La restauration des monuments archéologiques : Arc de Volubilis comme exemple
ترميم المباني الأثرية: قوس وليلي نموذجا
Heddad Mounir, Enseignant Chercheur/Maroc
حدّاد منير/أستاذ باحث، المغرب
مقال منشور في مجلة جيل العلوم الانسانية والاجتماعية العدد 96 الصفحة 83.
ملخص :
يطرح هذا المقال إشكالية التقنيات والأساليب المعتمدة في المحافظة على التراث الثقافي المادي في شمال إفريقيا إبان الفترة الاستعمارية. وقد تطرقنا هنا إلى ترميم البنيات الأثرية وخاصة قوس النصر بوليلي الذي يعتبر من بين الترميمات الأولى في الفترة الكولونيالية (1930-1934) وستمكننا هذه الدراسة من التعرف على ظروف سير أشغال الترميم و تتبع تطور هذا الأخير في المغرب، وأخيرا معرفة مدى احترام المعايير الدولية في الترميم.
الكلمات المفتاحية: ترميم، قوس النصر، وليلي.
Résumé :
Cet article soulève une problématique majeure concernant les méthodes et les techniques de conservation du patrimoine matériel utilisées dans l’Afrique du Nord pendant l’époque coloniale. On a abordé ici le sujet de la restauration des structures archéologiques (Monuments historiques). On a choisi d’étudier le cas de la mise en valeur de l’arc de « Caracalla » de volubilis qui a eu lieu entre (1930-1934), pour comprendre les conditions des travaux de restauration à l’époque, et suivre l’évolution de cette science dans notre pays le Maroc et en Afrique du Nord en générale, et savoir si le projet a respecté les normes de restauration déterminées par les chartes internationaux.
Mots clé : Restauration, Arc de Caracalla, volubilis.
I-Introduction :
Les arcs de Triomphe ont été toujours considérés comme un symbole de victoire et de grandeur et d’immortalité dans les mœurs traditionnels des Romains. C’est pour cela que la plupart des colonies Romaine en Afrique du Nord sont marquées par ces monuments[1]. Et malgré leur dégradation à travers le temps, on trouve que les descendants des Romains « les français » ont fait appel à la restauration pour mettre en valeur ces monuments historiques afin de les sauver. Effectivement ce n’est pas la vraie cause pour exécuter ces projets là, mais l’idiologie du colonisateur était d’exploiter les projets de restauration des arcs de triomphe pour justifier leur présence comme colonisateurs Protecteurs au Maroc, qui vont conserver l’héritage de leur antécédents les Romains. Ont-ils réussi à passer le message par ces projets ? Ont-ils respecté les normes de restauration recommandée par les conventions internationales ?
Cet article vient de faire une étude détaillée sur le projet de la restauration de l’arc de triomphe de Volubilis afin de pouvoir répondre aux problématiques soulevées avant.
II-Bref aperçu historique sur le monument :
L’arc de caracalla de Volubilis était construit en 217 ap.j-c, et était dédié du gouverneure de la région « Marcus Aurélius Sébastinos » à l’Empereur Romain « Caracalla »[2]. Il se compose d’un grand arc central (Sa largeur est de 5m et 87 cm et sa hauteur à peu prêt 8 m)[3] dans ses cotés se trouve une niche placée entre deux piédestal. En haut de l’arche centrale se trouve une inscription suivie d’une corniche, c’est un arc d’une seule baie, qui se caractérise par la simplicité de sa décoration architecturale[4]. voir l’image ci-dessus.
Image : les éléments architecturaux de l’arc de triomphe de caracalla. Source : – https://site volubilis.com/l’arc-de-triomphe/ consulté le 24/1/2021.
L’aspect originale de l’arc de triomphe était inspiré des dessins de « Jean Windus » qui avait visité le site en 1721 ap.jc. dans une mission Anglaise chargée du rachat des prisonniers Anglais du Sultan « Moulay Ismail ». Dans la même année le prisonnier « Boyde » avait dessiné ce monument, et il y’a un autre dessin de cet édifice réaliser par le baron Autrichien « Van Augustin ».
Le séisme qui avait frappé « Lisbonne » en 1755 ap.jc, avait détruit la plupart des éléments de cet édifice, et « Louis Chatelain » signale qu’il avait été victime du tremblement de terre qui avait eu lieu en 1802 ap.jc[5].
Image de l’arc de triomphe de Volubilis. Source : Archive de la conservation du site.
III-La restauration de l’arc de triomphe.
C’est le plus grand projet de restauration effectué au site de Volubilis. Les travaux avaient commencé en 1930 ap. jc, jusqu’au 1934 ap. jc. Il faut noter qu’avant le lancement des premières fouilles à volubilis en Mai 1915 ap. jc, On voyait seulement des restes de quelques éléments de construction de la basilique et l’arc de triomphe, cela signifie la procédure de la reconstruction de l’édifice. La première tâche c’était le dégagement de la poussière pour déterminer tous les éléments architecturaux de l’arc du triomphe. Louis Chatelain avait signalé dans un article publié en 1931 ap . jc, que la restauration de l’arc de Caracalla avait subi la même méthode utilisé dans la consolidation de la basilique[6].
L’équipe de restauration avait placé premièrement un échafaudage qui entourait le périmètre de l’édifice, ensuite on ramassait les blocs de pierre qui appartenaient à l’édifice et on les numérotait avec grande précision, et on les posait près du monument afin de les utilisaient dans la restauration. Puis on Consolidait le sol, et enfin mettre les blocs de pierre en respectant l’ordre originale de la pose[7]. En ce qui concerne la voute, on devait ajouter les pièces de voussoirs manquantes, et si cette dernière n’était pas complète on faisait appel au ciment pour compléter les parties manquantes, ou bien reconstituer d’autre voussoirs qui possèdent les mêmes dimensions que l’originaires[8]. Le but c’était de créer une compatibilité avec les autres éléments de la voute. Et consolidé cette structure qui porte un grand soutien à l’arc de triomphe. Toute les voussoirs trouvées ou reconstituées devaient être rassemblé sous forme d’un demi-cercle et devaient être poser sur un béton armé en fer. Les images ci-dessus nous montre que les travaux ont débuté de la façade occidentale. (Voir l’image).
On possède une correspondance[9] envoyé par l’architecte français « Adrien Lafourg » au conservateur du volubilis le 22 juin 1929 ap. jc, à propos des matières qui faut préparer pendant la restauration.
On considère que ce document est très important car il est le seul indice sur les composants du mortier utilisé dans le projet de restauration de l’arc de Caracalla.
D’après ce document la préparation du mortier de ciment concernant les fondations avaient respecté les normes suivantes : 800 litres de gravier de petite taille, 400 litre de sable, 400 kg de ciment), le document signale l’utilisation de la chaux hydraulique 300 kg. L’usage d’un gravier de 0,06 d’épaisseur, pour chaque m3 sable, pour que l’épaisseur de la couche obtenue ne dépasse pas 0,15.
Louis Chatelain a avoué que le projet réalisé n’était pas une restauration mais une consolidation, un soutien au monument afin d’arrêter sa dégradation par le temps[10].
Image : les premiers pas de la restauration de l’arc de triomphe. Source. Archive du site de Volubilis.
L’utilisation des échafaudages était très connu dans les travaux de restauration des monuments historiques. Comme l’image ci-dessus le montre le montage d’un échafaudage est un travail très compliqué et il demande des vrais connaisseurs. On constate que le responsable du projet avait fait appel à des spécialiste Marocain pour réaliser ce travail.
Image : Forme d’échafaudage utilisé dans la restauration de l’arc de triomphe. Source . Archive de volubilis.
IV-Les critiques :
La restauration de l’arc de triomphe par Louis Chatelain(1930-1934) a créé une grande polémique entre le responsable du projet et les experts de la restauration des monuments historiques. C’est « Maurice Euzennat » qui a signalé que les travaux de restauration n’étaient pas parfaits. Claude Domergue a noté que ces travaux était tout à fait différente à la forme originale de l’arc de triomphe[11]. Il a justifié son point de vue en se basant sur les dessins de l’arc de Caracalla effectués par « john Windus » et « Henri Boyde »[12].
« Armand Luquet » a partagé la même opinion en disant que le projet n’était pas complet[13]. Raymond Thouvenot a noter dans son article publié sur la porte sud orientale du site de Volubilis, que « Louis Chatelain » avait décidé après la fin des travaux de restauration de l’arc de triomphe, de continuer les mêmes travaux pour les portes et les enceints du site, Mais « Raymond Thouvenot » a déclaré que l’étude effectué par « Louis Chatelain » n’avait pas pris en conscience les plans et les dimensions exacte de chaque structure archéologique[14].
Maurice Euzennat a chargé « Claude Domergue » en 1958 ap. jc, de faire une étude sur l’arc de Caracalla, en bénéficiant des facilités proposés par le conservateur du site à l’époque « Armand Luquet ». Le projet était d’effectuer une reconstitution de la façade occidentale de l’édifice.
Claude Domergue a affirmé d’avoir trouvé des obstacles pendant ses recherches, tel que l’absence des documents signalant les travaux de fouille effectués dans le site en 1915 ap. jc et 1917 ap. jc. Même les documents concernant la restauration de l’arc de triomphe étaient absents[15]. Cela rendait la tâche difficile. Mais pour remplir ces lacunes, il a fallu chercher dans les rapports et les journaux des anciens voyageurs étrangers qui ont visité le Maroc. On cite « John Windus »(1721 ap. jc) et « Henri Boyde »(1721 ap.jc) et « Van Augustin »(1830 ap.jc) qui avaient dessiné l’arc de triomphe avant sa détérioration à cause du séisme de 1755 ap. jc. Voir les images ci-dessus.
Images : dessins de l’arc de triomphe. Source : Euzennat(M), op.cit, p. 329
La question posée par « Claude Domergue » c’était pourquoi « Louis Chatelain » n’avait pas utilisé ces importants documents pour ne pas commettre des erreurs ? Claude Domergue avait signalé quelques fautes de la restauration de l’arc de triomphe de volubilis. Premièrement, la hauteur originale de l’édifice était tout à fait différente de la hauteur actuelle. Deuxièmement, beaucoup d’éléments de décoration de l’édifice étaient mal placés ou négligés dans la restauration[16].
Malgré l’absence de plusieurs documents concernant le projet, Claude Domergue avait pu lire le registre de correspondance de Volubilis (1915-1918) et obtenir le cahier des rapports de la direction de conservation du site Volubilis (1926-1934). Ces documents avaient donné des idées sur les travaux de fouille dans le site. Les photos avaient montré l’états de l’édifice avant sa restauration. Claude Domergue avait comparé le modèle de l’arc de triomphe de Volubilis avec celle de l’Europe, et ensuite il avait effectué un plan de l’édifice en rectifiant les erreurs commises par « Louis Chatelain » concernant la hauteur qui devait être 13,75 m. Ensuite il avait ajouté les décors non utilisés dans la restauration de 1930 ap. jc. Voir le schéma ci-dessus.
Schéma de l’arc de triomphe de Volubilis effectué par Claude Domergue. Source : C. Domergue, op.cit, p.204.
V-Conclusion :
Louis Chatelain a parlé de la consolidation et le soutien de l’édifice non pas de sa restauration. C’est-à-dire que sa tâche était de sauver le monument qui était sur le point de s’effondrer[17]. Il considère la restauration c’est compléter la partie manquante dans les structures archéologiques, et reconstruire l’édifice en utilisant tous ces éléments architecturaux. Mais il n’a pas respecté cette dernière à cause de l’usage des éléments qui n’appartiennent pas à l’édifice. Il n’a pas respecté la charte d’Athènes dans le huitième article qui insiste sur la nécessité d’effectuer des études, des analyses, des recherches, avant de restaurer.
Il n’a pas pris en considération le neuvième article de la charte qui oblige les restaurateurs à rédiger toutes les informations concernant les travaux de maintenances ou de restauration et de les publier.
Louis Chatelain n’avait pas réclamé sur l’erreur commise par les artisans chargés de la reconstruction des motifs. Deux décorent différents dans les deux façades de l’édifice. Selon lui, si le travail conserve l’esthétique du monument, alors il n’y a pas de problème. Ce point de vue nous mène à l’école Française de restauration de « Violet Le Duc » qui pense que l’aspect final, l’esthétique du monument et le plus important dans les travaux de restauration. Louis Chatelain avait utilisé le ciment dont la charte d’Athènes ne l’avait pas interdit. Malgré la valeur historique et artistique de l’arc de triomphe de volubilis, on ne croit pas que la restauration de cet édifice tenait à protéger ces valeurs-là. Mais cette action était bénie par la politique culturelle du colonisateur Français. La faite de restaurer l’arc de triomphe de volubilis c’est dire aux Marocains que les descendants des Romains sont revenus à leur colonie natale. Beaucoup de personnages politiques Française avaient visités Volubilis, on cite par exemple le Maréchale « Lyautey » et le président Français.
Beaucoup d’expert en restauration ont trouvé que la restauration de l’arc de Caracalla était un grand projet qui avait marqué l’histoire de la restauration au Maroc. Le chercheur « El arbi El Mesbahi » voit qu’on peut procéder à la restauration de la restauration. C’est-à-dire rectifier les erreurs commises dans les premiers travaux. C’est une méthode appliquée par les espagnoles dans le cas du palais « Alhambra » à Granada[18].
On croit qu’il faut faire une relecture de cette restauration pour bien comprendre les interventions anciennes, en utilisant des méthodes scientifiques et des appareils technologiques. On peut corriger les erreurs de « Louis Chatelain », pour protéger les valeurs historiques, artistiques, archéologiques… de l’arc de triomphe de caracalla.
Bibliographie :
Ouvrages :
– Gros(P), L’architecture Romaine du début du 3éme siècle av.jc à la fin du Haut-Empire, Paris, 2éme éd, Franc Quercy, 2002.
– Chatelain(L), Guide du visiteur de volubilis, Rabat, ED, F. Moncho, 1933.
– Thouvenot(R), Volubilis, Paris, Ed, Les belles Lettres, 1949.
Articles :
– Chatelain(L), L’arc de triomphe de caracalla, P.S.A.M, fasc. 3,1937.
– Domergue(C) , L’arc de triomphe de Caracalla à volubilis, B.C.T.H, 1963-1964.
– Euzennat(M), Deux voyageurs anglais à volubilis, in Hespéris, XLIII , 1956.
– Luquet(A) , La basilique judiciaire de volubilis, BAM, VII , 1967.
– Thouvenot(R), Une porte de l’enceinte romaine de Volubilis, BAM. 7, 1967.
Thèses :
Leydier – Bareil (A-M), Les arcs de triomphe dédiés à Caracalla en Afrique Romaine, Thèse de doctorat, université Nancy 2, 2006, Nancy.
Site internet :
. www. Alinsap.org.ma /2013.
https://site volubilis.com/l arc-de-triomphe/ consulté le 24/1/2021.
[1] – C’est à partir de l’époque de « Trajane » que L’Afrique du Nord avait connu les arcs triomphaux. A peu près de 19 arc de triomphe bâti en Afrique du Nord, et surtout sous le règne de « Caracalla » (10 arcs). Voir :
A –M – L eydier – Bareil, Les arcs de triomphe dédiés à Caracalla en Afrique Romaine, Thèse de doctorat, université Nancy 2, 2006, Nancy, pp. 14- 35-36.
[2] – L. Chatelain, Guide du visiteur de volubilis, Rabat, ED, F. Moncho, 1933, p. 19.
[3] – R. Thouvenot, Volubilis, Paris, Ed, Les belles Lettres, 1949, p. 39.
[4] -P. Gros, L’architecture Romaine au début du III siècle av. jc à la fin du Haut-Empire, , Paris, 2éme éd, Franc Quercy, 2002, p. 80.
[5] – L. Chatelain, Op.cit, p. 19.
[6] – Ibidem.
[7] – Cette technique s’appelle l’anastylose, utilisée avant dans d’autres travaux. Exp . Dans la restauration de l’arc de Leptis Magna en 1914 par une équipe Italienne. Voir. A –M – L eydier – Bareil, Les arcs de triomphe dédiés à Caracalla en Afrique Romaine, Thèse de doctorat, université Nancy 2, 2006, Nancy, p. 134.
[8] – Louis Chatelain signale que l’usage du ciment avait deux objectifs, le premier c’était d’obtenir des voussoirs solides et le deuxième c’était de conserver la cohérence entre les voussoirs originales et les autres qui venaient remplacer les manquantes. Voire : – L. Chatelain, L’arc de triomphe de caracalla, P.S.A.M, fasc. 3,1937, p. 20-21.
[9]– Voir l’archive du site de Volubilis, 25/29- n. 8366.
[10] – Voir ibidem.
[11] – C. Domergue, L’arc de triomphe de Caracalla à volubilis, B.C.T.H, 1963-1964, p. 201
[12] – M. Euzennat, Deux voyageurs anglais à volubilis, in Hespéris, XLIII, 1956, p329.
[13] – A. Luquet , La basilique judiciaire de volubilis, BAM, VII , 1967,p.437.
[14] -R. Thouvenot, Une porte de l’enceinte romaine de Volubilis, BAM. 7, 1967, p. 607.
[15] – C. Domergue, Op. Cit, p.201-229.
[16] – C. Domergue, Op, cit, p. 208.
[17] « J’évite avec soin le terme de restauration qui doit en principe être rigoureusement proscrit, du moins en archéologie antique, et seul le mot de consolidation exprime comme il convient le travail auquel il faut procéder… ». Chatelain(L), Op, cit, p. 20.
[18] -voir :. www. Alinsap.org.ma /2013.