Les motivations entrepreneuriales : facteurs pression-attraction («push-pull») qui influencent les femmes à s’impliquer dans l’entrepreneuriat
دوافع ريادة الأعمال: عوامل الدفع والجذب التي تؤثر على المرأة للانخراط في ريادة الأعمال
Dr.Manel Ellouze/Université de Sfax-Tunisie
د. منال اللوز/جامعة صفاقس، تونس
مقال منشور في مجلة جيل العلوم الانسانية والاجتماعية العدد 79 الصفحة 159.
ملخص:
مع تطور ريادة الأعمال النسائية في السنوات الأخيرة، قامت العديد من الابحاث بدراسة آثار التحفيز على ريادة الأعمال والنمو الاقتصادي، حيث يتم تقديمه كدافع للتحركات التي تقود الشخص إلى أن يصبح رائد أعمال.
تهدف هذه الوثيقة إلى معالجة مسالة ريادة الأعمال باعتبارها حقيقة اجتماعية و اقتصادية، لاستكشاف طبيعة دوافع ريادة الأعمال لدى النساء في تونس وتحديد دوافع الضرورة والفرص التي تحثهن على إطلاق أعمالهن.
مكّنت نتائج هذا البحث من تحديد صورة رائدة الأعمال وفهم تأثير الدوافع على سلوكها عند إنشاء الأعمال التجارية.
الكلمات المفتاحية :ريادة الأعمال النسائية ، دوافع ريادة الأعمال، عوامل الدفع (الضرورة)، عوامل الجذب (الفرص).
Résumé :
Avec le développement de l’entrepreneuriat féminin ces dernières années, plusieurs recherches ont étudié les effets de la motivation sur l‘entrepreneuriat et la croissance économique puisqu’elle est présentée comme un moteur du mouvement qui conduit la personne à devenir un entrepreneur.
Ce document vise à traiter la question de l‘entrepreneuriat comme un fait socio- économique, d’explorer la nature des motivations entrepreneuriales chez les femmes en Tunisie et d’identifier les motivations de nécessité et d’opportunité qui les incitent à lancer leurs affaires.
Les résultats de cette recherche ont permis de dresser le profil d’une femme entrepreneur et d’appréhender l’impact des motivations sur leur comportement lors de la création d’entreprises.
Mots clés : entrepreneuriat féminin, motivations entrepreneuriales, facteurs push (nécessité), facteurs pull (opportunité).
Introduction
Depuis une trentaine d’années, le champ de recherche en entrepreneuriat ne cesse de se développer et d’attirer des adeptes, universitaires et praticiens. Cette inspiration est motivée par la prise en compte de l‘entrepreneur en tant qu’acteur capital du processus entrepreneurial ainsi par la volonté de répondre aux besoins des structures les plus fragiles de l‘économie à savoir les petites et moyennes entreprises. Ainsi, l‘appropriation et l‘intégration de la discipline de l‘entrepreneuriat dans les autres disciplines, surtout dans les sciences humaines et administratives, constituent un phénomène qui n‘est pas très produit avec autant d‘ampleur dans la construction paradigmatique d‘autre discipline dans les sciences humaines. De ce fait, ce phénomène est lié aux caractéristiques de l‘individu et il est déterminé par les facteurs de l‘environnement qui vont agir de manière contingente pour favoriser le comportement entrepreneurial. Cependant, le processus de création d‘entreprises résulte soit d‘un changement d‘activité faisant suite à une rupture professionnelle correspondant à une nouvelle trajectoire de vie, soit encore de la continuité de l‘activité qui révèle les atouts professionnels du porteur de projet, lui donnant un véritable éclairage visuel.
L‘intérêt de ce travail, qui souhaite traiter la question de l‘entrepreneuriat comme un fait socio-économique est d’identifier les motivations qui poussent une femme à entreprendre en Tunisie et d’apercevoir s’il existe une relation entre facteurs positifs (opportunité) et facteurs négatifs (nécessité) qui alimentent la source motivationnelle des entrepreneurs.
La première partie présentera l‘état de l‘art sur les différents concepts mobilisés de reconnaître les différentes raisons qui amènent les jeunes à lancer une entreprise. nous présenterons dans la deuxième partie les résultats de l’étude descriptive, puis nous discuterons ces résultats.
- Fondements théoriques
- L’entrepreneuriat: un état d’esprit ?
Le champ de l’entrepreneuriat recouvre des objets qui apparaissent comme très divers (Bruyat, 1993). Aujourd’hui, plusieurs auteurs admettent que des définitions différentes peuvent être utilisées, selon les problématiques de recherche retenues. L‘entrepreneuriat est « un paradigme jeune et sans fondement théorique substantiel »[1], une « science en construction »[2].
De nombreux chercheurs cherchent à décrire et à expliquer le processus entrepreneurial, à l‘instar de Fayolle et du Filion (2006) qui précisent que l‘entrepreneuriat est un phénomène multidimensionnel qui peut être étudié sous différents angles, en mobilisant de nombreuses disciplines et une grande diversité d’approches méthodologiques. Ces auteurs ont permis d’illustrer deux manières d’aborder l’entrepreneuriat :
* tout d’abord, l‘entrepreneuriat est traité comme identification d‘opportunité d‘affaires, par des personnes ou des organisations. Ces derniers poursuivent et concrétisent l‘opportunité identifiée indépendamment des ressources directement contrôlées. Toutefois, la capacité entrepreneuriale devient la capacité de l‘individu, qui est inscrit dans la démarche, à savoir identifier l‘opportunité, c’est-à-dire la situation propice et à l’illustrer en utilisant les ressources disponibles.
* la seconde conception identifie l‘entrepreneuriat comme processus susceptible de prendre place dans différents environnements et sous différentes configurations. En cela, l‘entrepreneuriat induit des changements dans le système économique, à travers l‘innovation qu‘apportent les individus ou les organisations.
Il sera judicieux de comprendre pour qu’elles raisons une personne souhaite s‘orienter vers la création d‘entreprise. Celle-là sera étudiée en lien avec une double trajectoire professionnelle et familiale propre à chaque individu.
- L’entrepreneur :
L‘entrepreneur constitue l‘unité primordial de notre recherche, il convient donc de tenter de définir cette notion qui semble être sujette à controverses et susceptible de plusieurs interprétations. Filion (1997) précise que Jean Baptiste Say est l’un des premiers à s’être intéressé aux activités des entrepreneurs. Pour les économistes, l’entrepreneur est vu comme une personne apte à prendre des décisions de façon rationnelle et omnisciente[3]. Puis, avec Schumpeter (1935) et la Théorie de l’évolution économique‟, l‘entrepreneur est vu notamment comme innovant, créant des emplois et possédant des facilités d‘adaptation. Il va quotidiennement relever des défis et faire appel à des connaissances multiples et variées.
Alain Fayolle (2004) définit l‘entrepreneur, comme étant un individu qui a choisi les conditions de son inscription dans la sphère économique: “l’entrepreneur apparaît comme un individu qui est passionné par ce qu’il fait, qui s’investit donc totalement dans son entreprise. Il aime et recherche la liberté et se construit une prison sans barreaux. Il ne sera pas indépendant, mais il a choisi, lui-même, le cadre et les conditions, y compris celles de sorties”.[4] Il convient dès lors de mentionner qu‘Alain Fayolle (2004), présente l‘entrepreneur comme un personnage passionné parce qu‘il fait, recherchant la liberté tout en sachant que cette liberté n‘est qu‘une illusion, puisque conditionnée par l‘objet même de tous ses efforts.
- Les motivations entrepreneuriales
La littérature sur la motivation entrepreneuriale apprécie que la création d’une entreprise puisse être choisie ou subie et que les individus deviennent des entrepreneurs pour des raisons multiples[5]. En effet, la décision de la création d’une entreprise peut être déclenchée par la présence d’une opportunité sur le marché qui n’est pas encore saisie, ou par un véritable besoin purement lié à la psychologie ou au contexte de la personne tel qu’un besoin de rémunération en cas de chômage. Suivant cette optique, deux dimensions exclusives se manifestent généralement, appelées respectivement « push » (nécessité et insatisfaction) et « pull » (opportunité d’affaires et le désir d’indépendance). » (J. Kirkwood et C. Cambell-Hunt, 2007 ; L. Schjoedt et K. Shaver, 2007; B. Gilad et P. Levine, 1986, Brockhaus, (1980) ; Cooper, (1971).
Les entrepreneurs sont guidés dans leurs désirs de création soit par des facteurs d’attraction ou pull (désir d’indépendance) ou par des facteurs de pression ou push (objectif de profit et valorisation sociale). Selon l’approche « push/pull » un individu va se tourner vers l’entrepreneuriat si cette option lui permet un meilleur rendement économique, soit dans le cas d’un manque d’emploi (push), soit parce qu’il espère gagner davantage (pull) (Shapero, 1975, Shapero et Sokol, 1982 ; Vesper, 1980). Cette approche permet de faire une distinction entre des entrepreneurs « par nécessité » et des entrepreneurs « par opportunité ». De ce fait, l’utilisation de cette approche sur le cas des femmes entrepreneurs montrent les facteurs push qui motivent les femmes sont l’insatisfaction au travail (plafond de verre inclus[6]) Brockhaus (1980), l’impossibilité de trouver un emploi[7], la nécessité économique et le besoin de flexibilité[8] .En outre, pour Moult et Anderson (2005) ces facteurs correspondent à l’insatisfaction dans le travail, le chômage l’insuffisance des revenus, et la nécessité d’équilibrer les responsabilités professionnelles et familiales. Pour ces auteurs les facteurs motivationnels pull se manifestent par le désir d’indépendance, le besoin la réalisation de soi, le désir d’épanouissement personnel, l’attrait de la richesse ou du statut. Au-delà pour Hughes(2003), l’acte de création d’entreprises est le résultat d’une certaine « culture entrepreneuriale » propre au créateur d’entreprise. Une telle culture considère la création d’entreprise comme étant un acte motivé par le fait d’avoir repéré une opportunité d’affaires non encore exploitée sur le marché.
En vue de collecter des données sur de l’entrepreneuriat féminin en Tunisie, nous avons fait recours à une enquête de terrain réaliser à travers l’administration d’un questionnaire qui était distribué aux femmes entrepreneurs.
- Analyse et discussion des résultats obtenus
Dans cette partie, seront exposés les principaux résultats auxquels nous sommes parvenus à l’issue de l’étude exploratoire menée auprès des femmes entrepreneurs tunisiennes.
3.1. Analyse et discussion de contenu thématique
Caractéristiques | Échantillon (n = 150) |
Âge*** 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 50 et plus | 0 % 47.6 % 26 % 13 % 8.6 % 4.8 % 0% |
Niveau d’instruction Bac et < Bac+2 Bac+3 Bac+4 Bac+5 et > | 6 % 4 % 30 % 10 % 50 % |
Région d’implantation de votre projet :
|
15.4 % 23.1% 19.2 % 11.5 % 26.8 % 4 % |
Proche Parent entrepreneur -Non -Oui | 69.7 % 30.3 % |
Expérience professionnelle -Oui -Non | 72 % 28 % |
Influence positivement par une personne de : -Ma famille -Mes voisins -Mes amis -Mon environnement professionnel | 64% 12% 68% 52% |
Il est à noter que les femmes interrogés 110 entrepreneures sur 150 étaient âgées de moins de 30 ans au moment de la création de leur entreprise, et que la majorité ont un niveau d’instruction supérieur (bac +3(30%), bac+4(10%) et bac +5 (50%)), dont la moitié font leurs études en ingénierie et pour les autres, leur formation demeure très générale : comptabilité, gestion, commerce, sport , langues, etc.), et que leur création d’entreprise date de deux à dix ans déjà, de plus, les entreprises crées sont essentiellement des entreprises commerciales (22%) suivie par agriculture (18.7%) puis l’industriel (17.4%), de service (17.4%), profession libéral (13%) et artisanal (8.7%) et tourisme (3.1%).
L‘enquête nous dévoile que 32% des entrepreneurs de l‘échantillon se distinguent par leur entourage social, ainsi, elles proviennent des familles où l‘un des parents travaille à son compte. En revanche, une plus forte proportion des entrepreneurs (68%) prétend ne pas avoir un parent entrepreneur. En outre, d’après les réponses, 76% des entrepreneurs ont une expérience professionnelle et considèrent que cette expérience les a motivés moyennement ou grandement à démarrer leur propre entreprise. En effet, le fait de provenir d’un milieu entrepreneurial (influence des parents et des amis) et d’avoir auparavant travaillé pour un employeur, influence significativement les personnes à créer leur propre entreprise. Ceci confirme les propos de Bolduc (1993) qui mentionne que l’entourage proche agit sur la propension à entreprendre.
II semble qu’une majorité des entrepreneurs de l’échantillon sont influencées positivement par une personne de leur entourage personnel et professionnel, les personnes avec qui l’entrepreneur est en étroite relation sur une base régulière. Ainsi, les modèles à imiter seront donc la famille, les amis et les collègues de travail ou encore un patron entrepreneur. Ces résultats s’accord avec les propos de Shapero (1975) qui annonce que les” modèles ” sont la plus importante variable dans la création d’entreprises : ” The most important variable we have found associated with the company formation act has been the existence of credible models or examples for the potential company former. A potential entrepreneur must be able to conceive of himself starting a company, and credible examples make the conception possible. “[9]
Au regard de ce qui précède, il semble bien que parmi les facteurs contextuels déclencheurs du processus entrepreneurial, la famille dont laquelle l’un des parents est de profession libérale, indépendant ou propriétaire d’une société. En effet, les jeunes femmes issues des familles entrepreneurs sont orienté d’une façon consciente ou inconsciente vers la création d’entreprise, d‘où on peut conclure que le modèle parental est le premier garant de l’intention d’entreprendre. De ce point de vue, Bourdieu a bien mis en exergue les mécanismes de reproduction sociale, par lesquels un enfant aura tendance à embrasser la même profession que celle de ses parents. En outre, le modèle de gens qui ont bien réussi en affaires contribuera à augmenter chez certains entrepreneurs le désir de lancer leur propre entreprise, les modèles à imiter seront alors les amis, la famille, les collègues de travail ou encore un patron entrepreneur. II semble donc que les modèles de succès en affaires suscitent la création de PME
3.2. Caractéristiques personnelles de l’entrepreneur selon la catégorisation (Push/Pull)
Nous avons fait ressortir deux catégories de variables, l’entrepreneuriat de nécessité (push) et l’entrepreneuriat d’opportunité ou d’attraction (pull). Sur ces bases, nous présenterons dans ce qui suit un profil général des entrepreneurs féminins tunisiens.
Indicateur | tout à fait d’accord | d’accord | plus ou moins d’accord | pas d’accord | pas du tout d’accord |
Profiter d’une occasion d’affaires | 16)10.6%) | 34(22.6%) | 67 (44.6%)) | 20 (13.3% | 13(8.6%) |
Etre indépendante, libre, autonome | 78(52%) | 48(32%) | 23(15.3%) | 1(0.6%) | 0 |
Besoin d’accomplissement personnel et réalisation de soi | 56(37.3%) | 51(34%) | 28(18.6%) | 12(8%) | 3(2%) |
Assurer une sécurité financière/ augmenter mes revenus | 58(38.6%) | 72(48%) | 15(10%) | 4(2.6%) | 1(0.6%) |
Avoir un statut social plus élevé | 43(28.6%) | 37(24.6%) | 40(26.6%) | 28(18.6%) | 2(1.3%) |
Désir de vivre ma passion et de mettre en valeur mes compétences professionnelles | 33(22%) | 49(32.6%) | 29(19.3%) | 22(14.6%) | 17(11.3%) |
Perpétuer aux affaires de mes parents | 18(12%) | 23 (15.1%) | 25(16.6%) | 66 (44%) | 18 (12%) |
Désir de suivre l’exemple de personne que vous admirez | 18 (12%) | 44 (28.9%) | 32 (21.3%) | 41 (26.9% ) | 15 (10%) |
L’insatisfaction au travail précédant | 24 (16%) | 48 (32%( | 30 (20%) | 42 (28%) | 6 (4%) |
Eviter la clavaire du chômage | 36 (24%) | 42 (28%) | 24 (16%) | 36 (24%) | 12 (8%) |
Difficulté de faire carrière | 5 (3.3%) | 9(6%) | 34 (22.6%) | 60(40%) | 42 (28%) |
Absence d‘emploi (fin de contrat, licenciement) | 30(20%) | 39(26%) | 7(4.7%) | 61(40.6%) | 13(8.7%) |
Obtenir une flexibilité pour la vie personnelle et familiale | 34 (22.6%) | 27 (18%) | 18 (12%) | 49 (32.7%) | 22 (14.7%) |
Les résultats trouvés de notre étude révèlent que pour la majorité des femmes de l’échantillon les motivations de type « pull » seraient responsables de la venue des femmes en affaires. On a constaté que 52% des femmes sont tout à fait d’accord et 32% sont d’accord que le désir d’être indépendante et autonome peut éventuellement l’inciter vers la création d’entreprises, de la sorte, elles décidaient d’être son propre patron tant qu’elles ont la difficulté à se soumettre à une autorité. Ainsi, les résultats trouvés confirment l’étude menée par Sweeney, (1988) qui soulignent que : « Il y en a qui se mettent à leur compte : ceux qui ont la disposition qui leur permet d’agir, ou dont certains traits de leur personnalité font de leur indépendance la chose la plus désirable au monde. Cette différence entre la psychologie de l’entrepreneur et celle du non-entrepreneur s’explique de plusieurs manières…la recherche d’indépendance est probablement le facteur principal »[10]. Ce facteur de motivation est presque le seul facteur qui rassemble autant les femmes que les hommes entrepreneurs selon les études accomplies sur la motivation dans différents pays.
Nous avons également constaté au cours de l‘enquête réalisée que (37.4%) des interviewées estiment qu’elles sont tout à fait d’accord qu’elles ont lancé leur affaire parce qu’elles ont besoin d’accomplir leur vie personnelle et réaliser leur soi. Cette catégorie des individus a besoin de se réaliser, d’exploiter et de mettre en valeur son potentiel personnel dans tous les domaines de la vie et cherchent davantage à prouver leur valeur à travers l’acte entrepreneurial. Ceci coïncide au résultat trouvé par Dubini (1988) qui déclare qu’en général les entrepreneurs démarrent une entreprise pour des considérations de bien-être.
En outre, 28.6% des interrogés révèlent qu’elles sont tout à fait d’accord et 24.6% sont d’accord avec le fait qu’elles ont créent leurs projets afin d’avoir un statut social plus élevé. Néanmoins, 48% des enquêtées déclarent qu’elles sont d’accord et 38.6 % sont tout à fait d’accord avec le facteur de la possibilité d’avoir un gain économique pour assurer la sécurité financière de leur famille. Ce résultat s’accorde avec les propos de Carsrud et Brännback, (2011) qui révèlent que l’entrepreneur est notamment alléché par le désir et la recherche d’un gain économique. En outre, pour la question relative à l‘expérience professionnelle, les résultats présentent que 72% des femmes enquêtées sont dotées d’expériences professionnelles, puis elles décident de lancer leurs affaires au lieu de rechercher un autre emploi. Au sein de cette catégorie, seulement 20% des femmes ont connu une carrière professionnelle continue et ascendante. Leur choix d’entreprendre est expliqué par l’insatisfaction à l’emploi précédent, la non-progression dans l’échelle hiérarchique et des responsabilités, et la recherche de l’épanouissement au travers d’une carrière entrepreneuriale. Les mêmes interprétations ont été trouvées chez Brockhaus (1980), qui établit la possibilité que des entrepreneurs aient été si peu satisfaits avec l’emploi précédent qu’ils auraient considéré peu probable à trouver une profession satisfaisante dans une autre organisation. Pour les autres entrepreneurs leurs parcours professionnels sont marqués par des ruptures et des changements successifs d’employeurs, au gré des licenciements ou fins de contrats. Cependant, dans le cas de ces entrepreneurs enquêtés le choix de la création d’entreprise montre comme une manière de subvenir aux besoins en faisant une activité qui apporte de la satisfaction et permettant de tout concilier, de trouver une voie de sortie à une situation de blocage vis-à-vis de l’emploi, tout en favorisant l’épanouissement personnel et familial. Certaines femmes (9.2%) déclarent que la création d’entreprise est le seul moyen d’avoir un travail. Au de là, au cours des deux dernières décennies les femmes tunisiennes ont rencontré des difficultés au niveau de l’accès à l’emploi. Ces difficultés se sont manifestement accentuées après 2011, ils sont évidemment liés à l’état général du marché du travail et de l’économie, d’où l’accélération de la propagation du chômage auprès des femmes. Ce problème d’insertion économique est plus profond pour les femmes dans les régions intérieures de la Tunisie (Kasserine, Jendouba, Sidi bouzid, Kébili, Gafsa et Tataouine) dont on affiche les taux de chômage les plus élevés (35%). Ainsi, ces régions offrent peu d’emplois de haut niveau, une structure d’emploi ne donne donc pas beaucoup de possibilités à une personne qui a de l’ambition.
Devant cette situation beaucoup des jeunes ont opté pour l’entrepreneuriat comme un antidote à un tel phénomène. On a pu constater d’après les résultats de notre enquête que 52 % des entrepreneurs ont créé leurs entreprises pour éviter la clavaire de chômage et 9.2% ont lancé leurs affaires à cause de l’impossibilité de trouver un emploi avec une majorité sont situées dans des régions de (Nord ouest, Centre ouest et Sud ouest) donc ce phénomène constitue un facteur catalyseur qui alimente la source des motivations pour les femmes entrepreneurs.
Conclusion :
En guise de conclusion, nous pouvons affirmer que la décision d’entreprendre des femmes interrogées est fondée principalement sur une volonté de changer leur quotidien. Toutefois, ces entrepreneurs étaient influencés spécialement dans leurs choix de carrière par des motivations du type Pull (d’opportunité). De plus, pour d’autres chefs d’entreprises leurs choix d’un parcours entrepreneurial peuvent être attribués à une combinaison de facteurs d’attraction (être indépendante, autonome réaliser leur soi, la volonté de satisfaire une passion), et de pression (envie d’améliorer ses revenus et exploiter une affaire hautement rentable, manque de possibilités sur le marché de travail, insatisfaction dans son travail précédent). À la lumière de nos résultats, nous pouvons avancer que les femmes entrepreneurs développent des motivations différentes en fonction de leurs caractéristiques (âge, étude, situation professionnelle, culture, etc.) et de l’environnement dans lequel elles évoluent.
Pour clore cette étude, les femmes entrepreneurs Tunisiennes enquêtées peuvent être décrites comme étant jeunes, d’un niveau d’instruction élevé, elles opèrent majoritairement dans des secteurs traditionnellement féminins : services, commerce, profession libérale. Pour autant, elles essayent de s’imposer dans des secteurs d’activité traditionnellement masculine : industrie, agriculture. Elles sont influencées positivement par des personnes de leurs entourages personnels et/ou professionnels. Il est à noter que le choix de créer son projet s’accentue notamment quand l’entourage soit médiateur et généreux face aux entrepreneurs. Concernant l’attitude des femmes entrepreneurs face au risque elles estiment que le risque doit être savamment mesuré, calculé et géré. D’après les résultats de l’enquête on distingue deux types de profils d’entrepreneurs à partir de leurs motivations du type Pull (création par opportunité/attraction) et du type Push (création par nécessités/ de pression).
L’entrepreneuriat des femmes en Tunisie dénote un progrès considérable, par ailleurs les femmes se présentent de plus en plus dans la vie économique en créent des emplois pour elles-mêmes et pour les autres et d’ancrer la croissance économique. Néanmoins, plusieurs contraintes ralentissent leur cheminement vers la prise de l’initiative privée se qui explique le taux des femmes en entrepreneuriat (10.9%)[11] qui reste inférieur à celui des hommes.
L’émergence d’une entreprise par une femme est un processus complexe influencé par de nombreux facteurs (socio-culturels et économiques, environnementales,..), ainsi des recherches supplémentaires doivent viser à mieux comprendre les effets de ces facteurs comme atouts ou obstacles sur l’accès des femmes à l’entrepreneuriat.
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[1] Bygrave et Hofer, « Theorizing about Entrepreneurship », Baylor University, (1991), 16: 2, p13-22
[2] Zghal, « Un équilibre instable entre le quantitatif et le qualitatif . L’enseignement supérieur en Tunisie », Revue internationale d’éducation de Sèvres, (2007), p:9
[3] Hernandez et Marco (faisant référence aux travaux de Richard Cantillon et d’Adam Smith), « Entrepreneur et décision, De l’intention à l’acte », Eska Editions , 2006.
[4] Fayolle.A, « Entrepreneuriat, apprendre à entreprendre », Paris, Editions Dunod, 2004, p 27-29.
[5] Cromie. S, « Motivations of aspiring male and female entrepreneurs », Journal of Organizational Behavior , 1987.
[6] Définition du plafond de verre donnée par le bureau international du travail en 1997 « Barrières invisibles, artificielles, créées par des préjugés comportementaux et organisationnels, qui empêchent les femmes d’accéder aux plus hautes responsabilités »
[7] Gila & Levine, « A behavioral model of entrepreneurial supply », Journal of Small Business Management, 1986.
[8] Ducheneaut, « Les femmes entrepreneurs à la tête de PME, in conférence de l’OCDE sur les femmes entrepreneures à la tête de PME : une nouvelle force pour l’innovation et la création », Groupe ESC Rennes, EURO PME. , 1997. [9] Shapero.A, « The displaced, uncomfortable entrepreneur », Psychology Today, 1975, p. 6-41.
[10] Sweeney, G. « Entrepreneurs and regional development. European Foundation for Management Development ».18ème séminaire sur les PME, Gand. (1988), p71.
[11] Selon l’Indice Mastercard des femmes entrepreneurs (2019), MIWE.