البيت التقليدي بمدينة شفشاون: دراسة معمارية وأثرية
La demeure traditionnelle de la médina de Chefchaouen :
étude d’architecture et d’archéologie monumentale
Riad BEN KHNOU/ lauréat de l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine, Rabat, Maroc
رياض بنخنو/ المعهد الوطني لعلوم الآثار والتراث، الرباط، المغرب
مقال منشور في مجلة جيل العلوم الانسانية والاجتماعية العدد 71 الصفحة 163.
ملخص:
تهتم هذه الدراسة بموضوع عمارة المساكن التقليدية بمدينة شفشاون المغربية، بهدف استكمال النقص الحاصل في الأبحاث المنجزة حول البيوت التقليدية لمدينة شفشاون وتوثيقها وإبراز أهم السمات المعمارية والجمالية المميزة لها، في ظل ما تعيشه المدينة العتيقة من تغيير وتشويه في معالمها التاريخية، نظرا للتطورات الاجتماعية والاقتصادية التي عرفتها المدينة منذ بدايات القرن العشرين وازدهارها السياحي وانفتاحها الكبير على العالم. في هذا المقال سنتطرق أولا للتنظيم المكاني للبيت الشفشاوني التقليدي، وثانيا سنتحدث عن أهم التقنيات والمواد المستخدمة في بنائه وزخرفته، اعتمادا على الدراسات السابقة وبحثنا الميداني.
الكلمات المفتاحية: شفشاون، معمار، مسكن، تراث.
Résumé
La ville de Chefchaouen au Maroc renferme un patrimoine architectural domestique de grande importance. Pourtant, on constate que ses demeures traditionnelles ont suscité peu de recherches archéologiques et nécessitent davantage d’investigations dans ce domaine, afin de mieux définir leurs caractéristiques architecturales. C’est pourquoi, on a estimé que la réalisation de cette étude monumentale pourrait venir combler des lacunes documentaires et contribuer à la mise en valeur de cet héritage de l’architecture marocaine.
Cet article présente l’habitat traditionnel de Chefchaouen avec la description de son organisation spatiale, ses matériaux et techniques de construction, en se basant sur notre enquête de terrain et des travaux réalisés précédemment.
Mots-clés : Chefchaouen, architecture, habitat, patrimoine.
Système de convention
Pour la transcription des mots arabes, nous avons utilisé le système adopté par la revue des études islamiques.
Les signes suivants ont été utilisés, en caractères ordinaires pour les noms communs, en caractères italiques pour les noms propres.
ʾ | ء | ||
b | ب | ṭ | ط |
t | ت | ẓ | ظ |
ṯ | ث | ʿ | ع |
ǧ | ج | ġ | غ |
ḥ | ح | f | ف |
ẖ | خ | q | ق |
d | د | k | ك |
ḏ | ذ | l | ل |
r | ر | m | م |
z | ز | n | ن |
s | س | h | ه |
š | ش | w | و |
ṣ | ص | y | ي |
ḍ | ض |
- Voyelleslongues: ا = ā ;و = ū ; ي = ī Voyellesbrèves – = a ; و = u ; _ = i
- Les noms arabes d’usage courant dans le français ne sont pas transcrits (ex. Les Almoravides)
- Le pluriel sera marqué par l’ajout d’un s « muḥtasib-s » au singulier arabe et la tāʾmarbūṭa sera transcrite par a.
Introduction
Le Maroc possède un patrimoine architectural enraciné dans son histoire. C’est une part de son identité culturelle, constituant un produit authentique à l’esthétique substantielle, qui se traduit par une richesse des formes édifiées et une variété conséquente de matériaux et de techniques de construction ancestrales.
L’habitat traditionnel fait partie intégrante du patrimoine marocain bâti. Il est considéré comme ayant valeur de témoignage de son passé être présente de ce fait un héritage à préserver et à transmettre.
Dernièrement, le royaume du Maroc a lancé de vastes et ambitieux chantiers de réhabilitation et de restauration pour la valorisation des médinas historiques, dont celle de Chefchaouen située au Nord-Ouest du pays.
Chefchaouen est à l’origine une kasbah fondée en 1471 ap.J.C dans le Rif occidental pour résister aux invasions portugaises[1]. Après la chute de Grenade en 1492 ap.J.C., elle s’est convertie peu à peu avec l’arrivée des réfugiés andalous au Maghreb en petite ville prospère[2].
Cette médina à la population mirurale mi urbainese caractérise par un habitat traditionnel particulier qui n’a pas été suffisamment étudié. En outre, sous les effets du modernisme et de la mondialisation, elle subitrécemment l’introduction de nouveaux types d’habitat, avec des matériaux et des techniques de construction contemporains qui altèrent de plus en plus son architecture domestique historique et impactent le mode de vie de ses habitants.
Aujourd’hui, les maisons traditionnelles de Chefchaouen sont dans un état désolant. Certaines ont déjà disparu tandis que d’autres sont transformées en bâtiments touristiques ou abandonnées par leurs propriétaires, tombant en ruine de jour en jour.
Malgré les efforts de l’Etat et de la société civile, on trouve souvent des situations bloquées dans des problématiques qui empêchent la réhabilitation d’une grande partie de ce patrimoine domestique, comme des entraves entre héritiers ou des couts élevés pour des travaux de restauration ou des exigences de maintenance.
Ainsi, il apparait indispensable d’approfondir l’étude de cet héritage architectural pour enregistrer le maximum de données possible avant qu’il ne soit trop tard.
En l’absence des recherches archéologiques et face à l’insuffisance des documents historiques, il me semble très difficile de retracer objectivement l’évolution architecturale des demeures de Chefchaouen au cours des siècles. De ce fait, on tentera seulement d’élucider les caractéristiques architecturales et les principes d’organisation de la demeure chefchaounie, en rapport avec sa structure sociale et le mode de vie de ses habitants.
Cette recherche se veut être qu’une simple contribution dans l’étude d’un patrimoine menacé en voie de disparition.
Organisation spatiale de la demeure
Les demeures de Chefchaouen suivent un plan de construction aux caractéristiques fondamentales de l’architecture de l’Occident musulman. Elles sont tournées vers l’intérieur avec une entrée coudée qui donne sur un patio central, bordé d’un à quatre portiques, autour duquel se répartissent les différentes pièces de la maison.
Cependant, il ne faudrait pas conclure à une uniformité générale et complète de toutes les demeures dans la médina. Au contraire, on constate qu’il y a des variations importantes dans leurs superficies, dans la forme du terrain construit, dans le nombre de pièces et leurs fonctions, ainsi qu’au niveau de l’architecture mise en œuvre pour la décoration. Ces disparités sont presque toujours directement liées au statut social du propriétaire.
En tenant compte de la diversité et des particularités de l’habitat traditionnel de Chefchaouen, on peut néanmoins déterminer ses principales composantes.
Le vestibule d’entrée
L’entrée de la maison traditionnelle se caractérise par un arc construit en briques cuites, un seuil réhaussé de quelques centimètres, un auvent couvert de tuiles rouges et une porte en bois percée d’un seul guichet. Elle donne sur un vestibule, dit « sṭwān », de dimensions réduites, qui permet par son agencement en chicane de préserver l’intimité de la famille des indiscrétions de la rue. Il est aménagé en véritable pièce d’accueil dans certaines demeures avec une ou deux banquettes adossées au mur.
Ce lieu de passage devient un espace de distribution lorsqu’il permet d’accéder à des sanitaires, une écurie ou encore un escalier qui mène à une “mesriya”, pièce indépendante située à son étage ou au-dessus de la rue.
Le patio
Les demeures de Chefchaouen sont construites avec un patio central à ciel ouvert, autour duquel sont réparties les différentes pièces d’habitation et de service.
Le patio a un plan de base carrée ou rectangulaire. Il est généralement bordé d’un à quatre portiques. La surface du sol est légèrement inclinée et placée à un niveau plus bas que celui des galeries et des pièces afin de les protéger des eaux pluviales évacuées dans des égouts[3].
Le patio accueille plusieurs activités domestiques comme la cuisson, le lavage de la vaisselle et du linge, le tissage, etc. Il sert aussi de lieu de rencontre et de célébration pour les fêtes familiales et religieuses.
Cet espace central est un véritable puits d’air et de lumière pour la demeure. Il est souvent agrémenté de plantes aux fleurs odorantes, voire d’arbres fruitiers quand la surface le permet.
Les pièces d’habitation
Chaque maison dispose au moins d’une salle principale au rez-de-chaussée ou à l’étage, donnant sur le patio. Cette pièce de forme rectangulaire mesure en général de 7 à 13 m de longueur, sur 2 à 3 m de largeur. Le milieu de la chambre est traditionnellement meublé de divans, tandis que les parties latérales sont pourvues d’une ou deux alcôves sensiblement surélevées et délimitées par un arc polylobé, construit en briques cuites. On peut trouver à l’extrémité de la pièce un simple cabinet en bois, dit « al-ṭārma», dont la hauteur ne dépasse guère 2,50 m, utilisé en tant qu’espace de bain et d’ablutions. Au-dessus de «al- ṭārma » reste un espace vide destiné au rangement, dit « al-sahwa »[4].
La porte d’entrée de ces grandes salles est en bois et se compose de deux ventaux percés d’un ou deux portillons, qui s’ouvrent sur la galerie du patio. De part et d’autre, on a toujours deux fenêtres protégées par des grilles en fer forgé qui assurent la ventilation et l’éclairage de la chambre.
Aux salles principales, s’ajoutent d’autres pièces aux dimensions plus modestes comme : al- Burṭāl et al-Meṣriyya.
Al- Burṭāl est une pièce ouverte aux dimensions moyennes, surélevée de quelques centimètres par rapport au sol du patio et délimitée souvent par la présence d’un ou trois arcs. Elle est réservée à la réception et aux réunions familiales, surtout dans la saison estivale.
Al-Meṣriyyaest une pièce indépendante de la maison, desservie par un escalier situé dans le vestibule d’entrée ou à l’extérieur de la demeure. Elle est souvent destinée à la location ou à l’hébergement temporaire d’un étranger.
Pièces annexes
« Bayt l-nār », « al-Mẖīzen », « Bīt l-mā » et « al-rwā »sont les principales pièces de service rencontrées dans la maison Chefchaounie. Elles se distinguent complètement des pièces d’habitation avec leur taille réduite et leur simplicité.
« Bayt l-nār »,littéralement la chambre du feu ou cuisine, est une petite pièce donnant souvent sur le patio, pourvue d’un foyer et d’une cheminée. Elle se situe généralement au rez-de-chaussée.
Le grenier, dit« al-Mẖīzen », est une pièce réservée au stockage des aliments. Elle se trouve au rez-de-chaussée ou à l’étage.
Les latrines, dites« Bīt l-mā », occupent des espaces résiduels au coin du patio ou dans le vestibule d’entrée de la maison. La ventilation est assurée par des ouvertures donnant sur l’extérieur quand cela est possible. La propreté de cet espace est assurée par un nettoyage régulier avec de l’eau et de la chaux.
L’écurie, dite« al-rwā», constituait une annexe importante dans les maisons de Chefchaouen, des plus modestes aux plus riches, pour héberger les ânes, les mules, les chèvres, les moutons et même les bœufs. Cette dépendance est souvent déplacée à l’arrière de l’habitation. Elle est accessible soit depuis le vestibule d’entrée, soit directement par une entrée indépendante.
Deux exemples de veilles maisons
Afin de bien comprendre la disposition générale de la demeure traditionnelle de Chefchaouen, on choisit d’illustrer notre description avec deux maisons construites à la fin du 15e siècles.
DārBen Rayssūn
La maison Ben Rayssūn est l’une des maisons les plus anciennes de la médina de Chefchaouen. Elle se situe dans la rue SīdīBellḥsenau quartier Souīqa, juste à côté de la ZaouiyaRayssūniya, derrière la Kasbah. Cette demeure traditionnelle fut bâtie par le fondateur de Chefchaouen ʿAlī Ben Rāšid, à la fin du 15e siècle pour son secrétaire le juge ʿAlī Ben Maymūn[5].
C’est une maison construite sur deux niveaux. Elle est constituée d’un vestibule d’entrée en chicane, d’un patio à ciel ouvert, des pièces d’habitation et de service et d’un jardin à l’extérieur de la maison. On accède au patio de la maison à travers un vestibule d’entrée en chicane simple, mesurant 1,5 m de largeur et 3,5 m de longueur.
Le patio est un espace central à ciel ouvert de plan rectangulaire, de 8 m sur 7 m, autour duquel s’ordonnent les différentes pièces de la maison. Il est bordé, au rez-de-chaussée comme à l’étage, d’un portique tripartite sur son côté Nord.
On trouve au rez-de-chaussée un salon de réception dit « al-burṭāl », deux pièces d’habitation qui se font face sur l’axe Est-Ouest, des sanitaires, une cuisine, une fontaine murale et un bain traditionnel dans les différents espaces restants.
Desservi par un escalier circulaire, le niveau supérieur dispose de deux grandes pièces d’habitation et trois chambres de dimensions réduites.
Dāral-Ḥaḍri
La demeure traditionnelle Dār al-Ḥaḍrise situe en plein centre du premier quartier construit al-Souīqa, au fond d’une impasse qui rejoint l’artère principale. Elle fut construite à la fin du 15e siècle par la famille al-Ḥadri[6]. Elle se compose d’un vestibule d’entrée de dimension réduite, un patio à ciel ouvert entouré des pièces d’habitation et de service au rez-de-chaussée et à l’étage.
Le patio est de plan carré, de 4 m x 4 m, bordé de quatre portiques munis chacun d’un arc en plein cintre reposant sur des colonnes. Sur l’axe Nord-Sud, se trouve deux grandes pièces qui s’ouvrent sur le patio avec une porte à deux vantaux percés d’un guichet et surmontée d’un arc brisé surhaussé.
Toutes les pièces de service sont aménagées au rez-de-chaussée : une cuisine, une pièce réservée au stockage des aliments et des latrines.
Un escalier à l’angle Sud-Est conduit à l’étage où se situent quatre chambres d’habitation, précédées de portiques identiques à ceux du rez-de-chaussée. Les chambres sont couvertes d’une charpente en bois protégée par des tuiles rouges.
Les matériaux et les techniques de construction et de décoration
L’étude des différentes étapes dans l’édification des maisons permet de définir les techniques de construction utilisées à Chefchaouen.
Au préalable, l’environnement montagneux étant escarpé, il était indispensable de choisir un terrain convenable pour répondre aux besoins nécessaires de stabilité, assurant la meilleure assise possible au bâtiment. Les tranchées des fondations sont remplies de couches de chaux, de terre et de pierre, tassées par damage jusqu’à l’affleurement du sol extérieur. Dans certains cas, on a fondé directement sur le sous-sol rocheux constitué d’une roche homogène. Lorsqu’il était impossible d’aplanir sa surface, la roche devenait une partie intégrante de la structure d’appui de la maison[7].
Une fois les fondations solidement implantées, on procédait à la construction des murs en moellons mesurant généralement 40 cm d’épaisseur. Ils sont constitués en pierres de moyennes et de petites dimensions liées avec un mortier de chaux et de terre alternées parfois par des assises de briques cuites.
Les sols du patio et des différentes pièces du rez-de-chaussée sont formés de couches de terre et de chaux qu’on a damé au pilon tout en y versant de l’eau. Ils étaient dépourvus de zellige et recevaient simplement un chaulage régulier qui en assurait la propreté.
L’intérieur des maisons de Chefchaouen connaît un emploi considérable des éléments de soutien tels que les piliers, les colonnes, les arcs, les linteaux, les consoles et les corbeaux.
On constate l’utilisation de deux types de plafonds en bois pour couvrir les différentes parties de la maison : le plafond plat à structure apparente et le plafond en charpente.
Le plafond plat à structure apparente est d’usage dans les pièces du rez-de-chaussée et des galeries de la demeure. Il est composé de solives carrées qui soutiennent des voliges, à savoir des planches rectangulaires de 20 à 25 cm de largeur pour 2 à 3 cm d’épaisseur. Le voligeage obtenu est ensuite recouvert d’une couche de tout-venant, puis de mortier de terre et de chaux.
Le plafond en charpente en revanche constitue la toiture des pièces de l’étage. Sa structure porteuse est faite d’entraits, de chevrons et de lattes sur lesquelles on dispose par emboitement les unes sur les autres les tuiles rouges en terre cuite.
Le bois peint et le bois sculpté sont les deux éléments décoratifs les plus répandus dans les maisons de Chefchaouen qui restent assez épurées dans leur ensemble avec leurs sols et leurs murs entièrement chaulés.
Le bois est finement peint et sculpté en usant des motifs géométriques et floraux attrayants qui s’entremêlent pour séduire les regards.
Ces décors peints suivent généralement une palette de couleur composée essentiellement de rouge, de blanc, de bleu, de brun, de vert, de jaune et de noir.
Conclusion :
A l’issue de ce travail, on a dégagé les principaux traits qui caractérisent l’habitat traditionnel de Chefchaouen. C’est une architecture basée sur les normes islamiques en vigueur de l’époque mais qui a su marier la finesse de décors sophistiqués à la modestie de son environnement. On retrouve probablement ici le métissage de sa population mi citadine issue d’Andalous, mi rurale issue de ses montagnes rifaines. Ainsi, nous pensons à quelques pistes de recherche qui seraient intéressantes à mener plus profondément, notamment des études comparatives avec les habitats traditionnels du Rif, ou ceux d’autres médinas à empreinte andalouse, afin de circonscrire scientifiquement le réel degré d’impact de l’architecture andalouse dans l’habitat traditionnel de Chefchaouen. Le travail ici présenté n’est que l’esquisse d’une vaste étude enthousiasmante sur ces demeures, qui serait un riche apport aux études des diverses problématiques que connait la recherche sur l’origine et l’évolution de l’architecture domestique en Occident Musulman.
Figure 1 : plans du rez-de-chaussée et de l’étage deDār Ben Rayssūn[8]
Figure 2 : l’intérieur de Dār Ben Rayssūn (Photo prise par l’auteur l’auteur)
Figure 3 : plans de la maison al- Ḥaḍri[9]
Figure 4 : Patio de la maison al- Ḥaḍri (photo prise par l’auteur)
Bibliographie
- BACHIRI (S.), Chefchaouen : l’habitat, dialogue entre le passé et le présent, Mémoire de fin d’étude, Ecole d’architecture Paris-Ville,Paris , 2003.
- BEN RAYSSŪN (M.), mūjaztārīẖ Chefchaouen, jamʿiyat al-daʿwa al-islāmiya, matbaʿatalquds, Chefchaouen, 1986.
- DIDI (I.), Habitat traditionnel dans la médina de Tlemcen, Mémoire pour l’obtention de diplôme de magister en Architecture, Université Abou Bakr Belkaid , Tlemcen , 2013.
- El FARZ (H.), L’architecture domestique dans un quartier de la ville d’Essaouira : LA Qasba, Mémoire de fin d’étude du IIème cycle, INSAP, Rabat, 1994.
- HASSAR (J.),”Etude de deux ensemble de maisons du XVIIIe siècle à Salé,in l’habitat traditionnel dans les pays autour de la Méditerranée,1., Le Caire, 1988, p.199-241.
- LÉON L’AFRICAIN (J.), Description de l’Afrique,T.I, Trad. Épaulard A., Publications de l’Institut des Hautes Études Marocaines, N° LXI, Ed. Librairie d’Amérique et d’Orient Adrien Maisonneuve, Paris, 1981.
- MECCA (S. )et alii, Chefchaouen, Architettura e culturacostruttiva, ETS, Florence, 2009
- MOULINE (S.), “Trois maisons de Rabat”, in l’habitat traditionnel dans les pays autour de la Méditerrané.,T.I., Le Caire, 1988, p.243-254.
- NACIRI (M.) et HASSANI (A.), Etude architecturale de la médina de Chefchaouen,
- Ministère de l’Intérieur, Direction de l’Urbanisme et de l’Habitat, Rabat, 1985.
- REVAULT (J.), Palais Et Demeures De Tunis du XVIème siècle, 2 vols, C.N.R.S, Paris, 1976.
- REVAULT (J.), ” Réflexions sur l’architecture domestique en Afrique du Nord et en Orient
- “,in l’habitat traditionnel dans les pays autour de la Méditerranée, vol I., Le Caire, 1988, p.315.
- SAADAOUI (A.), Testour du XVIIème au XIXème siècle, histoire architecturale d’une ville morisque de Tunisie, faculté des Lettres de La Manouba, Tunis, 1996.
- SAADAOUI (A.),”La tuile creuse matériau caractéristique de la tradition architecturale en Tunisie : Diffusion, Fabrication et Utilisation : XVIIe-XIXe S”, in Actes du IV symposium
- International d’Etude Morisques sur : Métiers, vie religieuse et problématique, CROMDI, 1990 , p.290-302.
- TERRASSE (H.), L’art hispano-mauresque des origines au XIIIe, ed.G.VanOest, Paris, 1932.
- TLIDI (A.), Lamaison de la culture andalouse à Chefchaouen, Mémoire de fin d’étude, Ecole Nationale d’Architecture, Rabat, 1986.
[1]BEN RAYSSŪN (M.), mūjaztārīẖ Chefchaouen, jamʿiyat al-daʿwa al-islāmiya, matbaʿatal-Quds, Chefchaouen, 1986, p.36.
[2]LÉON L’AFRICAIN (J.), Description de l’Afrique,T.I, Trad. Épaulard A., Publications de l’Institut des Hautes Études Marocaines, N° LXI, Ed. Librairie d’Amérique et d’Orient Adrien Maisonneuve, Paris, 1981,p.331.
[3]Revault (J.), Palais et Demeures de Tunis du XVIème siècle, vol.1, C.N.R.S, 1976, p.60.
[4]Tlidi(A.), La maison de la culture andalouse à Chefchaouen, mémoire de fin d’étude, ENA, 1986, p.84.
[5]BEN RAYSSŪN ( M.), mūjaztārīẖChefchaouen, op.cit., p.34.
[6]MECCA (S.) et alii, Chefchaouen, Architettura e culturacostruttiva, ETS, Florence, 2009, p.94.
[7]BACHIRI (S.), Chefchaouen : l’habitat, dialogue entre le passé et le présent, Mémoire de fin d’étude, Ecole d’architecture Paris-Ville,Paris , 2003, p.49.
[8]NACIRI (M.) et HASSANI (A.), Etude architecturale…, op.cit., p.60-61.
[9]MECCA (S.) et alii, Chefchaouen…, op.cit., p.94-98..
البيت التقليدي بمدينة شفشاون: دراسة معمارية وأثرية
La demeure traditionnelle de la médina de Chefchaouen :
étude d’architecture et d’archéologie monumentale
Riad BEN KHNOU/ lauréat de l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine, Rabat, Maroc
رياض بنخنو/ المعهد الوطني لعلوم الآثار والتراث، الرباط، المغرب
مقال منشور في مجلة جيل العلوم الانسانية والاجتماعية العدد 71 الصفحة 163.
ملخص:
تهتم هذه الدراسة بموضوع عمارة المساكن التقليدية بمدينة شفشاون المغربية، بهدف استكمال النقص الحاصل في الأبحاث المنجزة حول البيوت التقليدية لمدينة شفشاون وتوثيقها وإبراز أهم السمات المعمارية والجمالية المميزة لها، في ظل ما تعيشه المدينة العتيقة من تغيير وتشويه في معالمها التاريخية، نظرا للتطورات الاجتماعية والاقتصادية التي عرفتها المدينة منذ بدايات القرن العشرين وازدهارها السياحي وانفتاحها الكبير على العالم. في هذا المقال سنتطرق أولا للتنظيم المكاني للبيت الشفشاوني التقليدي، وثانيا سنتحدث عن أهم التقنيات والمواد المستخدمة في بنائه وزخرفته، اعتمادا على الدراسات السابقة وبحثنا الميداني.
الكلمات المفتاحية: شفشاون، معمار، مسكن، تراث.
Résumé
La ville de Chefchaouen au Maroc renferme un patrimoine architectural domestique de grande importance. Pourtant, on constate que ses demeures traditionnelles ont suscité peu de recherches archéologiques et nécessitent davantage d’investigations dans ce domaine, afin de mieux définir leurs caractéristiques architecturales. C’est pourquoi, on a estimé que la réalisation de cette étude monumentale pourrait venir combler des lacunes documentaires et contribuer à la mise en valeur de cet héritage de l’architecture marocaine.
Cet article présente l’habitat traditionnel de Chefchaouen avec la description de son organisation spatiale, ses matériaux et techniques de construction, en se basant sur notre enquête de terrain et des travaux réalisés précédemment.
Mots-clés : Chefchaouen, architecture, habitat, patrimoine.
Système de convention
Pour la transcription des mots arabes, nous avons utilisé le système adopté par la revue des études islamiques.
Les signes suivants ont été utilisés, en caractères ordinaires pour les noms communs, en caractères italiques pour les noms propres.
ʾ | ء | ||
b | ب | ṭ | ط |
t | ت | ẓ | ظ |
ṯ | ث | ʿ | ع |
ǧ | ج | ġ | غ |
ḥ | ح | f | ف |
ẖ | خ | q | ق |
d | د | k | ك |
ḏ | ذ | l | ل |
r | ر | m | م |
z | ز | n | ن |
s | س | h | ه |
š | ش | w | و |
ṣ | ص | y | ي |
ḍ | ض |
- Voyelleslongues: ا = ā ;و = ū ; ي = ī Voyellesbrèves – = a ; و = u ; _ = i
- Les noms arabes d’usage courant dans le français ne sont pas transcrits (ex. Les Almoravides)
- Le pluriel sera marqué par l’ajout d’un s « muḥtasib-s » au singulier arabe et la tāʾmarbūṭa sera transcrite par a.
Introduction
Le Maroc possède un patrimoine architectural enraciné dans son histoire. C’est une part de son identité culturelle, constituant un produit authentique à l’esthétique substantielle, qui se traduit par une richesse des formes édifiées et une variété conséquente de matériaux et de techniques de construction ancestrales.
L’habitat traditionnel fait partie intégrante du patrimoine marocain bâti. Il est considéré comme ayant valeur de témoignage de son passé être présente de ce fait un héritage à préserver et à transmettre.
Dernièrement, le royaume du Maroc a lancé de vastes et ambitieux chantiers de réhabilitation et de restauration pour la valorisation des médinas historiques, dont celle de Chefchaouen située au Nord-Ouest du pays.
Chefchaouen est à l’origine une kasbah fondée en 1471 ap.J.C dans le Rif occidental pour résister aux invasions portugaises[1]. Après la chute de Grenade en 1492 ap.J.C., elle s’est convertie peu à peu avec l’arrivée des réfugiés andalous au Maghreb en petite ville prospère[2].
Cette médina à la population mirurale mi urbainese caractérise par un habitat traditionnel particulier qui n’a pas été suffisamment étudié. En outre, sous les effets du modernisme et de la mondialisation, elle subitrécemment l’introduction de nouveaux types d’habitat, avec des matériaux et des techniques de construction contemporains qui altèrent de plus en plus son architecture domestique historique et impactent le mode de vie de ses habitants.
Aujourd’hui, les maisons traditionnelles de Chefchaouen sont dans un état désolant. Certaines ont déjà disparu tandis que d’autres sont transformées en bâtiments touristiques ou abandonnées par leurs propriétaires, tombant en ruine de jour en jour.
Malgré les efforts de l’Etat et de la société civile, on trouve souvent des situations bloquées dans des problématiques qui empêchent la réhabilitation d’une grande partie de ce patrimoine domestique, comme des entraves entre héritiers ou des couts élevés pour des travaux de restauration ou des exigences de maintenance.
Ainsi, il apparait indispensable d’approfondir l’étude de cet héritage architectural pour enregistrer le maximum de données possible avant qu’il ne soit trop tard.
En l’absence des recherches archéologiques et face à l’insuffisance des documents historiques, il me semble très difficile de retracer objectivement l’évolution architecturale des demeures de Chefchaouen au cours des siècles. De ce fait, on tentera seulement d’élucider les caractéristiques architecturales et les principes d’organisation de la demeure chefchaounie, en rapport avec sa structure sociale et le mode de vie de ses habitants.
Cette recherche se veut être qu’une simple contribution dans l’étude d’un patrimoine menacé en voie de disparition.
Organisation spatiale de la demeure
Les demeures de Chefchaouen suivent un plan de construction aux caractéristiques fondamentales de l’architecture de l’Occident musulman. Elles sont tournées vers l’intérieur avec une entrée coudée qui donne sur un patio central, bordé d’un à quatre portiques, autour duquel se répartissent les différentes pièces de la maison.
Cependant, il ne faudrait pas conclure à une uniformité générale et complète de toutes les demeures dans la médina. Au contraire, on constate qu’il y a des variations importantes dans leurs superficies, dans la forme du terrain construit, dans le nombre de pièces et leurs fonctions, ainsi qu’au niveau de l’architecture mise en œuvre pour la décoration. Ces disparités sont presque toujours directement liées au statut social du propriétaire.
En tenant compte de la diversité et des particularités de l’habitat traditionnel de Chefchaouen, on peut néanmoins déterminer ses principales composantes.
Le vestibule d’entrée
L’entrée de la maison traditionnelle se caractérise par un arc construit en briques cuites, un seuil réhaussé de quelques centimètres, un auvent couvert de tuiles rouges et une porte en bois percée d’un seul guichet. Elle donne sur un vestibule, dit « sṭwān », de dimensions réduites, qui permet par son agencement en chicane de préserver l’intimité de la famille des indiscrétions de la rue. Il est aménagé en véritable pièce d’accueil dans certaines demeures avec une ou deux banquettes adossées au mur.
Ce lieu de passage devient un espace de distribution lorsqu’il permet d’accéder à des sanitaires, une écurie ou encore un escalier qui mène à une “mesriya”, pièce indépendante située à son étage ou au-dessus de la rue.
Le patio
Les demeures de Chefchaouen sont construites avec un patio central à ciel ouvert, autour duquel sont réparties les différentes pièces d’habitation et de service.
Le patio a un plan de base carrée ou rectangulaire. Il est généralement bordé d’un à quatre portiques. La surface du sol est légèrement inclinée et placée à un niveau plus bas que celui des galeries et des pièces afin de les protéger des eaux pluviales évacuées dans des égouts[3].
Le patio accueille plusieurs activités domestiques comme la cuisson, le lavage de la vaisselle et du linge, le tissage, etc. Il sert aussi de lieu de rencontre et de célébration pour les fêtes familiales et religieuses.
Cet espace central est un véritable puits d’air et de lumière pour la demeure. Il est souvent agrémenté de plantes aux fleurs odorantes, voire d’arbres fruitiers quand la surface le permet.
Les pièces d’habitation
Chaque maison dispose au moins d’une salle principale au rez-de-chaussée ou à l’étage, donnant sur le patio. Cette pièce de forme rectangulaire mesure en général de 7 à 13 m de longueur, sur 2 à 3 m de largeur. Le milieu de la chambre est traditionnellement meublé de divans, tandis que les parties latérales sont pourvues d’une ou deux alcôves sensiblement surélevées et délimitées par un arc polylobé, construit en briques cuites. On peut trouver à l’extrémité de la pièce un simple cabinet en bois, dit « al-ṭārma», dont la hauteur ne dépasse guère 2,50 m, utilisé en tant qu’espace de bain et d’ablutions. Au-dessus de «al- ṭārma » reste un espace vide destiné au rangement, dit « al-sahwa »[4].
La porte d’entrée de ces grandes salles est en bois et se compose de deux ventaux percés d’un ou deux portillons, qui s’ouvrent sur la galerie du patio. De part et d’autre, on a toujours deux fenêtres protégées par des grilles en fer forgé qui assurent la ventilation et l’éclairage de la chambre.
Aux salles principales, s’ajoutent d’autres pièces aux dimensions plus modestes comme : al- Burṭāl et al-Meṣriyya.
Al- Burṭāl est une pièce ouverte aux dimensions moyennes, surélevée de quelques centimètres par rapport au sol du patio et délimitée souvent par la présence d’un ou trois arcs. Elle est réservée à la réception et aux réunions familiales, surtout dans la saison estivale.
Al-Meṣriyyaest une pièce indépendante de la maison, desservie par un escalier situé dans le vestibule d’entrée ou à l’extérieur de la demeure. Elle est souvent destinée à la location ou à l’hébergement temporaire d’un étranger.
Pièces annexes
« Bayt l-nār », « al-Mẖīzen », « Bīt l-mā » et « al-rwā »sont les principales pièces de service rencontrées dans la maison Chefchaounie. Elles se distinguent complètement des pièces d’habitation avec leur taille réduite et leur simplicité.
« Bayt l-nār »,littéralement la chambre du feu ou cuisine, est une petite pièce donnant souvent sur le patio, pourvue d’un foyer et d’une cheminée. Elle se situe généralement au rez-de-chaussée.
Le grenier, dit« al-Mẖīzen », est une pièce réservée au stockage des aliments. Elle se trouve au rez-de-chaussée ou à l’étage.
Les latrines, dites« Bīt l-mā », occupent des espaces résiduels au coin du patio ou dans le vestibule d’entrée de la maison. La ventilation est assurée par des ouvertures donnant sur l’extérieur quand cela est possible. La propreté de cet espace est assurée par un nettoyage régulier avec de l’eau et de la chaux.
L’écurie, dite« al-rwā», constituait une annexe importante dans les maisons de Chefchaouen, des plus modestes aux plus riches, pour héberger les ânes, les mules, les chèvres, les moutons et même les bœufs. Cette dépendance est souvent déplacée à l’arrière de l’habitation. Elle est accessible soit depuis le vestibule d’entrée, soit directement par une entrée indépendante.
Deux exemples de veilles maisons
Afin de bien comprendre la disposition générale de la demeure traditionnelle de Chefchaouen, on choisit d’illustrer notre description avec deux maisons construites à la fin du 15e siècles.
DārBen Rayssūn
La maison Ben Rayssūn est l’une des maisons les plus anciennes de la médina de Chefchaouen. Elle se situe dans la rue SīdīBellḥsenau quartier Souīqa, juste à côté de la ZaouiyaRayssūniya, derrière la Kasbah. Cette demeure traditionnelle fut bâtie par le fondateur de Chefchaouen ʿAlī Ben Rāšid, à la fin du 15e siècle pour son secrétaire le juge ʿAlī Ben Maymūn[5].
C’est une maison construite sur deux niveaux. Elle est constituée d’un vestibule d’entrée en chicane, d’un patio à ciel ouvert, des pièces d’habitation et de service et d’un jardin à l’extérieur de la maison. On accède au patio de la maison à travers un vestibule d’entrée en chicane simple, mesurant 1,5 m de largeur et 3,5 m de longueur.
Le patio est un espace central à ciel ouvert de plan rectangulaire, de 8 m sur 7 m, autour duquel s’ordonnent les différentes pièces de la maison. Il est bordé, au rez-de-chaussée comme à l’étage, d’un portique tripartite sur son côté Nord.
On trouve au rez-de-chaussée un salon de réception dit « al-burṭāl », deux pièces d’habitation qui se font face sur l’axe Est-Ouest, des sanitaires, une cuisine, une fontaine murale et un bain traditionnel dans les différents espaces restants.
Desservi par un escalier circulaire, le niveau supérieur dispose de deux grandes pièces d’habitation et trois chambres de dimensions réduites.
Dāral-Ḥaḍri
La demeure traditionnelle Dār al-Ḥaḍrise situe en plein centre du premier quartier construit al-Souīqa, au fond d’une impasse qui rejoint l’artère principale. Elle fut construite à la fin du 15e siècle par la famille al-Ḥadri[6]. Elle se compose d’un vestibule d’entrée de dimension réduite, un patio à ciel ouvert entouré des pièces d’habitation et de service au rez-de-chaussée et à l’étage.
Le patio est de plan carré, de 4 m x 4 m, bordé de quatre portiques munis chacun d’un arc en plein cintre reposant sur des colonnes. Sur l’axe Nord-Sud, se trouve deux grandes pièces qui s’ouvrent sur le patio avec une porte à deux vantaux percés d’un guichet et surmontée d’un arc brisé surhaussé.
Toutes les pièces de service sont aménagées au rez-de-chaussée : une cuisine, une pièce réservée au stockage des aliments et des latrines.
Un escalier à l’angle Sud-Est conduit à l’étage où se situent quatre chambres d’habitation, précédées de portiques identiques à ceux du rez-de-chaussée. Les chambres sont couvertes d’une charpente en bois protégée par des tuiles rouges.
Les matériaux et les techniques de construction et de décoration
L’étude des différentes étapes dans l’édification des maisons permet de définir les techniques de construction utilisées à Chefchaouen.
Au préalable, l’environnement montagneux étant escarpé, il était indispensable de choisir un terrain convenable pour répondre aux besoins nécessaires de stabilité, assurant la meilleure assise possible au bâtiment. Les tranchées des fondations sont remplies de couches de chaux, de terre et de pierre, tassées par damage jusqu’à l’affleurement du sol extérieur. Dans certains cas, on a fondé directement sur le sous-sol rocheux constitué d’une roche homogène. Lorsqu’il était impossible d’aplanir sa surface, la roche devenait une partie intégrante de la structure d’appui de la maison[7].
Une fois les fondations solidement implantées, on procédait à la construction des murs en moellons mesurant généralement 40 cm d’épaisseur. Ils sont constitués en pierres de moyennes et de petites dimensions liées avec un mortier de chaux et de terre alternées parfois par des assises de briques cuites.
Les sols du patio et des différentes pièces du rez-de-chaussée sont formés de couches de terre et de chaux qu’on a damé au pilon tout en y versant de l’eau. Ils étaient dépourvus de zellige et recevaient simplement un chaulage régulier qui en assurait la propreté.
L’intérieur des maisons de Chefchaouen connaît un emploi considérable des éléments de soutien tels que les piliers, les colonnes, les arcs, les linteaux, les consoles et les corbeaux.
On constate l’utilisation de deux types de plafonds en bois pour couvrir les différentes parties de la maison : le plafond plat à structure apparente et le plafond en charpente.
Le plafond plat à structure apparente est d’usage dans les pièces du rez-de-chaussée et des galeries de la demeure. Il est composé de solives carrées qui soutiennent des voliges, à savoir des planches rectangulaires de 20 à 25 cm de largeur pour 2 à 3 cm d’épaisseur. Le voligeage obtenu est ensuite recouvert d’une couche de tout-venant, puis de mortier de terre et de chaux.
Le plafond en charpente en revanche constitue la toiture des pièces de l’étage. Sa structure porteuse est faite d’entraits, de chevrons et de lattes sur lesquelles on dispose par emboitement les unes sur les autres les tuiles rouges en terre cuite.
Le bois peint et le bois sculpté sont les deux éléments décoratifs les plus répandus dans les maisons de Chefchaouen qui restent assez épurées dans leur ensemble avec leurs sols et leurs murs entièrement chaulés.
Le bois est finement peint et sculpté en usant des motifs géométriques et floraux attrayants qui s’entremêlent pour séduire les regards.
Ces décors peints suivent généralement une palette de couleur composée essentiellement de rouge, de blanc, de bleu, de brun, de vert, de jaune et de noir.
Conclusion :
A l’issue de ce travail, on a dégagé les principaux traits qui caractérisent l’habitat traditionnel de Chefchaouen. C’est une architecture basée sur les normes islamiques en vigueur de l’époque mais qui a su marier la finesse de décors sophistiqués à la modestie de son environnement. On retrouve probablement ici le métissage de sa population mi citadine issue d’Andalous, mi rurale issue de ses montagnes rifaines. Ainsi, nous pensons à quelques pistes de recherche qui seraient intéressantes à mener plus profondément, notamment des études comparatives avec les habitats traditionnels du Rif, ou ceux d’autres médinas à empreinte andalouse, afin de circonscrire scientifiquement le réel degré d’impact de l’architecture andalouse dans l’habitat traditionnel de Chefchaouen. Le travail ici présenté n’est que l’esquisse d’une vaste étude enthousiasmante sur ces demeures, qui serait un riche apport aux études des diverses problématiques que connait la recherche sur l’origine et l’évolution de l’architecture domestique en Occident Musulman.
Figure 1 : plans du rez-de-chaussée et de l’étage deDār Ben Rayssūn[8]
Figure 2 : l’intérieur de Dār Ben Rayssūn (Photo prise par l’auteur l’auteur)
Figure 3 : plans de la maison al- Ḥaḍri[9]
Figure 4 : Patio de la maison al- Ḥaḍri (photo prise par l’auteur)
Bibliographie
- BACHIRI (S.), Chefchaouen : l’habitat, dialogue entre le passé et le présent, Mémoire de fin d’étude, Ecole d’architecture Paris-Ville,Paris , 2003.
- BEN RAYSSŪN (M.), mūjaztārīẖ Chefchaouen, jamʿiyat al-daʿwa al-islāmiya, matbaʿatalquds, Chefchaouen, 1986.
- DIDI (I.), Habitat traditionnel dans la médina de Tlemcen, Mémoire pour l’obtention de diplôme de magister en Architecture, Université Abou Bakr Belkaid , Tlemcen , 2013.
- El FARZ (H.), L’architecture domestique dans un quartier de la ville d’Essaouira : LA Qasba, Mémoire de fin d’étude du IIème cycle, INSAP, Rabat, 1994.
- HASSAR (J.),”Etude de deux ensemble de maisons du XVIIIe siècle à Salé,in l’habitat traditionnel dans les pays autour de la Méditerranée,1., Le Caire, 1988, p.199-241.
- LÉON L’AFRICAIN (J.), Description de l’Afrique,T.I, Trad. Épaulard A., Publications de l’Institut des Hautes Études Marocaines, N° LXI, Ed. Librairie d’Amérique et d’Orient Adrien Maisonneuve, Paris, 1981.
- MECCA (S. )et alii, Chefchaouen, Architettura e culturacostruttiva, ETS, Florence, 2009
- MOULINE (S.), “Trois maisons de Rabat”, in l’habitat traditionnel dans les pays autour de la Méditerrané.,T.I., Le Caire, 1988, p.243-254.
- NACIRI (M.) et HASSANI (A.), Etude architecturale de la médina de Chefchaouen,
- Ministère de l’Intérieur, Direction de l’Urbanisme et de l’Habitat, Rabat, 1985.
- REVAULT (J.), Palais Et Demeures De Tunis du XVIème siècle, 2 vols, C.N.R.S, Paris, 1976.
- REVAULT (J.), ” Réflexions sur l’architecture domestique en Afrique du Nord et en Orient
- “,in l’habitat traditionnel dans les pays autour de la Méditerranée, vol I., Le Caire, 1988, p.315.
- SAADAOUI (A.), Testour du XVIIème au XIXème siècle, histoire architecturale d’une ville morisque de Tunisie, faculté des Lettres de La Manouba, Tunis, 1996.
- SAADAOUI (A.),”La tuile creuse matériau caractéristique de la tradition architecturale en Tunisie : Diffusion, Fabrication et Utilisation : XVIIe-XIXe S”, in Actes du IV symposium
- International d’Etude Morisques sur : Métiers, vie religieuse et problématique, CROMDI, 1990 , p.290-302.
- TERRASSE (H.), L’art hispano-mauresque des origines au XIIIe, ed.G.VanOest, Paris, 1932.
- TLIDI (A.), Lamaison de la culture andalouse à Chefchaouen, Mémoire de fin d’étude, Ecole Nationale d’Architecture, Rabat, 1986.
[1]BEN RAYSSŪN (M.), mūjaztārīẖ Chefchaouen, jamʿiyat al-daʿwa al-islāmiya, matbaʿatal-Quds, Chefchaouen, 1986, p.36.
[2]LÉON L’AFRICAIN (J.), Description de l’Afrique,T.I, Trad. Épaulard A., Publications de l’Institut des Hautes Études Marocaines, N° LXI, Ed. Librairie d’Amérique et d’Orient Adrien Maisonneuve, Paris, 1981,p.331.
[3]Revault (J.), Palais et Demeures de Tunis du XVIème siècle, vol.1, C.N.R.S, 1976, p.60.
[4]Tlidi(A.), La maison de la culture andalouse à Chefchaouen, mémoire de fin d’étude, ENA, 1986, p.84.
[5]BEN RAYSSŪN ( M.), mūjaztārīẖChefchaouen, op.cit., p.34.
[6]MECCA (S.) et alii, Chefchaouen, Architettura e culturacostruttiva, ETS, Florence, 2009, p.94.
[7]BACHIRI (S.), Chefchaouen : l’habitat, dialogue entre le passé et le présent, Mémoire de fin d’étude, Ecole d’architecture Paris-Ville,Paris , 2003, p.49.
[8]NACIRI (M.) et HASSANI (A.), Etude architecturale…, op.cit., p.60-61.
[9]MECCA (S.) et alii, Chefchaouen…, op.cit., p.94-98..