
Les mesures coercitives unilatérales en droit international : le cas des sanctions américaines depuis 2018 à l’encontre de l’Iran
التدابير القسرية الانفرادية في القانون الدولي: حالة الجزاءات الأمريكية ضد إيران منذ 2018
د. سلمى ساسي أستاذة محاضرة أ كلية الحقوق- جامعة الجزائر 1- الجزائر
Dr. Selma SASSI, Maître de conférences A, Faculté de droit –Université Alger 1/Algérie
مقال منشور في مجلة جيل الأبحاث القانونية المعمقة العدد 40 الصفحة 109.
ملخص:
لقد شهد استخدام التدابير القسرية الانفرادية انتشارًا واسعا منذ تسعينات هذا القرن، حيث أن عدد الدول أو المنظمات الإقليمية التي تفرض عقوبات على دول أخرى أو كيانات عامة أو خاصة تنتمي إلى هذه الدول (الشركات، الأشخاص الاعتباريون، الأفراد) في تزايد مستمر. وعليه، يبدو من المهم البحث حول مسألة تأطير القانون الدولي لهذه الممارسة، لا سيما بالنظر لعواقبها على ممارسة حقوق الإنسان والتمتع بها. وسيتم من خلال هذه الدراسة التعرض لتحليل حالة محددة، وهي تلك المتعلقة بالتدابير الانفرادية التي اتخذتها الولايات المتحدة الأمريكية ضد جمهورية إيران الإسلامية منذ مايو 2018 بشكل أدق.
الكلمات المفتاحية: تدابير قسرية انفرادية – حماية حقوق الإنسان – تمييز – خارج نطاق الحدود الإقليمية – عقوبات محددة الهدف – إيران.
The unilateral coercive measures in international law : the case of US sanctions since 2018 against Iran
Abstract:
The use of unilateral coercive measures has experienced a spectacular proliferation since the 1990’s. More and more States or regional organizations are taking sanctions against other States or public or private entities belonging to these same States (companies, legal persons, individuals). Therefore, it would be interesting to see how international law frames this practice, more particularly because of its consequences for the exercise of human rights. A concrete case will be presented, that of the measures taken against the Islamic Republic of Iran by the United States, and more precisely those taken since May 2018.
Key words: Unilateral coercive measures – Human rights protection – Discrimination – Extraterritoriality – Targeted sanctions- Iran.
Résumé :
Le recours aux mesures coercitives unilatérales a connu un foisonnement spectaculaire depuis les années 1990. De plus en plus d’Etats ou d’organismes régionaux prennent des sanctions à l’encontre d’autres États ou d’entités publiques ou privées ressortissantes de ces mêmes États (sociétés, personnes morales, individus). Dès lors, il serait intéressant de voir comment le droit international encadre cette pratique, plus particulièrement en raison de ses conséquences sur l’exercice des droits de l’Homme. Un cas concret sera présenté, celui des mesures prises à l’encontre de la République Islamique d’Iran par les Etats Unis, et plus précisément celles prises depuis mai 2018.
Mots clés : Mesures coercitives unilatérales – Protection des droits de l’Homme – Discrimination – Extra-territorialité – Sanctions ciblée – Iran.
« Les préoccupations réelles et les divergences politiques entre les gouvernements ne devraient jamais être résolues en provoquant des catastrophes économiques et humanitaires, rendant la population otage de la situation ;
Les codes de conduite des relations internationales n’ont jamais accepté de changements de gouvernement par le biais de mesures économiques qui conduisent au déni des droits de l’homme et peuvent provoquer la faim dans la population ;
L’application de sanctions extraterritoriales unilatérales contrevient clairement au droit international ;
J’exhorte la communauté internationale à engager un dialogue constructif avec le Venezuela, Cuba, l’Iran et les États-Unis afin de trouver une solution pacifique conforme à la Charte des Nations Unies avant que l’utilisation arbitraire de la faim ne devienne la nouvelle normalité »[1].
Mr. Idriss Jazairy
Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme
Genève, 6 mai 2019
Introduction
La charte des Nations Unies (ONU) confère au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales ; lorsqu’il s’acquitte de cette mission, le Conseil, selon l’article 24 de la Charte, agit au nom de tous les Etats membres, qui conviennent, en vertu des articles 25 et 48§2, d’accepter, d’appliquer et d’exécuter toutes les décisions de cet organe.
S’adaptant à la diversification des menaces à la paix et à la sécurité internationale, le Conseil de sécurité a, depuis le début des années 1990, étendu et enrichi ses domaines et modalités d’action, et fait évoluer ses fonctions en particulier par le biais de l’évolution du concept même de sécurité collective[2] et de la notion de menace à la paix et à la sécurité internationales. Par ailleurs, le Conseil a développé une gamme large et variée d’instruments et moyens afin d’exercer sa responsabilité principale. Ces instruments peuvent se présenter sous la forme d’injonctions adressées aux gouvernements ou/et aux parties aux conflits, comme ils peuvent également contenir des mesures coercitives n’incluant pas le recours à la force armée[3] conformément à l’article 41 de la Charte[4].
Sur le fondement de l’article 29 de la Charte[5], le Conseil de sécurité peut, s’il le juge nécessaire, créer des organes subsidiaires dotés de compétences administratives, opérationnelles ou juridictionnelles. Enfin, le Conseil peut autoriser le recours à la force armée[6] face à l’enveniment d’une situation, en dehors de l’hypothèse de la légitime défense prévue à l’article 51 de la Charte.
Mais c’est essentiellement l’imposition de mesures coercitives n’incluant pas le recours à la force armée qui va retenir notre attention dans cette analyse.
En effet, et depuis le début des années 1990[7], il apparait clairement que le mode coercitif privilégié du Conseil de sécurité, pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales, est le recours à des mesures n’impliquant pas le recours à la force armée, qui vont des sanctions[8] économiques et commerciales de vaste portée à des mesures plus ciblées, telles que des embargos sur les armes, des interdictions de voyager et des restrictions financières ou frappant les produits de base.
Lors des années 1990, qualifiées à juste titre de « décennie des sanctions »[9], le Conseil a imposé des mesures coercitives n’incluant pas le recours à la force armée dans plus d’une dizaine de cas, des mesures reposant essentiellement sur un régime de « sanctions globales », largement critiqué[10], à cause des effets négatifs sur les populations des pays cibles et leurs droits fondamentaux, leur économie ainsi que les économies des Etats tiers. Face à ces critiques, le Conseil de sécurité s’est progressivement dirigé vers l’imposition de mesures/sanctions modernes, orientées, dites « intelligentes » (SMART[11]), et « ciblées » (Targeted sanctions). Force est de constater toutefois que les régimes de sanctions adoptés sont jusqu’à une certaine mesure assez déséquilibrée, concentrés essentiellement sur l’Afrique et le Moyen orient[12].
Mais les mesures coercitives n’incluant pas le recours à la force armée ne sont pourtant pas le monopole du Conseil de sécurité. Nombreuses sont celles qui ont été mises en place par des décisions unilatérales d’États ou d’organisations régionales. La pratique est d’ailleurs abondante[13], concernant notamment celle des Etats-Unis et de l’Union européenne. Cette nouvelle pratique rompt avec celle des sanctions internationales concertées au profit d’un objectif commun et partagé, et « ouvre le champ à des pratiques d’instrumentalisation des interdépendances et de géoéconomie »[14].
Ce sont là les mesures coercitives unilatérales, hors cadre des Nations Unies, qui ont connu un foisonnement spectaculaire depuis les années 1990, et qui représentent l’objet de notre étude. Il s’agira donc d’analyser certaines questions que pose, ou peut poser, du point de vue du droit international, la pratique des mesures (ou sanctions) unilatérales prises par les États ou les organismes régionaux à l’encontre d’autres États ou d’entités publiques ou privées ressortissantes de ces mêmes États (sociétés, personnes morales, individus) (I).
Et afin d’illustrer les différentes problématiques, un cas concret sera présenté : celui des mesures prises à l’encontre de la République Islamique d’Iran par les Etats Unis, et plus précisément celles prises en mai 2018.
En effet, la République Islamique d’Iran a depuis longtemps fait l’objet de diverses sanctions par les Etats Unis et d’autres pays européens, et demeure jusqu’à présent soumise à un embargo assez contraignant. La prise en otage en 1979 des diplomates américains à Téhéran et la remise en cause des contrats conclus par le régime du Shah ont été à l’origine des premières sanctions américaines contre cet Etat. Le Plan d’action global commun[15] (Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA)), du 14 juillet 2015, approuvé par le Conseil de sécurité dans sa Résolution 2231[16], entraînera la levée de toutes les sanctions imposées par le Conseil de sécurité des Nations Unies et des sanctions multilatérales ou nationales relatives au programme nucléaire de l’Iran, y compris des mesures relatives à l’accès dans les domaines du commerce, de la technologie, des finances et de l’énergie[17]. Néanmoins, l’administration Obama a précisé alors que les sanctions relatives au non respect des droits de l’homme et à la lutte contre le terrorisme seront maintenues.
Le 8 mai 2018, le Président des États-Unis, Donald Trump, met un terme à la participation de son pays au Plan d’action global commun, chargeant son administration de s’attacher immédiatement à rétablir les sanctions liées audit plan contre l’Iran.
Dès lors, l’analyse de ces mesures unilatérales à la lumière des principes du droit international nous semble importante. Sont-elles légales ? Légitimes ? La question est d’autant plus cruciale que ces sanctions produisent souvent un effet inverse et ont de graves répercussions sur l’exercice des droits humains (II).
Afin de proposer des éléments de réponse à ces différents questionnements, et pour les besoins de cette étude, deux méthodes de recherche seront utilisées : la méthode descriptive, pour décrire et présenter le champ de travail et mieux appréhender ses aspects théoriques, et la méthode analytique, qui permet d’analyser les mesures adoptées et leur degré de conformité ou compatibilité avec le droit international.
I/ Cadre normatif des mesures coercitives unilatérales
Aux cotés des mesures collectives, multilatérales, prises par le Conseil de sécurité dans le cadre du système de sécurité collective, il existe également des mesures « unilatérales », distinctes des premières, plus particulièrement concernant leur nature légale. Ainsi que souligné par le Pr. Hans Köchler : « l’appellation unilatérale s’applique lorsqu’un Etat ou un groupe d’Etats, agissant en tant qu’organisation ou, s’étant pour une raison quelconque rassemblé dans ce but, émet des «sanctions». Un tel procédé ne découle pas d’une quelconque obligation légale et encore moins du niveau international. Les sanctions multilatérales, cependant, sont des mesures de contrainte économiques entrant dans le cadre du système de sécurité collective des Nations Unies en tant que mesures de contrainte, obligatoires pour tous les Etats. Juridiquement parlant, cela est tout à fait différent. La multilatéralité signifie dans ce cas que les mesures sont pour ainsi dire émises par la communauté mondiale et qu’elles ont donc un caractère d’obligation universelle – à la différence des mesures unilatérales prises par un Etat ou un groupe d’Etats »[18].
Notre analyse se focalisera dans un premier temps sur la notion même de « mesure coercitive unilatérale » (A), afin de pouvoir aborder dans un second temps, la question de son encadrement par le droit international, autrement dit, sa légalité vis-à-vis de ce dernier (B).
- La notion de « mesure coercitive unilatérale »
Avant de pouvoir se consacrer à la définition et aux caractéristiques des « mesures coercitives unilatérales », un aperçu sur le développement historique de la sanction semble nécessaire[19]. Sans trop s’y attarder, cette forme de pression est loin d’être récente, même si la terminologie et les définitions la concernant ne faisaient pas consensus. Dans la Grèce antique (492 avant J-C), la cité-Etat d’Egine confisquait des navires athéniens pour riposter contre Athènes qui gardait des Eginiens captifs. Par le décret de Périclès adopté en 432 avant J-C, des importations en provenance de Megara sur les marchés d’Athènes étaient frappées de limitation[20]. La pratique est également illustrée au Moyen-âge par les mesures unilatérales appliquées par les chefs religieux de l’Eglise contre les Sarrasins en interdisant l’exportation de navires, d’armes, et de munitions. A partir du XVIIème siècle, la notion d’embargo fait son entrée dans le champ de la société internationale : « il consiste de la part d’un gouvernement à retenir provisoirement des navires se trouvant dans ses ports pour contraindre un autre Etat auquel appartiennent ces navires à lui donner satisfaction de certains griefs ». Un « blocus » continental est imposé par Napoléon Ier contre l’Angleterre, et des « embargos » américains entre 1807 et 1813 bloquent tout commerce avec l’étranger (Embargo Act (1807), Non-Intercourse Act (1809) et le Non-importation Act, (1811)). A cette époque, comme le souligne le Pr. Charvin, « l’embargo comme le blocus sont des formes de justice privée : une puissance prétend se rendre justice à elle-même sur la base de ses seules appréciations de la justice et en considération de ses seuls intérêts »[21].
C’est ainsi qu’à la fin du XIX et au début du XX siècle, la tendance est à condamner ces divers types de mesures, le Pr. Sibert considère que « c’est un très grand risque pour la justice que cette liberté laissée à l’État lésé, de choisir les représailles ‘appropriées’ sans autre restriction qu’un petit nombre de règles destinées à protéger l’auteur du dommage contre une répression excessive »[22]. L’Institut de Droit International condamne en 1898 les « représailles » comme mesure anticipatrice de la guerre, et la Convention de La Haye de 1909 dispose que même en cas de conflit armé entre deux États, les navires de commerce ne doivent pas être mis en cause.
C’est ainsi que le Pacte de la Société des Nations (SDN) ne prévoira pas les « sanctions unilatérales », décidées au gré de l’arbitraire d’un Etat suffisamment puissant pour les imposer, les seules sanctions prévues étant celles décidées collectivement et dans le cadre de l’Organisation internationale afin de les réguler[23].
Selon l’étude thématique du Haut-commissariat aux droits de l’homme sur les effets des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme[24], il est difficile de définir la notion de « mesure coercitive unilatérale ». Il s’agit souvent des mesures économiques[25] qu’un État prend pour contraindre un autre État à modifier sa politique. Les formes les plus répandues de pression économique sont des sanctions commerciales sous forme d’embargos ou de boycotts ainsi que l’interruption des flux financiers et des investissements entre les pays émetteurs et les pays visés[26]. L’embargo est souvent envisagé comme une sanction commerciale ayant pour objet d’empêcher les exportations vers l’État cible, l’approvisionnement d’un État en produits ou services en interdisant aux opérateurs économiques de les exporter ou de les fournir vers son territoire, ses ressortissants, ou ses entreprises[27]. Le boycott, ou boycottage[28], à contrario, est une mesure consistant à refuser l’importation de produits provenant de l’État cible, il vise à rendre plus difficile pour un État d’écouler la production nationale en interdisant les importations. Cela dit, la combinaison de restrictions à l’importation et à l’exportation est aussi fréquemment appelée embargo commercial[29].
En 2015, le Rapport annuel du Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme[30], considère « qu’on peut déduire de la résolution 27/21 du Conseil des droits de l’homme que les mesures coercitives unilatérales sont des mesures économiques, politiques ou autres qui sont imposées par des États ou des groupes d’États[31] pour contraindre un autre État à leur subordonner l’exercice de ses droits souverains en vue d’apporter des changements spécifiques à sa politique générale ». Le Rapporteur spécial considère comme des mesures coercitives unilatérales toutes mesures autres que celles qui sont adoptées par le Conseil de sécurité au titre de l’article 41 de la Charte des Nations Unies, lesquelles sont les seules mesures véritablement multilatérales du point de vue de l’ONU. Par ailleurs, les mesures coercitives imposées par des institutions financières internationales et par des organismes régionaux à leurs propres membres ou à des candidats à l’adhésion ne sont généralement pas considérées comme des mesures « unilatérales », puisqu’elles font partie d’un ensemble de droits et d’obligations que les pays cibles acceptent au préalable pour devenir membres de ces organismes[32].
En plus des mesures économiques, essentiellement le boycott et l’embargo, les mesures coercitives unilatérales peuvent prendre diverses autres formes. « Les sanctions dites «financières» comprennent des mesures consistant à geler les avoirs qu’un État détient à l’étranger, à restreindre son accès aux marchés financiers, à interdire de lui accorder des prêts et des crédits, à bloquer les transferts de fonds internationaux ainsi que la vente de biens immobiliers ou les transactions sur ces biens. Une autre sanction est la suspension, ou l’annulation, d’une aide financière plus ou moins promise à l’État sanctionné. On trouve aussi, de manière croissante, des sanctions prenant la forme de gel des fonds de personnes physiques ou d’entreprises nommément désignées et dont les noms sont inscrits sur des listes rendues publiques. La sanction économique peut également viser à rendre inconvertible la monnaie de l’État cible. Cette sanction, qui ne saurait se prétendre « ciblée » puisqu’elle appauvrit la population dans son ensemble, a été adoptée en 2012 à l’encontre de l’Iran »[33].
Différentes expressions sont utilisées pour désigner les mesures coercitives unilatérales. Certains les appellent « sanctions », d’autres « mesures restrictives », et d’autres encore continuent d’employer les deux indifféremment ou conjointement, par exemple « mesures restrictives (sanctions) ».
Tout comme les mesures coercitives multilatérales, les mesures coercitives unilatérales peuvent être globales, ciblées[34], ou « intelligentes »[35], ces dernières tendant à réduire les dégâts collatéraux, notamment en évitant de compromettre l’exercice des droits de l’homme par les groupes les plus pauvres et les plus vulnérables des sociétés des pays cibles. Les mesures coercitives « intelligentes » peuvent cibler certains secteurs de l’activité économique d’un pays ou être plus larges mais viser un territoire circonscrit. Elles peuvent avoir pour effet de déstabiliser un secteur particulier de la production ou une certaine zone géographique. Les personnes qui tirent leur revenu du secteur ou de la région concernés peuvent voir leur droit au travail et à un niveau de vie décent compromis. Les mesures coercitives globales, quant à elles, visent l’économie ou le système financier d’un pays dans son ensemble. Elles sont indifférenciées et ont donc des effets négatifs sur les droits fondamentaux des catégories les plus pauvres et les plus vulnérables des sociétés des pays cibles. Leur efficacité est évaluée en fonction de leur capacité à imposer une véritable réorientation des politiques générales ou à créer dans le pays cible un climat de détresse économique suffisant pour inciter la population à se soulever contre ses dirigeants politiques[36].
Les mesures coercitives unilatérales sont dites « extraterritoriales »[37] parce qu’elles sont prises par un pays ou un groupe de pays et imposées en dehors de leur territoire national ou de leur juridiction. Les lois en vertu desquelles elles sont imposées peuvent avoir des effets extraterritoriaux non seulement sur les pays cibles, mais également sur des pays tiers, si ceux-ci sont contraints à appliquer également ces mesures au pays cible, sous peine de lourdes sanctions unilatérales[38].
Après cette présentation de la notion de mesure coercitive unilatérale, incluant sa définition ainsi que ses caractéristiques, l’étude de sa légalité, licéité vis-à-vis du droit international sera analysée dans le point suivant.
- La question de la licéité des mesures coercitives unilatérales en droit international
Ainsi que développé précédemment, les sanctions prononcées par le Conseil de sécurité relèvent du Chapitre VII de la Charte des NU. Leur adoption, en vertu de l’article 27, nécessite un vote affirmatif de neuf des membres du Conseil dont les cinq permanents. Et c’est essentiellement la raison pour laquelle les sanctions émises par cet organe sont souvent considérées comme étant les seules « licites », puisque fondées sur la Charte et imposées dans un cadre multilatéral. Elles sont obligatoires pour tous les Etats.
A contrario, les mesures unilatérales ne bénéficient pas forcément, ou du moins, automatiquement, de la même licéité.
En effet, rappelons-le, ces mesures proviennent d’un seul Etat, d’un groupe d’Etats, ou d’une organisation. Elles ne sont donc pas émises par l’ensemble de la communauté internationale.
Du point de vue du droit international positif, un certain nombre de considérations peut être utilisé pour discuter de la licéité ou non de ces mesures.
D’abord, les sanctions unilatérales semblent constituer une violation du régime de libre-échange établi dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Selon les nombreux règlements en vigueur, il s’agit plus particulièrement du principe de non-discrimination dans le commerce international et aussi du principe selon lequel l’Etat ne doit pas se mêler de l’activité économique internationale. Néanmoins, ces instruments juridiques contiennent des exceptions aux principes mentionnés. Ces exceptions, par leur formulation vague et imprécise, permettent aux Etats de décider d’eux-mêmes du moment opportun pour eux des conditions d’utilisation ou non d’une exception. Dans la pratique, des Etats émettant unilatéralement des sanctions, se réfèrent souvent à ces dispositions[39]. L’article 21 du General Agreement on Tariffs and Trade (GATT)[40] illustre particulièrement la question, ainsi que l’article 14bis du General Agreement on Trade in Services (GATS)[41]. Dès lors, il nous est permis de nous demander si ces exceptions ne « légalisent » pas les sanctions unilatérales ?
De plus, les mesures coercitives unilatérales peuvent aussi représenter des violations de certains principes fondamentaux du droit international. En premier lieu, le principe de l’interdiction générale d’intervention dans les affaires intérieures (article 2/7 de la Charte de l’ONU). Ensuite, le principe d’égalité souveraine des Etats (Article 2/1 de la Charte). Enfin, celui de l’obligation de tous les membres de la communauté internationale de recourir au règlement pacifique des différends (Article 2/3 la Charte).
Sur un autre registre, certains instruments de soft law, peuvent éclairer sur la question de la licéité des sanctions unilatérales.
Ainsi, selon l’étude du Haut-commissariat des Nations Unies sur les effets des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme[42], il n’est pas facile de répondre, à la question de savoir si des mesures coercitives unilatérales sont licites ou non au regard du droit international public. Cela dépend de la forme précise que prend la mesure, du droit des traités applicables, des règles du droit international coutumier, du droit international humanitaire et des instruments relatifs aux droits de l’homme. En effet, les traités en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire peuvent s’appliquer dans le cas de mesures coercitives unilatérales qui mettent en cause des droits de l’homme fondamentaux ou qui touchent la population civile dans son ensemble, les rendant ainsi illicites. Dans le domaine du droit international des droits de l’homme, les droits à prendre en compte pour apprécier la légalité de ces mesures[43] seraient le droit à la vie, le droit à un niveau de vie suffisant, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement et les soins médicaux, le droit d’être à l’abri de la faim et le droit à la santé[44]. En matière de droit international humanitaire, beaucoup de règles peuvent être utilisées pour l’évaluation des mesures coercitives unilatérales. A titre d’exemple, l’interdiction d’utiliser contre les civils la famine comme méthode de guerre[45], l’obligation d’accorder le libre passage à tout envoi de vivres, de médicaments et de matériel sanitaire[46], et l’interdiction des peines collectives.
Par ailleurs, l’imposition de mesures coercitives unilatérales peut violer des règles du droit international général, c’est-à-dire le droit international coutumier et les principes généraux de droit. Deux exemples peuvent illustrer cette idée. En premier lieu, en matière de suspension des relations commerciales entre Etats. Si celle-ci est prise en tant que mesure coercitive unilatérale, sa légalité dépendra du degré d’obligation de l’Etat d’entretenir et de poursuivre des relations commerciales avec d’autres Etats[47]. « Comme l’a confirmé la Cour internationale de Justice, en l’absence d’obligations conventionnelles expresses, les États sont encore considérés comme étant libres de maintenir ou non des relations commerciales[48]. Ainsi leur décision souveraine de mettre fin à de telles relations, que ce soit pour des raisons politiques ou autres, ne saurait être considérée comme illicite »[49]. En second lieu, en matière du principe de non –ingérence/intervention[50]. Afin d’apprécier la conformité ou non de ces mesures au principe de non-ingérence, et se fondant essentiellement sur les différentes résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU ainsi qu’à la jurisprudence internationale, deux points méritent d’être soulignés : la contrainte, et l’intention de modifier la politique de l’État visé lorsque celui-ci devrait pouvoir exercer librement son choix. En effet, lorsque des États sont dépendants d’autres États sur le plan économique, les mesures dans ce domaine peuvent atteindre une intensité s’approchant de la contrainte. Mais pour être considérées comme intervention, les mesures doivent avoir pour objet d’influencer la volonté souveraine d’un autre État de manière abusive[51]. La Cour internationale de Justice, dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, considérait que : « Le principe de non-intervention met en jeu le droit de tout État souverain de conduire ses affaires sans ingérence extérieure […] la Cour estime qu’il fait partie intégrante du droit international coutumier» ; «ce principe interdit à tout État ou groupe d’États d’intervenir directement ou indirectement dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre État. L’intervention interdite doit donc porter sur des matières à propos desquelles le principe de souveraineté des États permet à chacun d’entre eux de se décider librement. Il en est ainsi du choix du système politique, économique, social et culturel et de la formulation des relations extérieures. L’intervention est illicite lorsqu’à propos de ces choix, qui doivent demeurer libres, elle utilise des moyens de contrainte »[52].
Il faut toutefois relever que si ces sanctions sont abusives, et donc contraires au principe de non-ingérence, elles pourront tout de même échapper à l’illicéité si elles sont qualifiées de contre-mesures. En effet, le propre des contre-mesures est que si elles sont a priori illicites, leur illicéité est écartée, sous certaines conditions, car elles visent à faire cesser une violation du droit international commise par l’État cible. Dans le Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour faits internationalement illicites[53], des actes qui seraient autrement illicites peuvent être exceptionnellement justifiés en tant que contre-mesures[54]. Les contre-mesures ne sont autorisées que dans des circonstances restreintes : elles ne peuvent être prises à l’encontre de l’État responsable du fait internationalement illicite que pour amener cet État à s’acquitter de ses obligations, et pour mettre fin audit fait s’il se poursuit[55]. Lorsque des droits de l’homme ou d’autres obligations envers la communauté internationale dans son ensemble (obligations erga omnes) sont en cause, tout État peut légalement prendre des mesures contre l’État qui a manqué à l’obligation erga omnes afin d’assurer la cessation de la violation ainsi que la réparation dans l’intérêt de l’État lésé ou des bénéficiaires de l’obligation violée[56]. Lorsque ces critères sont remplis, les mesures coercitives unilatérales peuvent être justifiées temporairement.
La doctrine internationale[57] s’est également beaucoup intéressé à la question de la légalité des sanctions unilatérales. Ainsi, par exemple, le Pr. Thouvenin considère que ce sont les sanctions unilatérales qui soulèvent le plus la question de leur licéité au regard du droit international. Elle est complexe, comme il le souligne, « car deux appréciations juridiques contradictoires peuvent être formulées à leur égard. D’un côté, elles apparaissent, lorsque leur objet est de forcer un État à adopter un comportement qu’il ne souhaite pas adopter, contraires au principe d’égalité souveraine des États, duquel découle celui de non-ingérence…Mais, d’un autre côté, les sanctions économiques apparaissent aussi comme la mise en œuvre de compétences souveraines incontestables ; parce qu’il est avant tout souverain, tout État peut décider souverainement de la manière dont il entend entretenir des relations économiques avec ses pairs, et c’est dans le cadre de cette liberté qu’il adopte des sanctions économiques, qu’il s’agisse de mesures d’embargo, de boycottage, ou d’ordre financier . La licéité de principe des sanctions économiques qui en découle paraît non contestée » [58]. C’est ainsi qu’en 1993, à l’occasion d’une résolution sur le boycott économique exercé par les États arabes à l’encontre d’Israël[59], le Parlement européen soulignera que « le boycott direct que les États arabes exercent contre Israël ne contrevient pas aux règles fondamentales du droit international ». La Cour internationale de Justice l’avait en outre confirmé dans l’affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci. Au cours de ses plaidoiries, le Nicaragua avait soutenu que les États-Unis étaient responsables d’une forme d’intervention indirecte dans ses affaires intérieures, consistant à prendre à son détriment certaines mesures à caractère économique. Ces dernières étaient l’interruption d’une aide économique, la réduction de 90% du quota de sucre importé aux États-Unis en provenance du Nicaragua, et un embargo commercial. Le Nicaragua admettait qu’en elles-mêmes certaines de ces mesures n’étaient pas illicites, mais soutenait que tous ces faits pris ensemble représentaient une atteinte systématique au principe de la non-intervention. La Cour ne fut pas convaincue et considéra qu’il n’y avait pas lieu de considérer les mesures économiques mises en cause comme des violations du principe coutumier de la non-intervention [60].
Il apparait donc, qu’en matière de mesures coercitives unilatérales, aussi bien le principe de non ingérence que celui de souveraineté sont bien établis mais sont contradictoires, d’où la nécessité de les concilier. La tâche n’est guère aisée et semble même très complexe, l’ancien Secrétaire général des Nations Unies considérant à cet égard que « le droit international ne fait apparaître aucun critère bien défini quant à ce qui constitue des mesures économiques inappropriées (c’est-à-dire illicites) »[61]. Pour ce faire, le Pr. Thouvenin propose l’approche de « l’abus de droit », qui prévoit qu’« une sanction économique prise par un État contre un autre serait illicite dès lors que, et seulement si, elle constituerait un abus de droit. On peut considérer qu’il y a abus de souveraineté constitutive d’une violation du principe de non ingérence lorsqu’un État : i) entend faire pression sur un autre État afin de forcer sa décision, ii) par le recours à une forme de contrainte (non militaire), et iii) en violant un droit dont dispose cet autre État en vertu de sa propre souveraineté ». Cette approche va mener à certains résultats :
En premier lieu, les sanctions économiques les plus courantes seront rarement susceptibles d’être considérées comme juridiquement abusives. C’est l’exemple de la suspension d’une aide au développement, l’État destinataire de l’aide ne pouvant prétendre à un droit souverain de bénéfice à l’aide ; des embargos et boycottages, l’Etat cible pouvant développer ses relations commerciales avec d’autres partenaires ; et du gel des avoirs d’un ancien chef d’État, notamment s’il fait l’objet d’une poursuite par les autorités judiciaires de son pays[62].
Ensuite, quelques sanctions économiques, de plus en plus rares, pourront être considérées comme abusives. C’est notamment le cas du gel des avoirs d’un État via le gel des fonds de sa banque centrale. L’abus est formé du fait que l’auteur de la sanction interdit, par une mesure juridiquement contraignante, à l’État cible d’accéder à ses ressources financières, ce qui constitue une atteinte directe à son droit souverain de jouir de ces dernières.
Par ailleurs, une mesure de sanction économique sera considérée comme abusive si elle a comme objectif de faire plier la volonté d’un État cible mais qui, pour y parvenir, imposerait à des ressortissants d’États tiers de respecter certaines règles dans leurs relations avec l’État cible. Les lois américaines – très critiquées-, Helms Burton et D’Amato Kennedy, ou d’autres plus récentes, comme nous le verrons dans les développements prochains, illustrent parfaitement cette pratique. Ces lois peuvent être considérées comme abusives car elles ont instauré une « double ingérence », d’une part, dans les affaires intérieures des États cibles (Cuba, Iran), et d’autre part, dans les affaires extérieures des États tiers, contraints de suivre la politique commerciale décidée par Washington à l’égard des États cibles[63]. L’Union européenne a fermement souligné dans une action commune du 22 novembre 1996 que « par leur application extraterritoriale, ces lois, règlements et autres instruments législatifs violent le droit international ». Dans ses Lignes directrices de 2005, elle annonce que « l’UE s’abstiendra d’adopter des instruments législatifs qui, par leur application extraterritoriale, violeraient le droit international »[64].
Enfin, des sanctions économiques pourront être qualifiées de contraires au droit international parce que d’autres règles de ce droit le prévoient. C’est le cas par exemple des mesures de gel des avoirs des chefs d’États[65]. L’illicéité découle de la contradiction avec la règle d’immunité des chefs d’États. La Cour internationale de justice a rappelé dans l’affaire du Mandat d’arrêt du 11 avril 2000[66], et dans l’affaire relative à Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en 2008[67], qu’un chef d’État jouit en particulier d’une immunité de juridiction pénale et d’une inviolabilité totale qui le protègent contre tout acte d’autorité de la part d’un autre État qui ferait obstacle à l’exercice de ses fonctions. Pour apprécier s’il y a eu atteinte ou non à l’immunité du chef de l’État, la Cour souligne qu’il faut vérifier si celui-ci a été soumis à un acte d’autorité contraignant, et c’est là l’élément déterminant.
Il apparait à la fin de ce premier chapitre que le droit international tend, suite à la pratique abondante des Etats et d’autres institutions des mesures coercitives unilatérales, à encadrer ces dernières, notamment eu égard aux effets négatifs qu’elles pourraient avoir sur l’exercice effectif des droits humains. L’analyse portera dans le chapitre suivant sur l’étude d’un cas précis, celui des sanctions américaines, « mesures unilatérales », réintroduites en mai 2018, à l’encontre de la République islamique d’Iran.
II/ les sanctions américaines (executive order[68]) réintroduites en mai 2018 à l’encontre de l’Iran : quelle licéité ?
Le 8 mai 2018, le Président des Etats-Unis annonce le retrait de son pays de l’accord nucléaire conclu en juillet 2015 avec l’Iran, le qualifiant du « plus mauvais accord jamais conclu par les Etats-Unis ». Le Bureau américain de contrôle des actifs étrangers, l’OFAC (Office of Foreign Assets Conrol), chargé de l’application des sanctions, détaille les modalités de mise en œuvre de cette mesure : toutes les sanctions américaines contre l’Iran levées par l’administration précédente en application de l’accord conclu en 2015 allaient être rétablies. Il ne s’agit évidemment pas des premières sanctions américaines à l’encontre de l’Iran (A), mais le choix de leur analyse semble pertinent eu égard aux nombreuses problématiques qu’elles suscitent tant sur leur licéité que sur leurs effets sur l’exercice effectif des droits fondamentaux de l’homme (B).
- La pratique américaine en matière de mesures coercitives unilatérales à l’encontre de l’Iran
De prime abord, soulignons que la capacité des Etats-Unis à imposer des mesures coercitives repose non seulement sur leur puissance économique et financière, notamment le statut du dollar comme monnaie de réserve mondiale, mais aussi sur leur omnipotence et leur position centrale dans les interconnexions nouées avec d’autres partenaires dans le contexte de la mondialisation, tels réseau SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication), serveurs internet, chambres de compensation interbancaires…[69]
Les premières sanctions américaines à l’encontre de l’Iran sont mises en place dès 1979, en réaction au renversement du Shah, au retour de l’Ayatollah Khomeiny mais surtout à l’attaque de l’ambassade des États-Unis à Téhéran avec prise d’otages et à l’attentat contre des militaires américains survenu au Liban; dès lors, ces deux pays ont cessé d’entretenir des relations diplomatiques depuis 1980, les Etats-Unis désignant l’Iran comme « Etat soutenant le terrorisme », multipliant les mesures de sanction et de blocage des actifs iraniens[70]. Ces mesures sont diverses. A partir de 1979, elles englobent essentiellement :
- Un embargo sur le pétrole iranien ;
- Le retrait des visas à plus de 50 000 étudiants iraniens aux États-Unis ;
- L’interdiction de toute aide ou assistance militaire étrangère ;
- La rupture des relations diplomatiques avec l’Iran, à partir de 1980 ;
- Un embargo généralisé sur les exportations américaines vers l’Iran à l’exception de la nourriture et des médicaments ;
- Un embargo sur les importations iraniennes aux États-Unis ;
- Le gel de plus de 8 milliards de dollars d’avoirs iraniens ;
- L’annulation de tout visa d’entrée aux États-Unis.
À partir de 2006, les États-Unis vont, suite à la reprise des activités d’enrichissement d’uranium de l’Iran, mettre en place de nouvelles sanctions[71] qui sont régies par des dizaines de lois et d’ordonnances.
Ainsi, des ordres exécutifs passés interdisant l’investissement en Iran et les importations de ce pays sont officialisés par l’Iran Freedom Support Act (IFSA), une loi votée par le Congrès en 2006 qui établit entre autres une liste des banques iraniennes avec lesquelles il est interdit de faire des transactions.
D’autre part, une interdiction d’investissement dans le secteur énergétique iranien (pour tout montant supérieur à 20 millions de dollars), la fourniture de biens et services à destination de l’industrie iranienne de produits pétroliers raffinés et la vente d’essence à l’Iran, sont confirmés par le Comprehensive Iran Sanctions, Accountability, and Divestment Act (CISADA), une loi votée par le Congrès en 2010 et qui amende l’Iran Sanctions Act (1996). Ce texte élargit significativement les activités liées au secteur de l’énergie passibles de sanctions, et ajoute de nouveaux types de sanctions. Sous peine d’être privées d’accès au système financier américain, la CISADA interdit aux banques étrangères de travailler avec des institutions iraniennes déjà sanctionnées. La CISADA érige par ailleurs une liste comprenant des personnes impliquées dans le secteur de l’énergie iranien, dont les actifs étaient gelés et qui ne pouvaient plus voyager en dehors de l’Iran. Des sanctions identiques contre des personnes ayant commis des violations des droits de l’homme sont également décidées. Enfin, une clause spéciale disposant que toute entreprise s’engageant à ne plus investir en Iran serait exemptée de sanctions, est également incluse dans cette loi
D’autres sanctions portent sur l’interdiction aux banques étrangères d’être en relation avec la Banque Centrale d’Iran pour financer les achats de pétrole iranien. Cette mesure est décidée par le National Defense Authorization Act (NDAA), voté par le Congrès en 2012.
De plus, une interdiction de la fourniture de services de messagerie à l’Iran pour effectuer des transactions financières liées à des questions d’assurance de transport, est décidée par l’Iran Threat Reduction Act (ITRA), voté en 2012. Ce texte interdit également le rapatriement des avoirs iraniens liés aux ventes de pétrole.
Enfin, l’Iran Freedom and Counter-Proliferation Act (IFCPA), voté en 2012, établit l’interdiction de toute transaction avec les secteurs iraniens de l’énergie, du transport maritime et de l’industrie portuaire. Comme elle interdit également la vente de métaux semi-finis à l’Iran. En 2013, sur la base d’un ordre exécutif du Président américain, les sanctions de l’IFCPA sont étendues à l’industrie automobile iranienne interdisant toute transaction avec ce secteur[72].
Le 14 juillet 2015, l’Iran, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (Chine – Etats-Unis – Russie – France – Royaume-Uni), l’Allemagne et l’Union européenne trouvent à Vienne un accord visant à garantir la nature exclusivement pacifique du programme nucléaire iranien, par l’adoption d’un Plan d’action global commun (JCPOA). Cet accord, conclu pour une période de dix ans, instituait une limitation du programme nucléaire civil iranien, en contrepartie de la levée de toutes les sanctions imposées par le Conseil de sécurité des Nations Unies, et des sanctions multilatérales ou nationales relatives au programme nucléaire de l’Iran, y compris des mesures relatives à l’accès dans les domaines du commerce, de la technologie, des finances et de l’énergie.
S’agissant des sanctions américaines, le Plan prévoit que les Etats-Unis cesseront d’appliquer les sanctions énoncées dans l’Annexe II[73].
Le 20 juillet 2015, par sa Résolution 2231 (2015), le Conseil de sécurité de l’ONU approuve le plan d’action et appelle instamment à son « application intégrale conformément au calendrier qu’il prévoit » (§1). Par la même résolution, le Conseil décide notamment de lever, sous certaines conditions, un certain nombre de dispositions de ses résolutions antérieures sur la question nucléaire iranienne (§§7-9) et définit les mesures à prendre pour la mise en application du plan d’action (§§16-20).
Le 16 janvier 2016, et dans le cadre de l’exécution du JCPOA, le président des Etats-Unis adopte le décret 13716[74] par lequel sont abrogés ou modifiés plusieurs décrets antérieurs portant sur les sanctions en lien avec le nucléaire iranien qui avaient été imposées à l’Iran et à ses ressortissants. Les Etats-Unis vont lever les sanctions touchant les personnes non américaines dans le cadre de certaines activités en rapport avec l’Iran, sanctions dites « secondaires ». Ces sanctions avaient comme objectif la dissuasion des personnes non américaines physiques et morales, de prendre part à des activités avec l’Iran sous peine de lourdes amendes[75]. La levée des sanctions secondaires permettait aux personnes physiques et morales non américaines d’intervenir dans la quasi-totalité des secteurs économiques en Iran sans risquer de poursuites ou des sanctions de la part des agences fédérales américaines, plus particulièrement de l’Office of Foreign Assets Control (OFAC). En revanche, les sanctions « primaires » sont maintenues ; elles ont été instaurées après la révolution islamique, et interdisent, de manière générale, aux personnes américaines l’import/export, direct ou indirect, de marchandises, technologie, et de services, depuis et vers l’Iran, ainsi que toute relation avec le gouvernement iranien.
Mais le 8 mai 2018, le Président des États-Unis publie un mémorandum sur la sécurité nationale[76] par lequel il met un terme à la participation de son pays au Plan d’action global commun, chargeant son administration de s’attacher immédiatement à rétablir les sanctions liées au Plan, et ce, dans un délai maximum de 180 jours à compter de la date du mémorandum. L’objectif affiché par le Président étant d’« exercer une pression financière sur le régime iranien en vue d’une solution globale et durable à toutes les menaces exercées par ce pays : développement et prolifération balistique, agressions régionales, soutien aux groupes terroristes, activités pernicieuses des membres des Gardiens de la révolution et de ses auxiliaires ». Dès lors, « il était dans l’intérêt des Etats-Unis de rétablir les sanctions aussitôt que possible, et au plus tard dans un délai de 180 jours ».
Simultanément, l’OFAC du département du trésor américain annonce que le rétablissement des sanctions se ferait en deux étapes. A l’expiration d’un premier délai de liquidation de 90 jours venant à échéance le 6 août 2018, les Etats-Unis rétabliraient un certain nombre de sanctions visant, notamment, les opérations financières, le commerce des métaux, l’importation de tapis et de denrées alimentaires d’origine iranienne et l’exportation d’aéronefs de transport commercial de passagers et de pièces détachées connexes. A l’expiration d’un second délai de liquidation de 180 jours venant à échéance le 4 novembre 2018, les Etats-Unis rétabliraient des sanctions supplémentaires.
En conséquence, toute une série de sanctions va être rétablie :
D’abord, les sanctions « primaires » sont maintenues interdisant aux personnes américaines (US persons[77]), aux sociétés américaines, ainsi qu’à toute structure détenue ou contrôlée par une personne américaine, d’établir des relations commerciales avec des personnes ou des entités iraniennes.
Ensuite, les sanctions « secondaires » sont rétablies, elles affectent les personnes non américaines, dès lors qu’elles sont en relation d’affaires avec l’Iran. Les activités concernées sont celles en lien avec : l’achat ou l’acquisition de devises américaines par le gouvernement iranien ; le commerce d’or ou d’autres métaux précieux avec l’Iran ; la vente directe ou indirecte, la fourniture ou le transfert en provenance ou en direction de l’Iran de graphite, métaux bruts ou semi bruts comme l’aluminium, l’acier, le charbon et les logiciels entrant dans des process industriels ; l’achat ou la vente de montants importants en rials iraniens ou la constitution de réserves importantes ou de comptes bancaires en rials iraniens hors du territoire iranien ; l’achat, la souscription ou l’intermédiation dans l’émission d’instruments de la dette souveraine iranienne ; le secteur automobile iranien.
La sanction est possible dès lors que ces opérateurs ont recours au dollar, dans la mesure où la compensation finale de l’opération est effectuée sur le territoire américain, ou qu’ils utilisent des messageries financières sur un routeur américain. En effet, les autorités américaines considèrent que tout paiement en dollar doit être traité impérativement par des infrastructures du marché financier ou des banques de compensation aux Etats-Unis. Ainsi, lorsqu’une banque non américaine exécute un paiement en dollars pour le compte de clients, quelque soit leur position géographique, elle doit bénéficier d’un accès direct ou indirect au processus de compensation et de règlement américains. Si la banque dispose d’une filiale aux Etats-Unis, sa connexion sera donc directe. A contrario, une connexion est indirecte quand la banque étrangère utilise les services de banques correspondantes ou dépositaires américaines. Il s’agit clairement d’une « instrumentalisation » du dollar au service des sanctions unilatérales.
Une sanction à l’encontre d’une personne peut également être adoptée si ses opérations impliquent – de près ou de loin – une « US person » à quelque phase de son déroulement, voire si elles sont susceptibles de provoquer qu’une « US person » soit, à un moment donné, impliquée contre son gré dans le déroulement d’une opération avec un partenaire public ou privé iranien, dans des secteurs couverts par les sanctions américaines[78].
La plupart de ces dispositions a été réimposée progressivement par les États-Unis le 6 août 2018.
Par ailleurs, et à compter du 5 novembre 2018, les sociétés non américaines détenues ou contrôlées par des personnes américaines devront mettre fin à leurs activités avec l’Iran, notamment : les opérateurs portuaires, le transport maritime et la construction navale de l’Iran ; les transactions pétrolières, l’achat de pétrole, de produits pétroliers ou de produits pétrochimiques auprès de l’Iran, particulièrement avec la compagnie nationale iranienne de pétrole (National Iranian Oil Company -NIOC), la Naftiran Intertrade Company (NICO), et la National Iranian Tanker Company (NITC) ; les transactions avec la Banque centrale iranienne et les institutions financières iraniennes ; les services spécialisés dans la transmission d’ordres financiers de la Banque centrale iranienne et des institutions financières iraniennes ; la fourniture de services de messageries financières (comme la messagerie SWIFT) à des banques iraniennes sanctionnées ; les services de courtage d’assurance ou de réassurance pour les transactions avec l’Iran ; le secteur énergétique de l’Iran.
L’administration américaine a prévu une période transitoire de 180 jours, s’achevant le 4 novembre 2018, pour permettre aux sociétés impliquées dans ces différents secteurs, d’interrompre progressivement leurs activités.
Enfin, toutes les mesures individuelles visant des personnes iraniennes, physiques ou morales, vont être rétablies et devront être remises en vigueur au plus tard le 4 novembre 2018. C’est ainsi que des entités et individus iraniens retirés de la liste SDN (List of Specially Designated Nationals and Blocked Persons) au moment de l’entrée en vigueur du JCPOA seront progressivement remis sur la liste. Beaucoup d’acteurs iraniens du domaine bancaire et financier sont concernés et en particulier la Banque centrale d’Iran.
Pour l’application de l’ensemble de ces sanctions, le Trésor américain demande à la société SWIFT[79], fournisseur mondial de services de messagerie financière sécurisés, de déconnecter de son réseau la Banque centrale d’Iran et les banques iraniennes black-listées -hormis pour les transactions humanitaires[80]-, ce qui les empêchera de continuer leurs échanges sécurisés avec les opérateurs étrangers. Sur les exceptions humanitaires, soulignons que le 3 octobre 2018, la Cour Internationale de Justice, saisie par l’Iran sur la base de violations alléguées du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955, entre l’Iran et les États-Unis, rendait une ordonnance indiquant que « les États-Unis d’Amérique, conformément à leurs obligations au titre du traité d’amitié, … doivent…supprimer toute entrave que les mesures annoncées le 8 mai 2018 mettent à la libre exportation vers le territoire de la République islamique d’Iran : i) de médicaments et de matériel médical ; ii) de denrées alimentaires et de produits agricoles ; et iii) des pièces détachées, des équipements et des services connexes (notamment le service après-vente, l’entretien, les réparations et les inspections) nécessaires à la sécurité de l’aviation civile »[81].
Le 5 novembre 2018, SWIFT, en dépit de son « caractère neutre et global »[82], annonce sa décision de suspendre l’accès de certaines banques iraniennes à son réseau (sans pour autant mentionner la décision des États-Unis de réimposer des sanctions à l’Iran) ; « Conformément à sa mission de soutien à la résilience et à l’intégrité du système financier mondial en tant que prestataire de services mondial et neutre, SWIFT suspend l’accès de certaines banques iraniennes à son système de messagerie. Cette mesure, bien que regrettable, a été prise dans l’intérêt de la stabilité et de l’intégrité du système financier mondial dans son ensemble »[83].
Ainsi que souligné par le rapporteur spécial des NU sur les effets des mesures coercitives unilatérales sur les droits de l’Homme[84], « le retrait de cet accord suivi de la réintroduction d’un régime de sanctions drastique, complet et unilatéral à l’égard de la République islamique d’Iran, soulèvent en soi d’importantes questions relatives à la licéité de ces sanctions au regard du droit international ». Il note néanmoins « qu’il est clair que ce retrait constitue un non-respect ou une violation du Plan d’action, qui est un accord multilatéral recensant une série d’engagements réciproques des parties et créant ainsi pour celles-ci des droits et des obligations au regard du droit international. La règle fondamentale du droit international, pacta sunt servanda, s’applique donc à cet accord »[85]. Le Rapporteur indique par ailleurs que le Plan d’action a été approuvé par le Conseil de sécurité dans la résolution 2231 (2015), dans laquelle ce dernier appelle instamment à son application intégrale conformément au calendrier qu’il prévoit et demande « aux États Membres, aux organisations régionales et aux organisations internationales de prendre les mesures qui s’imposent pour appuyer l’application du Plan d’action, et notamment de prendre des mesures en rapport avec le plan d’application décrit dans le Plan d’action et la présente résolution et de s’abstenir de toute action susceptible d’entraver le respect des engagements pris en vertu du Plan d’action. Cela comprenait, à l’évidence, l’obligation pour les États de s’abstenir d’appliquer des sanctions auxquelles ils avaient renoncé en vertu de l’accord. Dans sa résolution 2231 (2015), le Conseil de sécurité a expressément insisté sur l’obligation faite aux États Membres en vertu de l’Article 25 de la Charte des Nations Unies d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité »[86].
Les sanctions américaines réintroduites à l’encontre de l’Iran en 2018 ainsi présentées et commentées, nous nous attacherons dans les développements qui suivront à étudier la question de leur légalité au regard du droit international.
- Des mesures extraterritoriales et discriminatoires qui violent le droit international et portent atteinte aux droits fondamentaux de l’Homme
Les buts et les conséquences voulus par ces sanctions peuvent aussi nous éclairer quant à la licéité ou illicéité des mesures américaines de 2018. Comme nous l’avons démontré dans la première partie de cette étude, et en nous référant à l’approche de « l’abus de droit » telle qu’exposée, « une sanction économique prise par un État contre un autre, dans l’exercice de sa compétence souveraine, serait illicite dès lors que, et seulement si, elle constituerait un abus de droit… On peut considérer qu’il y a abus de souveraineté constitutive d’une violation du principe de non ingérence lorsqu’un État i) entend faire pression sur un autre État afin de forcer sa décision, ii) par le recours à une forme de contrainte (non militaire), et iii) en violant un droit dont dispose cet autre État en vertu de sa propre souveraineté ».
Au regard de ces conditions, on peut admettre, dans le cas de l’Iran, qu’elles sont toutes intégralement remplies :
D’abord, des représentants des États-Unis ont clairement affirmé que le régime de sanctions visait bel et bien à nuire à la République islamique d’Iran dans son ensemble. Les Secrétaires d’Etat des États-Unis, Michael Pompeo et Steven Mnuchin, ont affirmé que le pays exercerait une pression financière sans précédent sur le régime iranien, soulignant que les sanctions auraient des conséquences très pénibles pour le pays s’il ne changeait pas de cap et ne délaissait pas la voie inadmissible et stérile qu’il avait choisie au profit d’une voie qui lui permette de rejoindre la communauté internationale. Ces sanctions seraient d’ailleurs les plus sévères jamais appliquées. Une fois qu’elles auraient été mises en place, il deviendrait difficile de maintenir l’économie du pays à flot[87].
Ensuite, parce que les mesures américaines de 2018 sont extraterritoriales. Elles semblent porter atteinte à la souveraineté des Etats, car elles visent à interdire toute activité avec l’Iran, tant aux personnes américaines qu’aux personnes non américaines, relevant d’autres Etats. Cette atteinte à la souveraineté est « doublée », parce que ces Etats, ou leurs ressortissants, qui ne souhaitaient pas arrêter leurs relations avec l’Iran, ont été « contraints » de le faire en raison des « sanctions » qu’ils encouraient de la part des Etats Unis. Entreprises, grands groupes, établissements financiers, se sont vus contraints de se retirer d’Iran en y abandonnant des marchés ou d’y interrompre des projets, sauf à encourir des pénalités financières et/ou des représailles aux États-Unis sur les actifs qu’elles y détiennent, ou sur les activités qu’elles y conduisent.
D’ailleurs, les autorités américaines n’hésitent pas à poursuivre toute entreprise qui ne respecterait pas ses sanctions. Au cours des dernières années, l’OFAC a imposé de lourdes amendes pour des transactions établies entre entreprises étrangères avec Cuba et l’Iran, le plus souvent sur la base de l’utilisation du dollar. La banque BNP Paribas s’est acquittée d’une pénalité de 8,9 milliards de dollars, la banque néerlandaise ING a été contrainte de payer une pénalité de 619 millions de dollars, HSBC, 375 millions de dollars, Crédit Suisse Bank, 500 millions de dollars, et Commerzbank AG, 260 millions de dollars[88]. « Ces amendes massives ont marqué les entreprises. La peur des pénalités de l’OFAC, ou d’un revirement des autorités américaines, est telle que la plupart des entreprises, notamment les banques, refusent d’intervenir dans des transactions mêmes autorisées. Il faut également compter avec les « clauses sanctions » des banques et compagnies d’assurance, introduites dans les contrats suite à l’amende infligée à BNP Paribas. Ces clauses imposent le respect des régimes de sanctions américain et britannique, en dehors de tout rattachement avec les Etats-Unis, et permettent aux établissements financiers de résilier crédits et conventions de compte si leurs clients ne s’y conforment pas »[89].
De plus, ces sanctions unilatérales semblent porter atteinte à des droits économiques fondamentaux, notamment à la liberté d’entreprise et au droit de propriété, protégés entre autres par les articles 16 et 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ces sanctions vont également à l’encontre des objectifs de l’OMC qui sont de favoriser le commerce entre les États. En outre, en remettant en cause la continuité des contrats en cours avec l’Iran, les sanctions américaines de 2018 affectent les acteurs économiques en leur imposant l’arrêt d’exécution de leurs contrats, conduisant souvent à des pertes ou du moins à des manques à gagner. Pour ne citer qu’un exemple, l’Union européenne a exprimé son souhait de poursuivre ses échanges avec l’Iran et a mis en place le 31 janvier 2019, à l’initiative de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, le mécanisme INSTEX (Instrument in Support of Trade Exchanges), consistant pour l’essentiel, à permettre à des entreprises européennes et iraniennes de commercer sans réaliser de transactions financières directes[90] ; cet échange ne tombe pas, dès lors, sous le coup des sanctions américaines, qui sont ainsi contournées[91]. INSTEX est limité pour le moment aux produits de première nécessité, c’est-à-dire les produits alimentaires et pharmaceutiques.
Dans le même ordre d’idée, l’Union européenne explique que : « certaines des mesures que les États-Unis réactiveront contre l’Iran ont des effets extraterritoriaux et, dans la mesure où elles portent indûment atteinte aux intérêts des personnes physiques et morales établies dans l’Union qui effectuent des opérations de commerce et/ou des mouvements de capitaux et des activités commerciales connexes entre l’Union et l’Iran, elles violent le droit international et empêchent la réalisation des objectifs de l’Union »[92].
Mais force est de souligner que la menace de poursuite et de condamnation des entreprises étrangères ne respectant pas les sanctions américaines de 2018 contre l’Iran a eu un effet dissuasif. La quasi-totalité des entreprises, chinoises et européennes (dont russes), ont renoncé à commercer ou à investir en Iran, sous peine de non accès au marché américain, et peu d’entre elles se sont risquées à continuer leurs opérations commerciales ou d’investissement. Ainsi par exemple, les sociétés françaises qui avaient repris, suite à l’Accord de 2015, leurs activités en Iran, se sont progressivement désengagées : Total s’est officiellement retiré de projets d’investissements de plusieurs milliards de dollars en abandonnant South Pars, le projet gazier à 5 milliards de dollars dans le golfe Persique[93], PSA a quitté l’Iran malgré l’installation de ses usines, Renault a réduit ses engagements[94], et Air France, après avoir réouvert sa desserte avec Téhéran en 2016, a décidé de la fermer dès septembre 2018.
Enfin, il apparait que le caractère illicite de ces mesures extraterritoriales résulte également de leurs conséquences néfastes, inacceptables et indifférenciées sur les droits de l’homme[95], comme par exemple leur caractère discriminatoire ; selon le Rapporteur spécial sur les mesures coercitives unilatérales et leurs effets sur les droits de l’Homme : « Il existe un solide argument juridique selon lequel les sanctions peuvent avoir un effet discriminatoire en fonction du pays de résidence ou de la nationalité des populations visées. La discrimination fondée sur la nationalité ou l’origine nationale est contraire, entre autres, à l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et aux articles 1 et 2 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ». Cet argument nous parait valable pour les iraniens qui se voient refuser la possibilité d’entretenir des relations commerciales (ou autres) normales avec des étrangers suite aux sanctions américaines.
Il faudra d’ailleurs noter à cet égard que l’Iran a saisi la Cour internationale de Justice, le 14 juin 2018, en invoquant la violation du traité d’amitié signé par les parties en 1955, en particulier en ce qui concerne les actifs de la banque centrale iranienne. Dans son ordonnance sur les mesures conservatoires du 3 octobre 2018[96], la Cour a reconnu sa compétence prima facie sur la base d’une clause compromissoire contenue dans le traité d’amitié, et a rejeté l’argument des Etats-Unis selon lequel le différend portait en réalité sur le Plan d’action global commun (dont la nature juridique était par ailleurs controversée). En effet, ainsi que souligné par le Pr. Fathally[97], « les Etats-Unis contestent la compétence de la Cour pour se prononcer sur cette affaire et il n’est pas certain qu’ils acceptent d’exécuter l’ordonnance. Par ailleurs, la solution n’aura certainement pas d’impact sur les sanctions du 4 novembre 2018 qui visent notamment les produits pétroliers et gaziers. Au cours des prochaines étapes, lorsque la Cour statuera sur le fond du litige, les américains n’auront d’autres choix que de baser leur défense sur l’article XX(1) du Traité, plus précisément sur la clause qui soustrait de l’application de ce Traité, les mesures nécessaires à la protection de la sécurité nationale. Ils auront alors la difficile tâche de convaincre la Cour que les sanctions prises sont conformes à la clause en cause ».
La Cour a en outre indiqué à l’unanimité, que les Etats-Unis d’Amérique, conformément à leurs obligations au titre du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires conclu en 1955, doivent, par les moyens de leur choix, supprimer toute entrave que les mesures annoncées le 8 mai 2018 mettent à la libre exportation vers le territoire de la République islamique d’Iran : i) de médicaments et de matériel médical ; ii) de denrées alimentaires et de produits agricoles ; et iii) des pièces détachées, des équipements et des services connexes (notamment le service après-vente, l’entretien, les réparations et les inspections) nécessaires à la sécurité de l’aviation civile. Par ailleurs, ainsi qu’indique la Cour, les Etats-Unis d’Amérique doivent veiller à ce que les permis et autorisations nécessaires soient accordés et à ce que les paiements et autres transferts de fonds ne soient soumis à aucune restriction dès lors qu’il s’agit de l’un des biens et services visés au point[98].
Conclusion
En guise de conclusion, nous pouvons avancer l’idée selon laquelle les mesures coercitives unilatérales apparaissent souvent d’une « légalité douteuse » au regard du droit international, aussi bien général, qu’à celui relatif aux droits l’Homme ou à l’humanitaire, ou encore le droit de la responsabilité internationale des Etats et des organisations internationales. Un auteur a même avancé qu’« unilatéralement, les sanctions appartiennent en fin de compte à l’arsenal du droit du plus fort et sont donc probablement mieux adaptées à l’«ancien» droit international, dans lequel le ‹droit à la guerre› était la prérogative de l’Etat souverain »[99].
Face au recours accru aux mesures coercitives unilatérales par les Etats, certains principes fondamentaux du droit international doivent être réaffirmés, tel que le principe de la souveraineté, égalité souveraine entre les Etats, non ingérence, protection des droits de l’Homme… ; par ailleurs, les Etats doivent également se conformer à certaines règles de conduite universellement reconnues telles que : les parties qui appliquent des sanctions unilatérales sont tenues de réaliser une évaluation transparente de l’impact des mesures envisagées sur les droits de l’homme et de surveiller régulièrement les effets de la mise en œuvre des mesures, y compris en ce qui concerne leurs effets préjudiciables sur les droits de l’homme ; Il faut mettre fin à la politisation de ce qui devait être un mécanisme de transfert financier international interbancaire purement technique, dont la manipulation sous la forme d’une exclusion sélective reviendrait à réintroduire des sanctions globales à l’encontre de pays ciblés ; Des mécanismes garantissant le respect de la procédure et la possibilité d’un recours juridictionnel pour obtenir réparation devraient être mis en place[100].
Mais en attendant que cet « instrument clé de politique étrangère » soit complètement éliminé ou supprimé, un meilleur encadrement de la part du droit international devrait lui être réservé, par exemple, à travers l’adoption d’une résolution à l’unanimité par l’Assemblée générale de l’ONU sur les mesures coercitives unilatérales, un projet ayant déjà été proposé par le Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures unilatérales sur les droits de l’Homme ; ou bien encore, par l’élaboration par la Commission de droit international (CDI) de l’ONU de lignes directrices, un projet d’articles, et pourquoi pas une convention multilatérale sur la question.
Bibliographie :
- Ouvrages
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- Documents officiels
- Assemblée générale des Nations Unies
- Charte des droits et devoirs économiques des Etats (Résolution 3281 (XXIX)
- Déclaration concernant l’instauration d’un nouvel ordre économique international (résolution 3201 (S-VI)
- Résolutions 32/153, 33/74, 34/101 et 35/159 sur la non-ingérence dans les affaires intérieures des États;
- Résolutions 39/210, 40/185, 41/165, 42/173, 44/215, 46/210 et 48/168 sur les mesures économiques en tant que moyen de coercition politique et économique à l’encontre des pays en développement;
- Résolutions 52/181, 54/200, 56/179, 58/198, 60/185 et 62/183 sur les mesures économiques unilatérales utilisées pour exercer une pression politique et économique sur les pays en développement.
- Déclaration sur l’inadmissibilité de l’intervention dans les affaires intérieures des États et la protection de leur indépendance et de leur souveraineté (Résolution A/2131 (XX)
- Déclaration de 1970 sur les relations amicales (Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies (résolution 2625 (XXV)
- Déclaration de 1981 sur l’inadmissibilité de l’intervention et de l’ingérence dans les affaires intérieures des États (Résolution 36/103).
- Conseil de sécurité des Nations Unies
- Résolutions 660 et 661 (1990) sur l’Irak
- Résolution 687 (1991) sur l’Irak
- Résolution 713 (1991) sur la Yougoslavie.
- Résolution 733 (1992) sur la Somalie
- Résolution 748 (1992) sur la Lybie
- Résolution 1054 (1996) sur le Soudan,
- Résolution 1132 (1997) relative au Sierra Léone.
- Résolutions 1267 (1999), 1333 (2000), 1390 (2002) relatives aux sanctions imposées à Al-Qaïda
- Résolution 1636 (2005) sur le Liban
- Résolution 1970 (2011) sur la Lybie
- Résolution 2118 (2013) sur la Syrie
- Résolution 2146 (2014) relative à la Lybie.
- Résolution 2159 (2014) sur l’Iran
- Résolution 2231 (2015) sur la non-prolifération
- Report of the Informal Working Group of the Security Council on General Issues of Sanctions, S/2006/997
- Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme
- Rapport annuel du Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, 2015.
- Rapport du Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, aout 2018, Résolution A/HRC/39/54.
- Report of the Special Rapporteur on the negative impact of unilateral coercive measures on the enjoyment of human rights, Résolution A/HRC/36/44
- Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme
Étude thématique du Haut-commissariat aux droits de l’homme sur les effets des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, comportant des recommandations sur la façon de mettre fin à ces mesures, A/HRC/19/33, 11 janvier 2012.
- Textes juridiques
- Internationaux
- Charte des Nations Unies (1945)
- Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (quatrième Convention), 1949.
- Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I),
- Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II)
- Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965).
- Pacte international sur les droits politiques et civils (1966)
- Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (1966).
- Américains
- Executive Order 13574, 23 mai 2011, 76 FR 30505
- Executive Order 13590, 20 novembre 2011, 76 FR 72609
- Executive Order 13622, 30 juillet 2012, 77 FR 45897
- Executive Order 13628, 9 octobre 2012, 77 FR 62139
- Executive Order 13645, 3 juin 2013, 78 FR 33945
- Executive Order 13716, 16 janvier 2016, 81 FR 3693
- Presidential Memoranda, « Ceasing U.S. Participation in the JCPOA and Taking Additional Action to Counter Iran’s Malign Influence and Deny Iran All Paths to a Nuclear Weapon », 8 mai 2018.
- Jurisprudence internationale
- Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt du 27 juin 1986, C.I.J. Recueil 1986.
- Mandat d’arrêt du Il avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt du 14 février 2002, C. I. J. Recueil 2002.
- Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), arrêt du 4 juin 2008, C.I.J. Recueil 2008.
- Violations alléguées du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), CIJ, Ordonnance du 3 octobre 2018.
[1] « US sanctions violate human rights and international code of conduct, UN expert says », disponible sur https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=24566&LangID=E, consulté le 12 mai 2019, 20 :12.
[2] Consulter sur le système de sécurité collective, notamment, A. Orakhelashvili, « Collective Security », Oxford, Oxford University Press, 2011, Sur S., « Sécurité collective », in « Les dynamiques du droit international », Pedone, Paris, 2012, pp.147-161.
[3] Novosselof A. (dir.), « Le Conseil de sécurité des Nations Unies, entre impuissance et toute puissance », CNRS ed., Paris, 2016, p.56 et s.
[4] L’article 41 de la Charte de l’ONU dispose que : « Le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n’impliquant pas l’emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l’interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques ».
Ce n’est pas pour autant que le Conseil de sécurité mentionnera expressément cet article dans ses résolutions, il se contente généralement d’une référence globale au chapitre VII. Toutefois, dans certains domaines, le Conseil fait une référence directe à l’article 41 de la Charte, comme c’est le cas en matière de non prolifération en Iran et en Corée du Nord, à propos de la situation en Lybie ( Résolutions 1970 et 2009 de 2011), concernant la Guinée-Bissau (Résolution 2048 de 2012).
[5] Il dispose que : « Le Conseil de sécurité peut créer les organes subsidiaires qu’il juge nécessaire à l’exercice de ses fonctions ».
[6] La formule généralement utilisée par le Conseil de sécurité est celle de l’autorisation d’user de « tous les moyens nécessaires ». Voir sur cette formule, Hajjami N., « Que signifie l’expression « prendre toutes les mesures nécessaires » dans la pratique du conseil de sécurité des Nations Unies ? », RBDI, 2013/1, pp.242 et s.
[7] Pour la période antérieure à 1990, seules la Rhodésie du Sud ( Résolution 232 (1966)/ 253 (1968)/460 (1979), et l’Afrique du Sud ( les Résolutions 418 (1977) et 569 (1985) ont été sanctionnées sur la base de l’article 41 de la Charte.
[8] Notons que la charte utilise l’expression « mesures » tandis que l’expression « sanctions » n’apparait nulle part dans ce texte fondamental. La doctrine n’est pas unanime et reste divisée sur la nature des mesures de l’article 41 de la Charte, les qualifiant tantôt de mesures de police (Professeur Serge Sur), tantôt de sanctions (Professeur Jean Combacau). Voir Lagrange M. et Eisemann P.M, « Article 41 », in COT J.P et Pellet A. (dir.), « Commentaire de la Charte des Nations Unies article par article », Paris, Economica, 3ème édition, 2005, p.1200. Quant à l’ONU, il semblerait qu’elle privilégie le terme « sanctions ».Voir « Rapport du groupe de travail officieux sur les questions générales sur les sanctions », S/2006/997.
[9] David Cortright et George A. Lopez, « The Sanctions Decade, Assessing United Nations Strategies in the 1990s », Boulder, Colorado, Lynne Rienner, 2000.
[10] Voir sur les critiques des sanctions globales, Rapport du Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, « Nous, les peuples : le rôle des Nations Unies au XXI siècle », A/54/2000, §231.
[11] S pour spécifiques, M pour mesurables, A pour atteignables, R pour réalistes, et T pour temporellement limitées.
[12] Voir site officiel du Conseil de sécurité de l’ONU, rubrique sanctions, disponible sur https://www.un.org/securitycouncil/fr/sanctions/information, consulté le 14 mai 2019, 20 :12.
[13] Dubouis L., « L’embargo dans la pratique contemporaine », AFDI, Vol. 13, 1967, pp. 99-152, p. 105.
[14] Farrell H. et Newman A., « Weaponized interdependence », in International Security, vol.44, n° 1, pp.42-79.
[15] Plan d’action global commun entre l’Iran et le groupe E3/UE+3 (Allemagne, Chine, États-Unis, Fédération de Russie, France, Royaume-Uni et Haute Représentante de l’Union européenne), disponible sur https://www.un.org/securitycouncil/fr/content/2231/background, consulté le 5 mai 2019 à 13 :23.
[16] Adoptée le 20 juillet 2015.
[17] S/RES/2231 (2015), Op.cit, Annexe A, Plan d’action global commun, Vienne, le 14 juillet 2015.
[18] Köchler H., « Les sanctions au regard du droit international », Horizons et débats, 28 mai 2018, 17e année, No 11/12, Zurich.
[19] Voir sur la question, Thouvenin J.M, « Les sanctions économiques et le droit international », Droits 2013/1, n° 57, p.164. Voir également le rapport annuel du Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, 2015, pp.7-8, disponible sur https://www.refworld.org/cgi-bin/texis/vtx/rwmain/opendocpdf.pdf?reldoc=y&docid=565ff2f94, consulté le 20 avril 2020, 21 :02.
[20] Sur les mesures coercitives unilatérales et les blocus dans l’Antiquité, voir Phillipson C., « The International Law and the Custom of Ancient Greece and Rome », Londres, MacMillan, 1911, vol. II, pp. 349-384, disponible sur https://archive.org/details/internationallaw01philuoft/page/416/mode/2up, consulté le 21 avril 2020, 10 :23.
[21] Charvin R., « Les mesures d’embargo : la part du droit », RBDI, 1996/1, Bruylant, Bruxelles, p.7.
[22] Sibert M., « Traité de Droit International Public », Dalloz, 1951, t. 2, p. 560.
[23] Les sanctions économiques et financières sont prévues par l’article 16 du Pacte qui dispose : « si un membre de la SDN a recours à la guerre contrairement à ses engagements, il est de facto considéré comme ayant commis un acte de guerre contre tous les autres, et ceux-ci s’engagent à rompre avec lui toutes relations commerciales ou financières… ».
[24] Étude thématique du Haut-commissariat aux droits de l’homme sur les effets des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, comportant des recommandations sur la façon de mettre fin à ces mesures, A/HRC/19/33, 11 janvier 2012.
[25] Cela ne signifie pas qu’elles ont un objet économique – ce qui peut toutefois être le cas, par exemple lorsqu’un membre de l’OMC met en œuvre des mesures de rétorsion commerciale à l’encontre d’un autre membre qui n’aurait pas respecté ses propres obligations commerciales, mais qu’elles ont vocation à influer sur l’économie pour affaiblir leurs cibles.
[26] Voir Margaret P. Doxey, « International Sanctions in Contemporary Perspective », 2e éd., Basingstoke, Palgrave Macmillan, 1996.
[27] Dubouis L., « L’embargo dans la pratique contemporaine », op. cit. ; Martin-Bidou P., « Les mesures d’embargo prises à l’encontre de la Yougoslavie », AFDI, Vol. 39, 1993. pp. 262-285.
[28] Rousseau C., « Le boycottage dans les relations internationales », RGDIP, 1958, p. 5 ; Christopher C. Joyner, «Boycott», Max Planck Encyclopedia of Public International Law, Oxford University Press, 2011, disponible sur https://opil.ouplaw.com/search?sfam=&q=boycott&prd=MPIL&searchBtn=Search ,consulté le 20 avril 2019, 12 :30.
[29] Omer Y. Elagab, «Coercive economic measures against developing countries», International and Comparative Law Quarterly, vol. 41 (1998), p. 682 à 694.
[30] A/HRC/30/45, disponible sur https://www.refworld.org/cgi-bin/texis/vtx/rwmain/opendocpdf.pdf?reldoc=y&docid=565ff2f94, consulté le 20 avril 2020, 21:03.
Le mandat de ce rapporteur spécial a été décidé par la résolution 27/21 du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, §22 (A /HRC/RES/27/21, septembre 2014).
[31] Les mesures coercitives imposées par des groupes régionaux de pays ou par l’un de leurs États Membres à un pays tiers sont considérées comme des mesures unilatérales puisqu’elles sont imposées en vertu de règles qui n’ont jamais été approuvées par le pays visé.
[32] A/HRC/30/45, Op. cit, § 14.
[33] Thouvenin J.M, op.cit, p.167.
[34] Dans la pratique, il peut être difficile de distinguer entre certaines mesures coercitives unilatérales « intelligentes » et les mesures coercitives globales.
[35] Thomas J. Biersteker, « Scholarly Participation in Transnational Policy Networks: The Case of Targeted Sanctions » dans Mariano E. Bertucci et Abraham F. Lowenthal (eds.), « Narrowing the Gap: Scholars, Policy-Makers and International Affairs », Balitmore et Londres, Johns Hopkins University Press, 2012.
[36] A/HRC/30/45, Op.cit, § 16.
[37] Voir sur l’extraterritorialité, Groupe de travail présidé par Dominique Perben, « Le retrait des Etats Unis de l’accord de Vienne sur le programme nucléaire iranien : une situation juridique contrastée », Rapport, Juillet, 2018, p.26 et s., disponible sur www.leclubdesjuristes.com/wp-content/uploads/2018/07/CDJ_-Rapport_Le-retrait-des-USA-de-laccord-de-Vienne-sur-le-programme-nucléaire-iranien_Juillet-2018_FR.pdf , consulté le 10 mai 2019, 21 :54.
[38] A/HRC/30/45, Idem, § 22.
[39] Köchler H., Op.cit.
[40] Article XXI : Exceptions concernant la sécurité
Aucune disposition du présent Accord ne sera interprétée :
- a) comme imposant à une partie contractante l’obligation de fournir des renseignements dont la divulgation serait, à son avis, contraire aux intérêts essentiels de sa sécurité;
- b) ou comme empêchant une partie contractante de prendre toutes mesures qu’elle estimera nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité :
- i) se rapportant aux matières fissiles ou aux matières qui servent à leur fabrication; ii) se rapportant au trafic d’armes, de munitions et de matériel de guerre et à tout commerce d’autres articles et matériel destinés directement ou indirectement à assurer l’approvisionnement des forces armées; iii) appliquées en temps de guerre ou en cas de grave tension internationale; c) ou comme empêchant une partie contractante de prendre des mesures en application de ses engagements au titre de la Charte des Nations Unies, en vue du maintien de la paix et de la sécurité internationales.
[41] Article XIVbis : Exceptions concernant la sécurité
- Aucune disposition du présent accord ne sera interprétée :
- a) comme obligeant un Membre à fournir des renseignements dont la divulgation serait, à son avis, contraire aux intérêts essentiels de sa sécurité ;
- b) ou comme empêchant un Membre de prendre toutes mesures qu’il estimera nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité :
- i) se rapportant à la fourniture de services destinés directement ou indirectement à assurer l’approvisionnement des forces armées ;
- ii) se rapportant aux matières fissiles et fusionnables ou aux matières qui servent à leur fabrication ;
iii) appliquées en temps de guerre ou en cas de grave tension internationale ;
- c) ou comme empêchant un Membre de prendre des mesures en application de ses engagements au titre de la Charte des Nations Unies, en vue du maintien de la paix et de la sécurité internationales.
- Le Conseil du commerce des services sera informé dans toute la mesure du possible des mesures prises au titre du paragraphe 1 b) et c) et de leur abrogation.
[42] Etude thématique du Haut-commissariat aux droits de l’homme sur les effets des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, Op. cit, § 5.
[43] Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n° 8 (1997) sur le rapport entre les sanctions économiques et le respect des droits économiques, sociaux et culturels, par. 3.
[44] Tous ces droits ont été proclamés et consacrés par différentes textes internationaux, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966).
[45] Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), art. 54 ; Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II), art. 14.
[46] Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (quatrième Convention), art. 23, par. 1.
[47] Etude thématique du Haut Commissariat des NU aux droits de l’Homme, op.cit, § 13.
[48] Cour internationale de Justice, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt du 27 juin 1986, C.I.J. Recueil 1986, p. 128, par. 276.
[49] Etude thématique, Op.cit.
[50] Depuis les années 1960, le principe de non-intervention figure régulièrement dans les résolutions de l’Assemblée générale ; nous pouvons en citer : la résolution 3281 (XXIX) ; la Déclaration concernant l’instauration d’un nouvel ordre économique international (résolution 3201 (S-VI)) ; les résolutions 31/91, 32/153, 33/74, 34/101 et 35/159 sur la non-ingérence dans les affaires intérieures des États ; résolutions 39/210, 40/185, 41/165, 42/173, 44/215, 46/210 et 48/168 sur les mesures économiques en tant que moyen de coercition politique et économique à l’encontre des pays en développement ; résolutions 52/181, 54/200, 56/179, 58/198, 60/185 et 62/183 sur les mesures économiques unilatérales utilisées pour exercer une pression politique et économique sur les pays en développement ; la Déclaration sur l’inadmissibilité de l’intervention dans les affaires intérieures des États et la protection de leur indépendance et de leur souveraineté (Résolution A/2131 (XX)) ; la Déclaration de 1970 relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies (résolution 2625 (XXV) et la Déclaration de 1981 sur l’inadmissibilité de l’intervention et de l’ingérence dans les affaires intérieures des États (Résolution 36/103).
[51] Ainsi, lorsque des mesures coercitives unilatérales ont pour objet d’imposer le respect d’obligations internationales comme le non-recours à la force ou le respect des droits de l’homme, il est moins probable qu’elles soient contraires au principe de non-intervention.
[52] Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt du 27 juin 1986, C.I.J. Recueil 1986, §. 202 et 205.
[53] Commission du droit international (ONU), Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquante-sixième session, Supplément n° 10 (A/56/10), chap. IV.
[54] Ibid., art. 22. Voir sur les contre-mesures, Leben Ch., « Les contre-mesures inter-étatiques et les réactions à l’illicite dans la société internationale », in Annuaire français de droit international, volume 28, 1982. pp. 9-77 ; Pellet A., « Les articles de la CDI sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite. Suite – et fin? », Annuaire français de droit international, volume 48, 2002. pp. 1-23
[55] Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquante-sixième session, Supplément n° 10 (A/56/10), chap. IV, Ibid., art. 49.
[56] Ibid., art. 54.
[57] L’article 38 du Statut de la Cour internationale de justice dispose que la doctrine est appliquée comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit.
[58] Thouvenin J.M., Op.cit , pp.170-171.
[59] Résolution du Parlement européen n° A3-0239/93, 16 novembre 1993.
[60] Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt du 27 juin 1986, C.I.J. Recueil 1986, §§ 244-245.
[61] Note du Secrétaire général des Nations Unies à propos du débat sur les Mesures économiques utilisées pour exercer une pression politique et économique sur les pays en développement ; Note du secrétariat du 25 octobre 1993, doc. A/48/345.
[62] L’exemple de l’ancien président égyptien Moubarak peut être avancé. Ses fonds ont été gelés par la Décision 2011/172/PESC du Conseil de l’Union européenne du 21 mars 2011.
[63] Voir plus particulièrement sur ces lois, Cosnard M., « Les Lois Helms-Burton et d’Amato-Kennedy, interdiction de commercer avec et d’investir dans certains pays », AFDI, Vol. 42, 1996. pp. 33-61 ; Gherari H. et Szurek S. (Dir.), «Sanctions unilatérales, mondialisation du commerce et ordre juridique international. A propos des lois Helms-Burton et D’Amato-Kennedy », Montchretien, Paris, 1998.
[64] Lignes directrices concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives (sanctions) dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE, adoptées par le Conseil de l’UE le 2 décembre 2005, 6749/05 PESC 159 FIN 80, p. 16
[65] L’Union européenne et les États-Unis, entre autres, ont eu recours à ce type de sanction, par exemple à l’encontre des membres du régime birman, ou encore du régime syrien, y compris de leurs chefs.
[66] Mandat d’arrêt du Il avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt du 14 février 2002, CIJ, Recueil 2002, p.3.
[67] Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), arrêt du 4 juin 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 177.
[68]Aux Etats Unis, l’équivalent du Décret présidentiel. Il s’agit des Executive Order 13574, 23 mai 2011, 76 FR 30505 ; Executive Order 13590, 20 novembre 2011, 76 FR 72609 ; Executive Order 13622, 30 juillet 2012, 77 FR 45897 ; Executive Order 13628, 9 octobre 2012, 77 FR 62139 ; Executive Order 13645, 3 juin 2013, 78 FR 33945.
[69] Harrell P.E et Rosenberg E., « Economic Dominance, Financial Technology, and the Future of US Economic Coercion », Repport, Center of a New American Security, avril 2019, disponible sur https://s3.amazonaws.com/files.cnas.org/documents/CNAS-Report-Economic_Dominance-final.pdf?mtime=20190423154936, consulté le 20 avril 2020, 16 :25.
[70] Ainsi par exemple, en 1996, les Etats-Unis ont modifié leur loi sur l’immunité des Etats étrangers afin de priver les Etats ainsi désignés d’immunités devant les juridictions américaines. En outre, en 2002, les Etats-Unis ont adopté la loi sur l’assurance contre les risques associés au terrorisme qui a établi certaines mesures d’exécution des décisions de justice rendues à la suite de la modification de la loi de 1996. En 2012, un décret présidentiel a décidé du blocage des actifs de l’Etat iranien, y compris ceux de sa banque centrale et des institutions financières appartenant à l’Iran ou contrôlée par celui-ci, dès lors que ces actifs se trouvaient sur le territoire américain ou étaient contrôlés par un américain. La même année, les Etats-Unis ont adopté une loi sur la réduction de la menace iranienne et les droits de l’homme en Syrie dont un article assujettit les actifs de la banque centrale à des mesures d’exécution.
[71] Matelly S., Gomez C., Carcanague S., « Performance des sanctions internationales », p.157 et s., IRIS, mars 2017, disponible sur www.iris-france.org/wp-content/uploads/2017/06/persan_-_typologie_-_etudes_de_cas_juin_2017_0.pdf, consulté le 12 mai 2019, 13 :32.
[72] Presidential Documents, « Executive Order 13645 of June 3, 2013 », Federal Register, Vol. 78, N° 108, 5 juin 2013, disponible sur https://www.treasury.gov/resource-center/sanctions/Programs/Documents/13645.pdf, consulté le 23 avril 2019, 12 :43.
[73] Ces sanctions sont énoncées dans le § 21 du Plan.
[74] Décret n° 13716 du 16 janvier 2016 (Executive Order 13716, 16 janvier 2016, 81 FR 3693).
[75] « La BNP Paribas formellement condamnée à une amende record aux États-Unis », in Le Monde, 1er mai 2015.
[76] National Security Presidential Memorandum, disponible sur https://www.whitehouse.gov/presidential-actions/ceasing-u-s-participation-jcpoa-taking-additional-action-counter-irans-malign-influence-deny-iran-paths-nuclear-weapon/, consulté le 13 mai 2019, 12 :30.
[77] « personne américaine » désigne toute personne ayant la citoyenneté américaine, toute entité de droit américain y compris les succursales étrangères de sociétés américaines, ainsi que les résidents permanents sur le sol américain, détenteurs de la Green Card.
[78] Bonnecarrère Ph., « Rapport d’informations sur l’extraterritorialité des sanctions américaines », Sénat français, 4 octobre 2018, p.10.
[79] SWIFT est une entreprise de droit belge. Elle assure depuis 1973 le fonctionnement d’un réseau international de communication électronique entre acteurs des marchés, qui garantit la rapidité, la sécurité, la confidentialité et l’inviolabilité des échanges relatifs aux opérations financières (ordres d’achat et de vente, confirmations d’exécutions de transactions, instructions de règlement-livraison, ordres de paiement…). Il est devenu un élément clé des échanges internationaux. La plupart des banques et nombre d’acteurs non bancaires en sont adhérents et ce réseau et ces messages sont des standards.
[80] Autrement dit, qu’une banque iranienne puisse rester connectée au système afin de poursuivre l’exportation de biens non frappés par des sanctions comme les produits pharmaceutiques, agricoles ou agroalimentaires, ce qui permettrait à SWIFT de bénéficier d’une garantie d’immunité pour ces opérations.
[81] Violations alléguées du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du 3 octobre 2018, C.I.J. Recueil 2018, §.102, p. 652.
[82] https://www.swift.com/fr/about-us/discover-swift, consulté le 21 avril 2020, 18 :17.
[83] « Le réseau SWIFT suspend des banques iraniennes après le retour des sanctions américaines », disponible sur https://www.letemps.ch/monde/reseau-swift-suspend-banques-iraniennes-apres-retour-sanctions-americaines, consulté le 20 avril 2020, 16 :58.
[84] A/HRC/39/54, Op.cit, §31.
[85] Idem.
[86] Ibid.
[87] Département d’État des États-Unis, Secrétaire d’État Michael R. Pompeo, 5 novembre 2018, « Iran : Déclarations du secrétaire d’État Pompeo et du secrétaire au Trésor Mnuchin lors d’un point de presse », disponible sur https://fr.usembassy.gov/fr/iran-declarations-du-secretaire-detat-pompeo-et-du-secretaire-au-tresor-mnuchin-lors-dun-point-de-presse/, consulté le 20 avril 2020, 20 :12.
[88] Leblanc-Wohrer M., « Le droit, arme économique et géopolitique des États-Unis », in Politique étrangère, vol. 84, n° 4, hiver 2019, p.46.
[89] Ibid, p.47
[90] Les échanges financiers ne se produisent qu’entre l’importateur et l’exportateur européens, et entre l’importateur et l’exportateur iraniens : aucun flux financier ne se produit directement entre l’Iran et un autre pays. INSTEX fonctionne ainsi comme une sorte de chambre de compensation.
[91] Prenant acte de cette technique de contournement des sanctions, les Etats-Unis ont décidé le 1er août 2019 d’octroyer des exemptions de sanctions à l’Union européenne, la Chine et la Russie en matière d’échanges avec l’Iran sur le volet du nucléaire civil. Ces parties, dans le cadre de l’Accord de Vienne, étaient engagées depuis 2016 en Iran dans la transformation en infrastructures civiles d’un réacteur d’eau lourde à Arak, d’un centre d’enrichissement à Fordow et d’un réacteur à la centrale de Bushehr ; sans ces exemptions, octroyées pour une durée de 90 jours, les Etats-Unis auraient dû leur appliquer des sanctions.
[92] Voir Commission européenne, Exposé des motifs de la proposition de règlement délégué de la Commission du 6 juin 2018, modifiant l’annexe du règlement (CE) n° 2271/96 du Conseil du 22 novembre 1996 portant protection contre les effets de l’application extraterritoriale d’une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant, §. 1.
[93] Voir https://www.lesechos.fr/2017/07/total-signe-son-grand-retour-en-iran-avec-un-contrat-gazier-geant-151325, consulté le 20 avril 2020, 14 :59.
[94] Voir https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/iran-premier-couperet-sur-lautomobile-et-laeronautique-136186, consulté le 20 avril 2020, 15 :04.
[95] A/HRC/39/54, Op.cit.
[96] Le texte complet de l’ordonnance est disponible sur https://www.icj-cij.org/files/case-related/175/175-20181003-ORD-01-00-FR.pdf, consulté le 10 mai 2019, 21 :23.
[97] Voir Fathally J, « L’ordonnance de la CIJ, «l’inamicalité» Américano-Iranienne et le droit international », disponible sur https://www.cepi-cips.ca/2018/10/11/lordonnance-de-la-cij-linamicalite-americano-iranienne-et-le-droit-international/, consulté le 12 mai 2019, 21 :44.
[98] Violations alléguées du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), CIJ, Ordonnance du 3 octobre 2018, Op.cit, §102.
[99] Köchler H, Op.cit.
[100] Voir A/HRC/36/44, Op.cit., p. 21.