changé d’entreprise, d’horaires et /ou de nature du travail. ». Plus de 50% des cas ont eu à changer de profession, de lieu de travail ou bien d’horaire de travail (tableau 3).
Tableau 3 : vécu dans la sphère professionnelle.
Jamais | Peu | Souvent | Très souvent | Toujours | Total | ||
Avoir des problèmes, de rapprochements au lieu de travail | Effectifs | 9 | 4 | 5 | 1 | 1 | 20 |
Taux | 45 | 20 | 25 | 5 | 5 | 100% | |
Avoir changé l’entreprise, les horaires et/ou la nature du travail | Effectifs | 7 | 2 | 10 | 1 | 0 | 20 |
Taux | 35 | 10 | 50 | 5 | 00 | 100% |
Diagramme 1 : Les changements au sein du couple
Ce diagramme explique que la présence d’un enfant autiste au sein de la sphère familiale engendre toujours des problèmes conjugaux dans 6.67% des cas et 20% des cas ont répondu par « peu ». En revanche, 56.67% des cas ont répondu que l’enfant autiste n’a jamais été une cause de leurs problèmes conjugaux.
Diagramme 2 : Les changements au sein de la fratrie
Dans le diagramme 2, nous avons trouvé que 53.34% des familles ont répondu par “jamais” à la question N°24 concernant les problèmes des parents avec l’autre enfant. Ce qui signifie que la tendance générale de l’échantillon étudié ne relie pas entre ce type de problème et l’enfant autiste. Par contre, nous avons trouvé que seulement 3.33% des cas ont répondu à la même question par “Toujours”.
Diagramme 3 : Problèmes entre les frères
D’un autre côté, nous avons trouvé que 60% des cas ont répondu par « jamais » à la question N°25, et seulement 3.33% des cas ont répondu par “toujours” (Diagramme 20). Ce qui signifie que la tendance générale confirme que la présence de l’enfant autiste ne provoque pas de problèmes entre les frères et les sœurs.
Diagramme 4 : Les changements dans les relations avec l’entourage
Dans le questionnaire, nous avons essayé d’aborder la question des changements dans les relations avec l’entourage. Qu’il s’agisse des amis ou des proches de la famille, les parents évoquent la modification de ces relations avec eux. Ainsi, concernant l’énoncé «Rendre visite au proche », nous avons trouvé que 10% des cas disaient qu’ils ne rendaient jamais visite aux proches, 50%des cas répondent par « peu », (Diagramme 4) ; ce qui signifie que 60% des cas ont au moins réduit le fait de visiter les proches.
Cette modification va être traitée également par la question 27 « Recevoir des visites à la maison » où nous avons pu relever que 10%des cas ont répondu par « jamais », 60% des cas ont répondu par « peu », (Diagramme 4). Ce qui signifie que 70% des cas ont réduit le fait de recevoir les visites aux proches.
Concernant la sphère amicale, nous avons posé la question N°37(vous avez perdu ou vous êtes en train de perdre le contact avec des amis, ou votre cercle d’amis a changé ?). Nous avons relevé que les relations amicales n’ont pas changé seulement pour 16.67% des cas, (Diagramme 4). Par contre la majorité des cas a eu au moins une légère modification dans la sphère amicale.
Discussion des donnés
Nous constatons que les sentiments des parents sont marqués par la culpabilité, que nous pensons qu’elle est provoquée premièrement par le problème de l’acceptation et de « deuil » de l’enfant idéal pour le couple, c’est-à-dire que le sentiment d’être coupable développé par les parents est une impression d’échec de ne pas avoir été capables de faire un enfant « normal », en pleine santé. Deuxièmement, il peut être provoqué par le fait de ne pas avoir compris l’enfant et de ne pas avoir été capable d’entrer en communication avec lui ; et en dernier lieu, par le fait de ne pas être capable de satisfaire tous les besoins de l’enfant autiste. Et troisièmement, par le sentiment de satisfaction que la moitié des enquêtés n’ont ce sentiment que rarement. Ce qui peut provoquer chez eux le sentiment de culpabilité ; ce résultat peut être un indice du stress familial.
Ces données confirment les résultats de l’étude de Eisenhower et de Giarelli, qui signalent que dans l’ensemble des études qui ont mesuré l’état de santé des mères d’enfants autistes démontrent qu’elles présentent des taux extrêmement élevés de stress, de détresse et de dépression ; ces taux atteindraient entre 50 % et 80 % [5] [6] . D’autres études démontrent avec une grande constance que les parents d’enfants autistes vivent des taux de stress et de détresse beaucoup plus élevés que les parents dont les enfants présentent des incapacités telles que la trisomie 21 ou la paralysie cérébrale[7].
Nous pensons que la difficulté à gérer le quotidien engendre chez les parents une sensation de fatigue psychique et physique, qui sera interprété comme un indice de stress familial.
Nous constatons, d’après les résultats de cette étude, que ce stress, est un élément important dans la majorité des structures familiales étudiées, d’abord parce que la présence de l’enfant autiste est un événement stressant, ensuite parce que la gestion du quotidien est assez difficile, et enfin parce que l’avenir de l’enfant est obscur, surtout en l’absence des structures adaptées pour les personnes autistes enfants et adultes
Nous avons pu relever que l’implication des parents peut aboutir à des conflits. Ces difficultés peuvent aboutir à l’affaiblissement des relations et à des conflits dans le couple. En revanche, nous avons pu relever, dans le témoignage de certains parents, que leurs enfants constituent la base de leur relation du couple ; ainsi, ces difficultés peuvent consolider les liens du couple.
Nous constatons alors que, quoi qu’il arrive, la présence d’un enfant autiste au sein de la sphère familiale influe sur la relation du père et de la mère.
Concernant les changements au sein de la fratrie, nous signalons que la tendance générale de l’échantillon étudié ne relie pas entre les problèmes et l’enfant autiste. Mais, il arrive que l’enfant autiste puisse être une cause de problèmes entre les parents et les autres enfants. Généralement, la présence de l’enfant autiste ne provoque pas de problèmes entre les frères et les sœurs. Mais cela n’exclut pas certains cas où l’enfant autiste agresse ses frères (ou ses sœurs), ce qui peut engendrer des problèmes entre eux. Nous constatons, que la place des frères et des sœurs dans la sphère familiale est influencée par la présence de l’enfant autiste. De ce fait, la fratrie peut être confrontée à de grandes angoisses et à des sentiments d’impuissance et d’injustice.
Les données de cette étude signalent la présence des changements dans la sphère professionnelle des parents. Nous pensons que la prise en charge d’un enfant autiste s’articule autour des soins, de l’éducation et de la socialisation ; ces trois axes de prise en charge sont souvent difficiles à organiser car ils nécessitent une disponibilité de l’un et de l’autre ou bien des deux parents. Ainsi, nombreux parents ont adapté leurs horaires de travail en fonction des exigences de la prise en charge de l’enfant. Certains parents réduisent leur temps de travail, voire même arrêtent de travailler (c’est le cas de 3 mamans de la population étudiée) pour pouvoir s’occuper de l’enfant. Puisque les trajets entre les différentes structures, les rendez-vous pour le suivi de l’enfant et bien sûr la nécessité de leur présence lorsque l’enfant est au domicile demandent une grande disponibilité.
Constatons, alors, que cette situation engendre parfois des changements dans la sphère professionnelle des parents.
Nous constatons également que la majorité des familles d’enfants autistes de notre échantillon ont limité les rencontres avec leurs proches. Lors de nos entretiens avec les parents, nous avons pu relever que certains proches peuvent être gênés par la présence de l’enfant parce qu’ils ne savent pas comment réagir, ou parce qu’ils ne veulent pas, ou ne peuvent pas comprendre le trouble de l’enfant, selon certains parents. Ces derniers préfèrent alors réduire les contacts familiaux.
Nous pensons, de plus, que le temps et l’énergie que demande le fait d’avoir un enfant autiste ne favorisent pas les échanges et les rencontres intrafamiliales. La famille peut parfois se centrer sur l’éducation de l’enfant et ne laisser que peu de place au reste de l’entourage ; et avec le temps, les relations se réduisent.
Soulignons, également, que lors des entretiens, certains parents ont insisté sur le fait que leur sphère amicale est réduite, mais elle s’est transformée car ils se rapprochent d’autres familles ayant un enfant autiste, souvent par l’intermédiaire de l’association des parents qui a permis de construire un nouveau réseau amical autour de la problématique qu’ils rencontrent. C’est-à-dire que les familles se retrouvent autour de situations similaires qui favorisent les relations amicales. Ainsi, nous constatons que la présence de l’enfant autiste au sein de la famille engendre quelques modifications dans le sens que ce dernier offre une ouverture sociale limitée à des lieux, des personnes et des familles nouveaux. Ce qui peut expliquer les changements mentionnés dans la sphère amicale des parents.
Pour clore cette partie consacrée à la discussion des données, nous proposons le schéma suivent qui résume le vécu familial :
L’enfant autiste |
Famille |
Crise |
Adaptation |
Facteur de Stress |
Vie quotidienne |
Sphère amicale |
Professionnel |
Les proches |
Etat psychique et physique |
Figure 1 : Cette figure explique que la présence de l’enfant autiste joue un rôle important dans la crise familiale. Ainsi les changements du vécu familial seront des stratégies d’adaptation.
Les données récoltées du questionnaire ont démontré d’abord l’existence de changements au niveau de la vie quotidienne à travers les indicateurs des sorties, des vacances, du sommeil, des tâches quotidiennes. Ensuite, nous avons obtenu un résultat relativement significatif concernant les changements dans la sphère professionnelle, dans le sous-système du couple, de la fratrie et aussi dans les relations avec l’entourage (les proches et les amis).
Nous constatons alors que la présence de l’enfant autiste engendre des changements. Or, il faut toutefois remarquer que même s’ils ne sont pas identiques, certains éléments des changements restent majeurs dans la compréhension de la crise familiale. Le système familial met en place une stratégie articulée autour de l’enfant autiste pour répondre à ses besoins et pour conserver l’homéostasie du système.
Nous pouvons donc déduire qu’il n’existe pas vraiment de perturbation dans la vie familiale, mais plutôt des changements qui ne sont que des stratégies pour faire face à la situation de l’enfant autiste et pour que les familles puissent s’organiser et assurer la gestion de leur quotidien.
Ce qui nous laisse supposer que les troubles de l’enfant autiste influencent le système familial puisqu’ils engendrent une crise. Cela est démontré par l’analyse des données récoltées, et confirmé par la dite théorie ; lorsqu’une partie du système ne fonctionne pas bien cela peut affecter tout le système.
Il faut préciser que les hypothèses de cette études ont donc affirmées mais doivent être spécifiée ainsi : On suppose que le fait d’avoir un enfant atteint d’autisme engendre une crise du système familial, ce qui sera traduit par :
- des perturbations dans la vie familiale ;
- des changements dans les liens familiaux et sociaux.
Conclusion :
Lors de notre recherche, nous avons pu approcher la problématique de l’autisme en relation avec les familles. Nous avons rencontré à plusieurs reprises les enfant autistes, leurs parents ainsi que leurs frères et soeurs.
Nous avons tenté de comprendre, comment les familles pouvaient vivre l’autisme. S’interroger sur cela pose la question du lien existant entre les notions de famille et de trouble autistique. Autrement dit, l’autisme modifie-t-il les liens interfamiliaux ?, influence-t-il la place des membres dans le système « famille » ?
Il nous semblerait intéressant de signaler que suite à l’élaboration de ce travail, diverses questions sont encore ancrées en nous, de même qu’un désir de vivre d’autres expériences de recherche avec des personnes autistes est également toujours présent. Nos différents questionnements sont sans doute légitimes. La première interrogation est de connaître les premiers signes permettant de repérer les enfants à risque et faire un dépistage précoce de ce trouble. Le second questionnement est de comprendre comment nous pouvons aider une personne atteinte d’autisme en réfléchissant sur les méthodes de prise en charge afin de découvrir les plus éfficaces pour eux. Les autres interrogations qui nous ont préoccupé sont liées aux contextes familiaux de ces enfants, concernant la souffrance,le stress et la qualité de vie de ces familles.
Pour finir, nous estimons qu’il faudrait accorder plus d’attention à la famille dans la clinique de l’autisme pour l’intérêt de la personne autiste et de sa famille.
REFENCES
1- American Psychiatric Association. (2015). DSM-5-Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Elsevier Masson.
2- Doson Roland, F. Parot (1991), Dictionnaire de psychologie, Paris : Puf.
3- Eisenhower, A. S., Baker, B. L., &Blacher, J. (2005). Preschool children with intellectual disability: syndrome specificity, behaviour problems, and maternal well‐being. Journal of intellectual disability research, 49(9), 657-671.
4- Gianetti, N., Audoin, G., &Uzé, J. (2002). Un groupe thérapeutique d’enfants: une réponse à la crise familiale autour d’un événement de vie traumatique. Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 50(3), 215-221.
5- Sénéchal, C., & des Rivières-Pigeon, C. (2009). Impact de l’autisme sur la vie des parents. Santé mentale au Québec, 34(1), 245-260. Disponible en line : http://id.erudit.org/iderudit/029772ar.
6- Villeneuve C., Toharia A (1997), La thérapie familiale Apprivoisée, Ramonville : Erès.
7- VonBertalanffy L. (1993), Théorie générale des systèmes, Paris : Dunod.
ANNEXE
Questionnaire
1) Identité :
Prénom : ……………….Age : …….. Fratrie : …… Rang dans fratrie:…………..
Fréquenter un établissement : oui non précisé :………………….
2) Situation familiale
Parents : En couple Divorcés Veuf (ve)
Père : Age….. … Niveau scolaire………………..Profession………………………
Mère : Age……… Niveau scolaire…………………Profession……………………….
I- Pré-annonce
3- Quel âge avait votre enfant lorsque vous avez remarqué pour la première fois des comportements différents ? ………………………………………………………………..
4- Qu’avez-vous remarqué ?……………………………………………………………………………………..
5- Qu’avez-vous ressenti devant ces comportements………………………………………
6-Qui d’autres ont constaté ces comportements ?………………………………………….
7- Qu’avez-vous faites ?…………………………………………………………………………………………..
8-A quel moment avez-vous eu recours au Médecin ?(Motif de votre consultation)………
9-Qui a décidé le recours au Médecin ?…………………………………………………………………………
- Moment de l’annonce
1O – Qui était présent au moment de l’annonce ?
Père Mère Père et Mère Autres :……………….…………………………
11-Où l’annonce a été fait ?…………………………………………………………………………………………
12-A quel moment de la journée ?…………………………………………………………………………………
13- Par qui ? …………………………………………………………………………………………………………….
14- comment a été fait (la formulation et les mots utilisés) ?…………………….
15a-Avez-vous eu recours à d’autre médecin une fois le diagnostic a été posé ? oui non
-Si oui pourquoi ?…………………………………………………………………………………………….
– Si Non pourquoi ?…………………………………………………………………………………………..
15b- Quel était le diagnostic ?………………………………………………………………………………………….
16-Quel est le délai entre la 1ème consultation et la confirmation de diagnostic ?…………………
Quelles conséquences d’avoir un autiste dans la famille sur les activités suivantes | jamais | peu | souvent | très souvent | toujours |
17-sortir pendant la journée | |||||
18-sortir le soir | |||||
19-Partez-vous en vacances | |||||
20-Votre sommeil est interrompu | |||||
21-Vous avez de mal à accomplir vos activités quotidiennes habituelles en raison de ces interruptions de sommeil ? | |||||
22-Sortir pour des courses | |||||
23-L’enfant autiste est cause de vos problèmes conjugaux | |||||
24-L’enfant autiste est cause de vos problèmes avec vos autres enfants | |||||
25-L’enfant autiste est cause de dispute entre vos enfants | |||||
26-Rendre visite au proche | |||||
27-Recevoir des visites à la maison | |||||
28-Parler beaucoup de l’enfant autiste aux autres | |||||
29-Sentir la honte d’avoir un autiste dans la famille | |||||
30-Avoir la culpabilité d’avoir un autiste dans la famille | |||||
31-Sentir la fatigue morale et état dépressif | |||||
32-Avoir l’anxiété et stress | |||||
33-Ressentir la fatigue physique, surmenage | |||||
34-Avoir des problèmes, rapprochement du lieu de travail | |||||
35-Avoir changé d’entreprise ; des horaires et /ou la nature du travail | |||||
36-Vous avez acquis davantage de force de caractère, de patience, de tolérance | |||||
37-Vous avez perdu ou êtes en train de perdre le contact avec des amis (Votre cercle d’amis a changé) | |||||
38-Vous privez (vous et vos autres enfants) pour satisfaire les besoins de l’autiste (financièrement). | |||||
39-Avoir le sentiment de satisfaction, devant le rôle et les actes que vous accomplissez pour l’autiste. | |||||
40-Avoir le sentiment d’insatisfaction, impuissance devant l’enfant autiste | |||||
41-Les moments de repas sont perturbés à cause de l’autiste | |||||
42-Avoir des aménagements au sein de la maison à cause de la personne atteint d’autisme. |
[1]American Psychiatric Association. (2015). DSM-5-Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Elsevier Masson.
[2]Doson Roland, F. Parot (1991), Dictionnaire de psychologie, Paris : Puf, p295.
[3]Villeneuve C., Toharia A (1997), La thérapie familiale Apprivoisée, Ramonville : Erès, p39.
[4]Von Bertalanffy L. (1993), Théorie générale des systèmes, Paris : Dunod, p 200
[5]Eisenhower, A. S., Baker, B. L., &Blacher, J. (2005). Preschool children with intellectual disability: syndrome specificity, behaviour problems, and maternal well‐being. Journal of intellectual disability research, 49(9), 657-671.
[6]Gianetti, N., Audoin, G., &Uzé, J. (2002). Un groupe thérapeutique d’enfants: une réponse à la crise familiale autour d’un événement de vie traumatique. Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 50(3), 215-221.
[7]Sénéchal, C., & des Rivières-Pigeon, C. (2009). Impact de l’autisme sur la vie des parents. Santé mentale au Québec, 34(1), 245-260.Disponible en line : http://id.erudit.org/iderudit/029772ar.