Disparités spatiales de la morbidité liée aux maladies infectieuses à Sfax (Centre-Est de la Tunisie): Quelle implication d’une offre de soins inégale ?
التباينات المجالية للأمراض المعدية بصفاقس (الوسط الشرقي التونسي) : أيّ تدخّل لعرض رعاية صحية غير متساو؟
Dr. Mounir Jarraya /Université de Sfax, Tunisie
د. منير الجراية/جامعة صفاقس، تونس
مقال منشور في مجلة جيل العلوم الانسانية والاجتماعية العدد 89 الصفحة 113.
ملخص :
إنّ دراسة الأمراض المعدية والممثّلة في إطار مقاربتنا هذه بعدد العيادات الطبّية المسجلة في مراكز الصحة الأساسية تبيّن أنّ التباينات المجالية تتّضح خاصة بين صفاقس الكبرى والمعتمديات المحيطة، على الرغم من المستوى المرضي للتغطية بمراكز الصحة الأساسية في المعتمديات المحيطة، إلاّ أن عرض الرعاية الصحّية يبقى غير كاف لتأمين مستوى جيّد لبلوغ الخدمات العلاجية الأساسية للسكّان. يمثّل المستوى الضعيف للنشاط ونقص الإطار الطبّي في هذه الهياكل الصحّية الأساسية عوامل مفسّرة لعدم التوازن في مستوى الحصول على الرعاية الصحّية وبالتالي التأطير الصحّي بين معتمديات ولاية صفاقس.
الكلمات المفتاحية : الأمراض المعدية، مراكز الصحة الأساسية، التباينات المجالية، عرض الرعاية الصحّية، مستوى النشاط، معتمديات صفاقس.
Résumé :
L’étude de la morbidité des maladies infectieuses, exprimée dans la présente recherche par les consultations médicales enregistrées dans les Centres de Santé de Base (CSB) montrent que des disparités spatiales se dessinent en particulier entre le Grand Sfax et les délégations limitrophes. Bien qu’une couverture assez satisfaisante des délégations limitrophes en CSB ait été soulignée, l’offre de soins demeure insuffisante pour garantir un bon accès au service de soins élémentaires par la population. Un faible niveau d’activité et l’insuffisance en corps médical dans ces structures sanitaires primaires justifient le déséquilibre au niveau de l’accès aux soins et donc de l’encadrement sanitaire entre les délégations du gouvernorat de Sfax.
Mots-clés : Morbidité des maladies infectieuses, CSB, disparités spatiales, offre de soins, niveau d’activité, délégations de Sfax.
Introduction
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) considère la santé comme étant un droit fondamental pour tout individu : « la possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale »[1]. L’état de santé d’une population donnée est soumis aux effets divers. Il est lié le plus souvent à l’accès aux services de Santé[2]. Selon Picheral H., l’accès aux soins est « la capacité matérielle d’accéder aux ressources sanitaires et aux services de santé »[3]. Cela permet de souligner le caractère particulier des services de santé qui sont censés transformer (mais aussi prévenir) un état de santé morbide ou mortel[4]. Cependant, dans un espace plus ou moins étendu, la situation sanitaire diffère d’un secteur à un autre, compte tenu de la diversité des caractéristiques naturelles et du contexte socio-économique spécifiques à chacune des entités spatiales. Cependant, l’offre de soins constitue un facteur capital, qui détermine les disparités spatiales de l’état de santé d’une population donnée au niveau d’une seule maladie ou d’un ensemble pathologique. Même si les déterminants sociaux sont des facteurs qui influencent de l’état de santé des individus[5], nous nous intéressons dans cette recherche au rôle de l’offre de soins, qui explique les inégalités en santé. Certains spécialistes considèrent que la désarticulation des composantes du système de Santé Publique (les trois niveaux primaire, secondaire et hospitalo-universitaire) contribue à l’inégalité sociale face au risque de la maladie[6].
L’équipement matériel, les structures de soins et l’importance de l’effectif du personnel de santé… déterminent l’offre de soins à une population dans un espace géographique donné. L’étude de la relation entre d’une part, l’état de santé et d’autre part, l’offre de soins devient cruciale lorsqu’il s’agit des maladies infectieuses enregistrées par des structures de soins de base ou primaires.
Les maladies infectieuses représentent jusqu’aujourd’hui un grand danger pour l’humanité vu leurs parts élevées dans la morbidité et la mortalité[7]. La diversité des agents pathogènes qui les provoquent (virus, bactéries, champignons…) rend leur surveillance une tâche obligatoire et fortement indispensable dans tous les pays, afin de contrôler la situation épidémiologique qui varie en permanence dans le temps et dans l’espace[8] [9]. L’intérêt de la surveillance des maladies et donc de l’état de santé de la population est multiple, depuis l’identification des tendances évolutives et des disparités géographiques. Lorsqu’elles sont issues du recueil des données fiables, ces informations peuvent orienter les choix de la planification sanitaire et faciliter l’évaluation des politiques de santé menées[10]. En Tunisie, la surveillance des maladies infectieuses fait partie des tâches de diverses structures qui s’occupent de la Santé Publique (Institut de la Santé Publique, Institut Pasteur, Observatoire national des maladies émergentes et ré-émergentes, la Direction de Soins et Santé de Base « DSSB »…). À ce propos, nous soulignons le rôle capital joué par le secteur de la Santé de Base dans le contrôle de la fréquence de diverses maladies infectieuses, à travers la collecte des informations épidémiologiques via les consultations médicales enregistrées par leurs Centres de Santé de Base (CSB) éparpillés partout dans l’ensemble du territoire national[11]. Ces CSB, qui sont appelés aussi dispensaires, occupent une importance stratégique car ils constituent la première ligne de recours dans le système de soins public. Ils interceptent les patients pour les soigner avant de les transférer aux structures de deuxième ligne (Hôpitaux Régionaux ou Centres Intermédiaires qui offrent les consultations spécialisées), voire vers les Centres Hospitalo-Universitaires (CHU) de Sfax en cas de nécessité des examens et des soins plus poussés. Sur le plan fonctionnel, le CSB se compose d’un médecin généraliste et d’au moins deux infirmiers pour assurer le service de la consultation médicale selon des rythmes différents[12]. Dans les zones urbaines et rurales, les CSB sont présents pour offrir les soins ambulatoires, c’est-à-dire élémentaires et basiques, à toutes les catégories d’âges.
À Sfax et compte tenu de la taille démographique du gouvernorat et de sa place en tant que métropole régionale, le secteur de la Santé de Base se présente dans l’arrière-pays comme dans l’agglomération, afin d’offrir suffisamment de soins primaires à la population. La spatialisation de la morbidité des maladies infectieuses enregistrée par le secteur de la Santé de Base laisse apparaître des disparités spatiales entre deux groupes de délégations : d’une part, le Grand Sfax qui est l’espace le plus peuplé et le plus urbanisé et d’autre part, les délégations limitrophes ou périphériques qui constituent l’arrière-pays rural du gouvernorat (figure 1). Nous cherchons dans le présent travail à analyser les aspects de cette répartition spatiale contrastée des consultations pour maladies infectieuses (qui représente la morbidité) et à les justifier en interrogeant des éléments liés au fonctionnement du secteur de la Santé de Base qui détermine l’offre de soins publique déséquilibrée entre les délégations du gouvernorat de Sfax.
- Données et Méthodes
Notre étude des disparités spatiales de la morbidité des maladies infectieuses à Sfax repose sur plusieurs données provenant de sources diverses. D’abord, les données épidémiologiques qui représentent le nombre des consultations totales (toutes causes confondues) et pour maladies infectieuses enregistrées par le secteur de la Santé de Base sur la période 2009-2016 dans les différentes délégations du gouvernorat de Sfax (figure 1), sachant que les Centres de Santé de Base (CSB) constituent les lieus des consultations médicales et donc de la collecte de l’information sanitaire. Ensuite, nous avons recours à d’autres données sanitaires comme le nombre des CSB, des médecins, des infirmiers, des jours et du rythme de consultations, que nous avons obtenues du Ministère de la Santé Publique (MSP), afin d’analyser les déterminants fonctionnels des disparités spatiales de la morbidité des maladies infectieuses. Enfin, des données démographiques concernant la taille de la population et sa densité par délégation ont été fournies de l’Institut National de la Statistique (INS).
Figure 1 : Localisation géographique de la zone d’étude
Source : Conception personnelle.
L’approche méthodologique s’appuie tout d’abord sur la définition de la morbidité. Généralement cette morbidité est attribuée à un niveau de soins (consultations, hospitalisations, chirurgies), afin de mesurer l’état de santé d’une population à un moment et dans un espace donnés[13]. La spécificité des CSB est que ces structures de soins primaires n’offrent que le service de la consultation médicale. C’est pour cela que nous considérons la consultation offerte quotidiennement dans les CSB comme l’expression ultime de la morbidité pour maladies infectieuses. Ensuite, nous allons procéder au calcul des indicateurs, comme l’emprise spatiale / CSB, la moyenne de consultations / CSB, l’effectif moyen des jours de consultations / CSB… Enfin, nous allons cartographié les différentes variables quantitatives (effectif de consultations, nombre de CSB, nombre de médecins…) ainsi que les indicateurs présentés ci-dessus, afin d’analyser les différents aspects d’accès aux soins à travers la variation spatiale de la morbidité pour maladies infectieuses entre les délégations de Sfax et de déceler les déterminants influençant une telle répartition qui reflète finalement une offre de soins contrastée, en particulier entre le Grand Sfax et les délégations limitrophes.
- Résultats
2.1. Les maladies infectieuses dans le contexte de la Santé de Base à Sfax
Le secteur de la Santé de base occupe une importance majeure dans l’interception des flux des patients. Les CSB constituent des endroits où s’effectue la collecte des données épidémiologiques sur la morbidité des maladies exprimée par le nombre des consultations médicales enregistré.
2.1.1. Pourquoi les maladies infectieuses ?
En dépit de leur régression au profit d’autres pathologies (chroniques et dégénératives) dans le contexte tunisien, les maladies infectieuses demeurent un danger sérieux pour la santé publique[14]. À cause de la morbidité qu’elles génèrent et de la mortalité qu’elles provoquent, ces maladies restent toujours un centre d’intérêt dans le domaine médical[15]. L’organisation Mondiale de la Santé (OMS) a publié un rapport sur la mortalité, dans le monde en 2013, qui précise les dix premières maladies responsables du décès. Parmi ces maladies, quatre sont de type infectieux comme les infections des voies respiratoires inférieures, les broncho-pneumopathies chroniques obstructives, la diarrhée et le VIH/Sida[16]. En raison de leur contagiosité, de leur propagation plus ou moins rapide au sein d’une population donnée et dans un espace géographique plus ou moins étendu, leur surveillance continue et la diversification des efforts de lutte contre leur expansion constituent le plus souvent l’objet de la planification sanitaire[17]. Cela justifie la mise en œuvre de plusieurs programmes nationaux de lutte contre les maladies infectieuses telles que la tuberculose, les leishmanioses, la rougeole, la grippe, l’hépatite…[18]. Sur le plan quantitatif, ces maladies occupent une part prépondérante dans le tableau clinique des structures de soins tous types confondus. La spécificité que représente le secteur de la Santé de Base réside dans le fait que ses centres / dispensaires constituent la première ligne de recours pour la population dans les différentes délégations du gouvernorat. Ces centres primaires de soins représentent la première interface entre les habitants et le système de soins public[19]. En offrant les soins ambulatoires, en particulier la consultation médicale effectuée par un médecin généraliste pour diverses maladies dans les dispensaires, le secteur de la Santé de Base joue un rôle primordial dans le contrôle et la surveillance permanente de la situation épidémiologique sur l’ensemble du territoire national. Cependant, l’observation des données épidémiologiques enregistrées dans le secteur de la Santé de Base permettent de souligner une part importante des maladies infectieuses dans l’effectif de la consultation totale.
2.1.2. Quelle place occupent-elles dans le paysage épidémiologique à Sfax ?
En nous basant sur la consultation médicale enregistrée dans les CSB, l’enregistrement des données épidémiologiques s’effectue selon deux catégories : les maladies infectieuses et les maladies non infectieuses. L’ensemble pathologique infectieux se compose d’une panoplie de maladies qui touchent différemment l’organisme humain comme l’angine, le syndrome grippal, la rhinopharyngite, la broncho-pneumopathie, la mycose, la conjonctivite, la diarrhée… Ces maladies sont d’origines diverses et se propagent différemment dans le temps et l’espace au sein de la population. Les maladies infectieuses prédominent le paysage épidémiologique dans le secteur de la Santé de Base, dans la mesure où elles enregistrent une moyenne de 244084 consultations, ce qui représente 74,4% de l’effectif total des consultations à l’échelle du gouvernorat de Sfax sur la période 2009-2016.
La prépondérance des maladies infectieuses dans le secteur de la Santé de Base justifie l’intérêt que représentent les approches qui étudient les déterminants régissant leur variation spatiale. À l’instar de notre approche qui porte sur la géographie de la morbidité des maladies infectieuses à Sfax, nous analysons certains aspects liés non seulement à l’équipement en structures sanitaires mais aussi au niveau d’activités de soins, pour expliquer les disparités spatiales observées. Certes, nous sommes conscients qu’une telle situation épidémiologique observée dans un espace donné est influencée aussi bien par l’offre de soins que par les facteurs du contexte socio-économique[20]. Toutefois, seuls les déterminants fonctionnels seront analysés dans notre travail afin de bien comprendre l’effet de l’accès aux soins comme déterminant essentiel des disparités de morbidité des maladies infectieuses.
2.2. La variation spatio-temporelle de la morbidité des maladies infectieuses
La morbidité des maladies infectieuses se caractérise par une irrégularité inter-mensuelle et des disparités spatiales à l’échelle des délégations du gouvernorat de Sfax.
2.2.1. Une variation temporelle influencée par la saisonnalité de certaines maladies
L’analyse de la fréquence de la morbidité des maladies infectieuses laisse apparaître deux pics au niveau de la courbe des consultations mensuelles. Le premier pic de consultations survient en février (31791 cas), c’est-à-dire en fin de la saison hivernale. Nous notons que la morbidité des maladies infectieuse connaît une recrudescence régulière du décembre en février (figure 2). Cet accroissement est de l’ordre de 42,8%, durant cette période.
Figure 2 : La variation mensuelle des consultations pour maladies infectieuses à Sfax
Source : Données du Ministère de la Santé Publique 2009-2016.
L’amplification hivernale de la morbidité est expliquée par la fréquence des épidémies responsables de la grippe et de la rhinopharyngite qui se propage en mode viral[21] [22]. La transmission inter-humaine favorise la contamination à grande échelle et donc le rehaussement des consultations pour maladies infectieuses vers la fin de la saison hivernale à Sfax. Le deuxième pic est observé en octobre-novembre (26599 cas en octobre) et résulte d’une augmentation régulière amorcée en août (14672 cas) pour connaître son maximum en octobre (26599 cas) (figure 2). Cette recrudescence estivo-automnale est liée à la fréquence des maladies influencées par la chaleur et l’humidité prédominantes en fin d’été et en automne, comme la diarrhée, les infections cutanées et respiratoires…[23] [24]. Ces maladies sont contagieuses et se transmettent rapidement au niveau de la population, ce qui explique les forts niveaux de morbidité enregistrés durant cette période de l’année.
La saisonnalité de certaines maladies, qui se traduit par une recrudescence spectaculaire de leur morbidité mensuelle, constitue un élément capital pour comprendre la variation temporelle des pathologies infectieuses. Entre des maladies, dont l’effectif de consultations varie selon les saisons, et d’autres qui se caractérisent par une morbidité quasi-stable durant toute l’année, la typologie de la maladie et la diversité de l’agent responsable de l’infection d’une maladie à l’autre peuvent avancer quelques éléments de réponse à une telle répartition temporelle de l’effectif de consultations pour maladies infectieuses.
Les maladies infectieuses d’origine virale comme la grippe et la rhinopharyngite en hiver ou la diarrhée en été et surtout en automne[25] ou celles qui sont dues aux champignons comme les mycoses cutanées sont responsables de la recrudescence de la morbidité[26]. Elles se caractérisent par un potentiel gigantesque de propagation au sein de la population et la transmission inter-humaine joue ici un rôle de locomotive supplémentaire. Les conditions environnementales et en particulier climatiques (température et humidité) régissent aussi l’activité virale et donc la forte fréquence de la morbidité des maladies[27]. Par contre, les maladies infectieuses d’origine bactérienne comme les angines, les otites se caractérisent par une fréquence assez stable durant toute l’année[28] et ne contribuent que faiblement à ces pics observés au niveau des consultations mensuelles.
À l’instar de cette variation temporelle, d’autres aspects d’une variation spatiale se présentent lors de la spatialisation de la morbidité des maladies infectieuses selon les délégations du gouvernorat de Sfax.
2.2.2. Des disparités flagrantes entre le Grand Sfax et les délégations limitrophes
La carte de la variation spatiale des consultations pour maladies infectieuses montre que les délégations du Grand Sfax enregistrent des niveaux élevés de morbidité en comparaison avec le reste du gouvernorat (les délégations périphériques ou « limitrophes ») (figure 3). Le calcul des consultations moyennes entre les deux groupes de délégations illustre cette augmentation dans le Grand Sfax (17005 cas) par rapport aux délégations limitrophes (14205 cas), sur la période 2009-2016. Au niveau du Grand Sfax, la morbidité des maladies infectieuses varie de 25648 cas à Sakiet-Eddaier à 11648 cas à Thyna. Au niveau des délégations limitrophes, les extrêmes de la morbidité ont été observés à Agareb (22022 cas) et à Graïba (6243 cas) (figure 3).
Figure 3 : La variation spatiale de la morbidité des maladies infectieuses dans les délégations de Sfax
Source : Données du Ministère de la Santé Publique, 2009-2016. Cartographie : Elaboration personnelle.
Les disparités spatiales observées entre le Grand Sfax et les délégations limitrophes sont expliquées par la différence de la taille démographique dans les deux espaces. En effet, le Grand Sfax abrite 594725 habitants selon le recensement de 2014, soit 62,2% de la population totale du gouvernorat contre 360696 habitants vivant dans les délégations limitrophes (37,8% de la taille démographique total du gouvernorat)[29]. Nous déduisons que cette démographie contrastée entre les deux groupes de délégations se reflète au niveau sanitaire par les disparités de consultations soulignées ci-dessus. Nous ne voulons plus détailler les causes d’une telle répartition spatiale de la population dans l’espace du gouvernorat, mais il est utile de préciser que le Grand Sfax représente l’espace central du gouvernorat où se développe un tissu urbain dense de l’agglomération de Sfax abritant les différentes activités économiques[30] [31]. La concentration de l’industrie et des services diversifiés aussi bien dans le centre-ville de Sfax que dans ses banlieues (Sakiet-Ezzit, Sakiet-Eddaier…), depuis l’indépendance, a incité les individus à s’installer dans l’agglomération pour trouver un emploi, bénéficier des différents services (enseignement, santé, transport…) et améliorer leur niveau et leur cadre de vie[32] [33].
Par ailleurs, le facteur démographique ne suffit pas pour expliquer ces disparités spatiales de morbidité des maladies infectieuses. L’équipement en CSB, en tant qu’élément majeur, peut avancer des éléments d’explication.
2.2.3. Le niveau d’équipement sanitaire est-il suffisant pour les expliquer ?
De point de vue équipement en structures de soins primaires, nous attribuons théoriquement l’effectif le plus élevé de consultations pour maladies infectieuses dans l’une des délégations du gouvernorat de Sfax au nombre le plus élevé de CSB. Cependant, la situation épidémiologique montre que cette logique n’est plus valable. Tout d’abord, l’observation de la répartition spatiale des CSB par délégation en 2015 montre une concentration plus élevée des CSB dans les délégations limitrophes (figure 4). Cela se manifeste dans le grand écart entre le Grand Sfax et les délégations limitrophes au niveau du nombre moyen des CSB qui est respectivement de 4,5 CSB et 12 CSB.
Dans le même espace, l’effectif des CSB varie considérablement : de 2 CSB à Sfax-Ouest à 8 CSB à Sfax-Sud dans le Grand Sfax et de 7 CSB à Graïba à 17 CSB à Manzel Chaker dans les délégations limitrophes (figure 4). Nous comprenons que cet équipement important en CSB que nous avons qualifié avant par « une ceinture de Santé de Base dans les délégations limitrophes »[34] répond à l’objectif d’offrir les services de soins élémentaires à une population à prédominance rurale et donc fortement dispersée dans l’espace.
Figure 4 : La variation spatiale de l’effectif des CSB dans les délégations de Sfax en 2015
Source : Données du Ministère de la Santé Publique, 2015. Cartographie : Elaboration personnelle.
L’explication de la variation spatiale de la morbidité des maladies infectieuses à Sfax par le nombre différent des CSB d’une délégation à l’autre est assez compliquée. La contradiction observée entre un niveau bas de morbidité des maladies infectieuses et un équipement élevé en CSB dans les délégations limitrophes l’illustre bien. Par exemple, Bir Ali qui dispose de 16 CSB enregistre une morbidité de 9348 cas, alors qu’à El-Amra où s’installent 9 CSB, la morbidité enregistrée des maladies infectieuses est de l’ordre de 17206 cas (figure 3). La comparaison avec le Grand Sfax devient encore plus difficile car par exemple, Sfax-Ouest qui dispose de 2 CSB seulement enregistre 16372 cas, un tel niveau de consultations est plus élevé que dans la plupart des délégations limitrophes.
Si l’équipement en CSB signifie un maintien de l’offre de soins dans une délégation donnée, c’est-à-dire un accès plus facile pour les habitants au service de soins élémentaires qui est la consultation médicale, cela se répercute sur l’enregistrement d’une morbidité élevée. Cependant, un nombre élevé de CSB correspond à un niveau de morbidité et d’activité de soins bas et vice versa. Cela montre que ce facteur ne constitue pas le seul déterminant de la variation spatiale de la morbidité des maladies infectieuses à Sfax.
L’indicateur de l’emprise moyenne d’un CSB par délégation peut relativement expliquer ces disparités de morbidité. En effet, les délégations limitrophes sont plus spacieuses par rapport aux délégations du Grand Sfax. De ce fait, l’aire de polarisation ou l’emprise spatiale d’un CSB est plus grande dans les délégations limitrophes et cela explique les niveaux bas de morbidité des maladies infectieuses. Par exemple, cette emprise moyenne d’un CSB varie de 18,7 km² dans le Grand Sfax à 52 km² dans les délégations limitrophes. Nous ajoutons à cela des densités de population faibles dans ces délégations pour justifier des consultations moins élevées. Nous notons par exemple que l’emprise spatiale moyenne d’un CSB est de 95,3 km² (figure 5) associée à une densité faible (23 habitants/km²) (figure 6) dans la délégation de Manzel Chaker qui enregistre 13983 cas.
Figure 5 : Emprise spatiale moyenne d’un CSB par délégation à Sfax
Source : Données du Ministère de la Santé Publique, 2015. Cartographie : Elaboration personnelle.
Cela signifie que l’espace polarisé par un CSB est vaste et moins peuplé dans cette délégation et cela peut expliquer un niveau de morbidité assez bas. À l’inverse, l’emprise spatiale moyenne d’un CSB étant de 8 km² (figure 5) est associée à une densité très élevée (6883 habitants/km²) (figure 6) à Sfax-Ouest, qui enregistre 16372 cas.
Si le facteur du nombre des CSB s’avère insuffisant pour fournir des explications de la variation spatiale de la morbidité, leurs caractéristiques fonctionnelles peuvent avancer des éléments de justification.
Figure 6 : La densité de la population dans les délégations de Sfax en 2014
Source : Données du l’Institut National de la Statistique, 2015. Cartographie : Elaboration personnelle.
2.3. Niveau d’activités de soins en question
À travers une série d’indicateurs d’activités de soins, nous examinons une éventuelle responsabilité du fonctionnement des CSB aussi bien dans les délégations limitrophes que dans le Grand Sfax dans l’explication des disparités spatiales de la morbidité des maladies infectieuses.
2.3.1. Des indicateurs d’activité parlants
La prise en considération du seul effectif de consultations dans l’analyse des disparités spatiales de la morbidité des maladies infectieuses montre que la demande en soins dans les délégations limitrophes est assez faible, compte tenu du nombre important des CSB. Cependant, plusieurs indicateurs d’activités de soins reflètent que ces niveaux de morbidité enregistrés sont fortement liés à une offre de soins insatisfaisante.
Les consultations moyennes / CSB montrent que les dispensaires du Grand Sfax enregistrent des niveaux d’activité élevés avec des moyennes de 8186 consultations / CSB à Sfax-Ouest et de 3642 consultations / CSB à Sakiet-Ezzit (figure 7). Cet indicateur baisse dans les délégations limitrophes, qui se caractérisent par des effectifs de consultations moins élevés et un nombre de CSB plus important que dans le Grand Sfax. Les moyennes de consultations / CSB peuvent atteindre 823 consultations à Manzel Chaker et 584 consultations à Graïba (figure 6). Cette différence flagrante entre les deux espaces au niveau de ce premier indicateur indique à priori que c’est le niveau d’activité dans les CSB qui est en question.
Figure 7 : Les disparités spatiales au niveau des consultations moyennes / CSB à Sfax
Source : Données du Ministère de la Santé Publique, 2009-2016. Cartographie : Elaboration personnelle.
L’inculpation de l’activité dans les CSB se confirme également avec l’indicateur du nombre moyen de jours de consultations / CSB où les délégations du Grand Sfax prédominent (varie de 370 jours de consultations / CSB à Sfax-Médina à 240 jours de consultations / CSB à Sfax-Sud) (figure 8). Cet indicateur chute dans les délégations limitrophes où Manzel Chaker enregistre le niveau le plus bas (74 jours de consultations / CSB) (figure 8).
Figure 8 : La variation spatiale du nombre moyen de consultations / CSB à Sfax
Source : Données du Ministère de la Santé Publique, 2009-2016. Cartographie : Elaboration personnelle.
Nous mettons l’accent sur le facteur principal régissant les disparités spatiales de la morbidité des maladies infectieuses, à savoir le rythme de consultations. Cet indicateur peut être défini comme le nombre de jours par semaine (la semaine ici est 6 jours car les CSB sont fermés le dimanche), où le médecin est présent dans le CSB pour offrir le service de la consultation médicale aux patients. Cet indicateur influence considérablement ceux présentés ci-dessus. En effet, des CSB fonctionnant à des rythmes de consultations variables enregistrent des niveaux contrastés de morbidité. Cela veut dire que c’est plus tôt le rythme de consultations des CSB et non leur effectif qui régit la morbidité enregistrée. Une majorité des CSB (quel que soit leur nombre) ayant un rythme de consultations faible (de 1 à 2 jour(s) / 6 jours) dans une délégation donnée, s’associe à un niveau de morbidité faible. Dans les délégations limitrophes et à l’exception des CSB qui se situent dans le centre administratif de la délégation (la commune) et assurent la consultation médicale aux patients durant toute la semaine (6 jours / 6), le reste des dispensaires fonctionnent majoritairement selon un rythme de consultations faible (de 1 à 2 jour(s) / 6 jours) (figure 9).
Figure 9 : Les rythmes des consultations (≥5 j et ≤ 2j) par délégation à Sfax
Source : Données du Ministère de la Santé Publique, 2009-2016. Cartographie : Elaboration personnelle.
En nous basant sur les rythmes de consultations les plus faibles (1 et 2 jour(s) / 6 jours) et les plus élevés (5 et 6 jour(s) / 6 jours), nous avons pu déterminer sur la figure 9 les rythmes les plus dominants dans chaque groupe de délégations. Si les délégations du Grand Sfax se caractérisent par la prédominance des CSB fonctionnant à des rythmes élevés (leurs parts varient de 100% à Sfax-Médina, Thyna, Sakiet-Ezzit et Sfax-Ouest à 75% à Sfax-Sud qui est caractérisée par son arrière-pays rural important), les délégations limitrophes sont marquées par l’importance des rythmes faibles, variant de 94,1% à Manzel Chaker à 43,8% à Hencha (figure 9).
De tels rythmes faibles devront influencer forcément l’accès aux soins et donc l’effectif de consultations et le nombre de jours de consultations. Nous pouvons donc attribuer les niveaux moins élevés de consultations pour maladies infectieuses à cette prédominance des CSB fonctionnant à des rythmes de consultations faibles. À l’inverse, les effectifs de consultations élevés enregistrés dans les délégations du Grand Sfax sont dus aux rythmes de consultations élevés dans leurs CSB qui abritent parfois deux ou trois médecins par CSB comme dans les cas des délégations de Sfax-Médina et Sfax-Ouest.
Ces indicateurs d’activité montrent une offre de soins déséquilibrée entre le Grand Sfax et les délégations limitrophes. Malgré la concentration de 62,3% de la population dans le Grand Sfax, qui abrite la part la plus élevée des urbains (86,7%), nous remarquons que le niveau d’activités de soins dans les CSB est insuffisant pour offrir les services de soins indispensables pour la population des délégations limitrophes. C’est pourquoi, nous traiterons d’un autre aspect de ce déséquilibre qui concerne les personnels de santé.
2.3.2. Insuffisance en personnels de santé
L’étude des disparités spatiales de la morbidité des maladies infectieuses traduisant un déséquilibre de l’activité de soins nous permet d’évoquer bien évidemment la répartition spatiale du corps de soins. Nous désignons ici par corps de soins les médecins et les infirmiers, car le fonctionnement d’un CSB dépend obligatoirement de ces deux types de personnels de santé.
L’analyse de la figure 10 laisse apparaître une forte concentration des médecins dans les 6 délégations du Grand Sfax. En effet, 83 médecins pratiquent dans les CSB du Grand Sfax, ce qui représente 51% de l’effectif total des médecins dans le gouvernorat de Sfax. Cet effectif de médecins varie de 21 à Sfax-Médina à 8 à Thyna (figure 10).
À l’inverse, 80 médecins se répartissent différemment dans les 10 délégations limitrophes, dans la mesure où cet effectif varie de 4 à Graïba à 12 à Jebeniana (figure 10). Ces disparités spatiales observées aussi bien au niveau des délégations qu’au niveau des deux espaces traduisent une répartition déséquilibrée en faveur des délégations du Grand Sfax, car 2 ou 3 médecins peuvent pratiquer dans un seul CSB alors que dans les délégations limitrophes, la plupart des CSB ne disposent pas d’un médecin. Le calcul de l’effectif moyen des médecins par CSB illustre bien ce déséquilibre qui traduit une insuffisance flagrante en corps médical. Si cet effectif dépasse 2 médecins / CSB dans le Grand Sfax et atteint 7 dans la délégation de Sfax-Médina, il est fréquemment inférieur à 1 médecin / CSB dans les délégations limitrophes (figure 10).
Figure 10 : La variation spatiale de l’effectif de médecins et du nombre moyen de médecins / CSB à Sfax
Source : Données du Ministère de la Santé Publique, 2009-2016. Cartographie : Elaboration personnelle.
Même avec l’existence du dispensaire, c’est le médecin qui manque dans la quasi-totalité des CSB des délégations limitrophes de Sfax. Cela se répercute directement sur le niveau d’activités de soins (rythme de consultations et effectif de jours de consultations bas) ainsi que sur la morbidité des maladies infectieuses (moins élevée par rapport au Grand Sfax).
Ce déséquilibre a été remarqué au niveau de la répartition spatiale des infirmiers dans les délégations de Sfax, malgré leur importance quantitative en comparaison avec les médecins. En nous basant sur l’effectif des infirmiers, nous constatons que les délégations limitrophes accaparent 53,5% de l’effectif total du Gouvernorat. Certaines délégations comme Manzel Chaker (40) et Hencha (35) disposent des effectifs d’infirmiers supérieurs ou comparables à ceux enregistrés dans les délégations du Grand Sfax (26 à Sakiet-Ezzit et 36 à Sfax-Sud et Sakiet-Eddaier) (figure 11).
Figure 11 : La variation spatiale de l’effectif des infirmiers et du nombre moyen d’infirmiers / CSB à Sfax
Source : Données du Ministère de la Santé Publique, 2009-2016. Cartographie : Elaboration personnelle.
Cependant, l’indicateur de l’effectif moyen des infirmiers / CSB montre des disparités flagrantes entre le Grand Sfax et les délégations limitrophes. En effet, ces disparités traduisent un déséquilibre clair qui se manifeste dans les moyennes des deux groupes de délégations : 8,5 infirmiers / CSB dans le Grand Sfax contre 1,9 infirmiers / CSB dans les délégations limitrophes. Cet indicateur fait l’objet d’une variation spatiale dans le même groupe de délégations, puisqu’il varie de 17,3 à Sfax-Médina à 4,5 à Sfax-Sud dans le Grand Sfax et de 3,7 à Mahrès à 0,9 à Skhira et Bir Ali dans les délégations limitrophes (figure 11). Compte tenu de l’importance du nombre des CSB dans les délégations limitrophes et même si la présence du médecin est primordiale pour octroyer le bon service médical et garantir l’accès aux soins pour la population, nous jugeons que l’effectif des infirmiers / CSB est insuffisant pour assurer de bonnes prestations aux patients.
Un bon équipement en CSB qui manque de médecins et dont l’effectif des infirmiers demeure insuffisant pour que la structure de santé primaire (le dispensaire) remplisse sa tâche dans les délégations limitrophes, traduit une offre de soins inadéquate avec la demande. La morbidité enregistrée ne reflète pas la demande en soins, puisque l’offre est quasi nulle dans plusieurs secteurs où le CSB assure un seul jour de consultations par semaine. Une telle situation justifie les niveaux de morbidité de maladies infectieuses bas dans cet espace et met en question l’encadrement sanitaire de la population par des soins non seulement primaires mais aussi vitaux.
- Discussion
En termes de représentations spatiales des données sanitaires du secteur de la Santé de Base, nous avons choisi d’utiliser ces informations à cause de leur représentativité spatiale satisfaisante. Partant du fait que le secteur public de la santé polarise environ 60% de la population de Sfax, selon les études réalisées par le service d’Epidémiologie et des Maladies Communautaires du centre Hospitalo-universitaire Hédi Chaker de Sfax[35] [36], nous pouvons dire que les CSB se caractérisent par leur nombre important et par leur densité satisfaisante pour collecter les données de la consultation médicale. Vu qu’ils représentent la première ligne de recours qui offre les soins primaires à la population de toutes les catégories d’âge dans toutes les délégations du gouvernorat, nous pensons que les CSB constituent une source de données pertinentes qui ont une bonne représentativité spatiale.
Bien qu’il regroupe un nombre important d’infections, l’ensemble pathologique des maladies infectieuses étudié est loin d’être exhaustif. De plus, même s’il s’agit d’un secteur de première ligne et de Santé de Base, nous posons la question de la mise à jour de cette liste à la lumière des risques présentés par des maladies émergentes et ré-émergentes, afin de rendre efficace la surveillance sanitaire.
De point de vue offre de soins, le déséquilibre observé en matière de Santé publique constitue l’un des multiples aspects du décalage socio-économique entre le Grand Sfax et les délégations limitrophes. Les disparités spatiales de morbidité entre un espace urbain bien équipé et un arrière-pays à prédominance rurale, souffrant d’un manque flagrant des services, trouvent leurs origines dans une planification sanitaire qui a favorisé le centre au détriment des périphéries. Cela est d’autant plus dramatique avec le refus des médecins libéraux, qui se concentrent massivement dans le Grand Sfax, de pratiquer dans les délégations limitrophes.
L’installation des CSB dans les délégations limitrophes montre une bonne couverture de l’espace par un service de soins primaires indispensable pour la population. Cependant, leur fonctionnement selon un rythme de consultations très bas (1 à 2 jour / semaine) limite leur efficacité et met en question les logiques suivies dans la planification sanitaire, qui doit opter pour une couverture sanitaire optimale d’une population rurale qui ne dispose que de ces services de soins publics, compte tenu de l’absence de la médecine de libre pratique dans ces espaces. Cela multiplie les enjeux de la santé Publique qui se doit d’offrir des services de soins de qualité, en augmentant la fréquence des jours de consultations et en pérennisant la présence des médecins en poste. Nous notons également que cette population rurale présente plusieurs aspects de vulnérabilité socio-économique, puisque son niveau de vie est généralement inférieur à celui de gens vivant dans l’agglomération de Sfax, ce qui la rend plus exposée aux infections, compte tenu de la multiplicité des facteurs de risques environnementaux (faible résistance contre les effets du froid et de la chaleur excessive, fréquence des agents pathogènes comme les bactéries et les champignons responsables de plusieurs maladies infectieuses…) et de l’insuffisance d’un cadre de vie sain (conditions précaires de logement, pauvreté, hygiène hydrique et corporelle incertaines). Cela nécessite de revoir la planification sanitaire en accordant une priorité majeure au renforcement du service public des soins primaires dans ces délégations.
Outre la qualité des prestations de soins octroyées, les déterminants socio-économiques s’imposent : les revenus des individus, le niveau d’éduction et de statut social ainsi que d’autres déterminants comme le genre et le lieu de résidence et sa proximité aux structures de soins. Les inégalités socio-économiques dans la distribution des ressources de la société se reproduisent par des inégalités de santé et de mortalité marquantes[37]. Les inégalités en santé sont étroitement liées aux circonstances de vie, ainsi qu’au système de soins. Dans ce contexte, les conditions dans lesquelles les gens vivent et meurent dépendent des circonstances politiques et socio-économiques. C’est pour cela que l’OMS a constitué en 2005, la Commission des Déterminants Sociaux qui « engage l’OMS et tous les gouvernements à agir partout dans le monde sur les déterminants sociaux de la santé pour instaurer l’équité en santé »[38].
Le problème de la baisse du rythme de consultations comme la cause majeure d’une offre de soins déséquilibrée entre les délégations limitrophes et le Grand Sfax se répercute sur la prestation octroyée aux patients. À cause de la présence du médecin un seul jour par semaine dans le CSB, un grand encombrement se crée le jour des consultations et les délais d’attente s’accroit. Suite à cet encombrement, plusieurs personnes n’accèdent pas au service des consultations, compte tenu aussi de l’horaire du travail appliqué. Une telle situation rend difficiles les conditions de travail, car l’offre de soins est largement insuffisante par rapport aux demandes. Cela aboutit à l’apparition des pratiques illicites : l’infirmier qui est présent tous les jours de la semaine dans le CSB assure parfois la tâche du médecin (non seulement le soin des blessures et le changement des pansements…, mais parfois la prescription des médicaments aux patients).
Conclusion
Les disparités spatiales de la morbidité des maladies infectieuses sont le résultat d’une offre de soins déséquilibrée entre le Grand Sfax et les délégations limitrophes. Si le poids démographique du Grand Sfax que représente le Grand Sfax s’impose, l’équipement en structures de soins primaires et les niveaux d’activités de soins élevés dans celles-ci justifient l’importance de la morbidité enregistrée. Les niveaux bas de la morbidité enregistrée dans les délégations limitrophes n’est pas un signe d’une situation épidémiologique optimale et bien maîtrisée mais plutôt indique une activité de soins limitée qui ne reflète pas la demande potentielle en consultations médicales. Le rythme des consultations bas dans la plupart des CSB lié à son tour à un effectif réduit de médecins de Santé Publique pratiquant, justifie la diminution de la morbidité et donc un accès limité aux soins dans ces délégations. L’offre de soins ne dépend pas seulement d’une bonne couverture en structures de soins, mais également d’une fréquence des services octroyés dans celles-ci, et cela détermine enfin le niveau de morbidité enregistré. La planification sanitaire dans le secteur de la Santé de Base doit être révisée, afin de répondre aux demandes galopantes de soins surtout dans les délégations limitrophes, car le CSB se présente comme le principal fournisseur de soins dans ces secteurs. La révision du planning des médecins constitue l’une des alternatives susceptibles d’augmenter le rythme des consultations dans les délégations limitrophes. Cela est d’autant plus crucial avec le niveau socio-économique bas d’une population à prédominance rurale et la multiplicité des facteurs de risque favorisant la maladie.
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[2] Dramé F.M. « Attraction des services de soins de santé primaires et des centres de dépistage du VIH à Dakar (Sénégal) », Espace, Populations, Sociétés, 2-3, 2006, p 364.
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[10] Audureau E., « Etude des déterminants géographiques et spatiaux de la qualité de vie liée à la santé en France », Thèse de doctorat, Université Paris V, 2012, p 85.
[11] DSSB (Direction de Soins de Santé de Base) « Le rapport annuel de 2010 », Ministère de la Santé Publique, Tunis, 2010, p 182.
[12] Jarraya M., Beltrando G., « Les services de soins hospitaliers publics dans l’agglomération de Sfax : spécificités fonctionnelles et pouvoir spatial », EchoGéo, mis en ligne le 19 décembre 2013. URL : https://journals.openedition.org/echogeo/13632, p 6.
[13] Jarraya M., « Biométéorologie de la morbidité respiratoire dans le secteur public de la santé à Sfax (Tunisie) ». Thèse de doctorat, Université Paris Diderot (Paris VII), 2009, p 96.
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[22] Jarraya M., « Ambiances froides et consultations respiratoires dans le secteur public de la santé à Sfax (Tunisie) ». Cybergeo, janvier 2012 : http://cybergeo.revues.org/25032, p 3.
[23] Jarraya M., « Bioclimatologie des infections cutanées mycosiques à Sfax (Centre-Est de la Tunisie) », EchoGéo [En ligne], 38 | 2016, https://journals.openedition.org/echogeo/14764, p 6.
[24] Jarraya M., « Risques climato-pathologiques des maladies hydriques à Sfax (Tunisie) : percéption de la vulnérabilit épar la population et modalités de gouvernance », Actes du XXXème Colloque de l’Association Internationale de Climatologie, Sfax (Tunisie) 03-06 juillet 2017, p 123.
[25] Jarraya M., « Réchauffement estivo-automnal et fréquence de la diarrhée infantile à Sfax (Centre-Est de la Tunisie) », Actes du XXVIIème Colloque de l’Association Internationale de Climatologie, Dijon 02-05 juillet 2014, p 652.
[26] Jarraya M., « Bioclimatologie des infections … », p 8.
[27] Jarraya M., « Ambiances froides et consultations … », p 5.
[28] Jarraya M., « Biométéorologie de la morbidité … », p 123.
[29] INS (Institut National de la Statistique), « Sfax à travers le recensement général de la population et de l’habitat 2014 », 2015, p 47.
[30] Karray N., « Le grand Sfax : Aménagement récent et développement futur », Thèse de doctorat d’état, 2 volumes, Université de Paris-Sorbonne, 1982, p 187.
[31] Bennasr A., « L’étalement urbain de Sfax », Revue Tunisienne de Géographie, 2003, p 62.
[32] Karray N., « Le littoral de Sfax et ses enjeux », Revue Tunisienne de Géographie, n° 30, 1996, p 109.
[33] Fakhfakh F., « Le tertiaire supérieur à Sfax : Le service médical et l’enseignement supérieur », Thèse de doctorat, Université de Tunis I, Faculté des Sciences Humaines et Sociales, 2000, p 223.
[34] Jarraya M., Beltrando G., Daoud A., Ben Jemaa M., Khoufi M., « La Santé Publique dans la région de Sfax : l’apport du secteur de la Santé de Base dans la spatialisation des affections respiratoires et Oto-Rhino-Laryngologique ». Quatrième Colloque Internationale de Géographie, Sfax 14-16 avril 2005, p 7.
[35] Ben Jemaâ I., « Indicateurs hospitaliers de l’activité de l’EPS Hédi Chaker en 2002 », Thèse de doctorat, Université de Sfax, Faculté de Médecine, 2004, p 31.
[36] Jarraya M., « Bioclimatologie des infections cutanées … », p 2.
[37] ONDH (Observatoire National de Développement Humain), « Les disparités dans l’accès aux soins de santé au Maroc. Etude de cas », 2010, p 73.
[38] OMS (Organisation Mondiale de la Santé), « Rapport de la Commission des Déterminants Sociaux : combler le fossé en une génération », Genève (Suisse), 2009, p 145.